Gestes symboliques d’investiture aux XIe XIIe et XIIIe siècles
d’après les chartes
Il est inutile d’insister sur le rôle bien connu du symbolisme dans la
vie de nos ancêtres. La présente note se rattache au symbolisme
du geste, en l’occurrence du geste de remise d’objets, qui est censé
représenter la transmission de biens fonciers ou de droits. C’est une
sorte d’investiture par le geste, dont on peut constater la pratique dans quelques
documents des XIe, XIIe et XIIIe siècles.
Les textes de cette époque sont essentiellement d’origine ecclésiastique. Ce sont surtout des actes concernant la propriété, que les moines ou chanoines ont conservés dans les chartriers de leurs abbayes, prieurés ou collégiales, ou des copies ou résumés de ces actes transcrits dans des registres appelés cartulaires. Certains se présentent sous une forme qui est destinée à en garantir l’authenticité ; ce sont de véritables titres de propriété. Cependant, quand les mutations n’ont pas donné lieu à des actes en forme, on rédige des " notices ", pour conserver une trace écrite des transmissions. Comme ils concernent l’Église, presque tous ces documents mentionnent des acquisitions par donation : de terres, églises, bourgs, salines, dîmes, droits divers, même si, assez souvent, les donataires se dessaisissent de quelque monnaie en faveur des donateurs.
Certains seulement signalent que le donateur a remis un objet au donataire, comme " signe " de la donation. Est-ce à dire que cette pratique était peu répandue ? On ne saurait l’affirmer. Ainsi une charte de Saint-Hilaire de Poitiers contenait, dans un repli du parchemin, une courroie qui avait dû être remise aux chanoines comme symbole, alors que le texte de l’acte n’en fait pas mention. La coutume a donc pu être plus générale que ne le laisseraient supposer des textes qui nous sont d’ailleurs très souvent parvenus par des copies plus ou moins complètes, voire des résumés.
Le plus souvent on utilisait un objet qui se trouvait à portée de la main, sans considération ni de sa valeur ni d’un quelconque rapport avec la chose transmise : une rose, un fruit, un bâton, un couteau, une courroie... Parfois le donateur n’hésitait pas à offrir au donataire un objet appartenant à celui-ci. Ainsi un comte de Poitiers reçu à la table d’un moine de Saint-Maixent, sollicité par ce dernier pour confirmer une donation, remet au moine un couteau de son propre service. Une abbesse de Sainte-Marie de Saintes offre elle-même son peigne à deux donateurs pour que ceux-ci le lui restituent comme symbole de leur donation. Tel autre demande son couteau à un assistant pour le donner, sans qu’on sache d’ailleurs si le propriétaire a recouvré son bien. Par contre l’évêque de Saintes qui investit un abbé de Saint-Maixent à l’aide de sa crosse ne se dessaisit certainement pas de celle-ci. Ces exemples montrent qu’en fait c’est l’acte qui est symbolique.
Très souvent, l’objet est déposé solennellement sur un autel, en même temps que la charte, pour signifier que le donation est effectuée en faveur d’un saint. Quand un nommé Guillaume Hélie fait une concession à l’abbaye de Saint-Maixent, il " donne au saint, avec un couteau, ce qu’il avait donné aux moines ". Dans ces conditions, la déposition de la charte seule, dont les exemples ne sont pas rares, apparaît aussi comme un geste symbolique. Symboliques également sont la livraison en personne, par un soldat, au bénéfice de l’abbaye de Vaux, de " sommes " de vendange que celle-ci recevra ensuite annuellement des tenanciers du soldat, et la remise d’un bois à l’abbesse de Saintes, par un seigneur de Tonnay-Charente, au moyen d’un gant, dans le bois même.
Certains de ces objets pouvaient être conservés comme preuves, constituant ainsi des archives parlantes, pour peu cependant que la mémoire des circonstances de leur remise ne fît pas défaut. Ce souci de la preuve est manifesté par l’abbesse de Saintes Agnès qui, ayant reçu cinq maisons à Saint-Jean-d’Angély, signale à la fin d’une notice qu'elle prend soin de rédiger elle-même : " Cette pièce de monnaie que j’ai fait coudre ici, je l’ai eue dans la première année d’une maison de Saint-Jean " (année 1148, Saintes n° CCII). Il s’agit évidemment du cens qu’elle a perçu sur une des cinq maisons, à la première échéance suivant sa prise de possession. Il faut mettre à part un ciboire en forme de colombe d’argent doré, offert par un évêque à une abbaye, véritable cadeau d’un prélat à un grand établissement ecclésiastique de son diocèse, fait à l’occasion d’une donation d’église.
Voici donc une liste d’objets remis en ces circonstances.
Abréviations :
- AHSA : Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis.
- AHP : Archives Historiques du Poitou.
- Baignes : Cartulaire de l’abbaye de Saint-Étienne de Baigne, édition Cholet, 1868.
- Saintes : Cartulaire de l’abbaye de Notre-Dame de Saintes, édition Grasilier , 1871.
- Saint-Hilaire : " Documents pour l’histoire de l’église de St-Hilaire de Poitiers ", vol. 1, dans Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, année 1847.
- Vaux : Cartulaire de l’abbaye de Saint-Étienne de Vaux, édition Grasilier, 1871.
1. bâton :
- " Bertrand donna la part de dîme qu’il avait dans la même paroisse (Saint-Pierre de Melle, Deux-Sèvres), avec le bâton sur lequel il s’appuyait " (vers 1125, AHP XVI, p. 313).
- " J’ai fait ce don à Mauzé (Deux-Sèvres) ... ; j’ai confirmé au même lieu, en la main du seigneur abbé (de Saint-Jean-d’Angély), en lui donnant un bâton " (vers 1137, AHSA XXXIII, p. 167).
- Eble de Mauléon renonce à ses prétentions sur les possessions de l’abbaye de la Trinité de Vendôme dans l’île d'Oléron : " Moi, Eble de Mauléon, ... je voulais usurper le droit des moines ; reconnaissant ma faute, j’ai renoncé avec un bâton " (vers 1145, AHSA XXII p. 95) ;
- " Il reconnut son forfait et celui de ses serviteurs par un bâton pendant à cette charte " (1168, Saintes XLIV).
2. bâton pastoral :
- L’évêque de Saintes Ramnulfe a donné l’église Saint-Georges d’Oirec à l’abbaye de Saint-Maixent, dans la main de l’abbé Garnier, avec le consentement de son archidiacre Pierre et de ses autres clercs, au port de la Ronde (Taugon-La Ronde, Charente-Maritime), dans les bateaux où ils se trouvaient. " Plus tard, le seigneur abbé Geoffroy, successeur de Garnier, a requis ce don, en synode, à Saintes, et le seigneur évêque Pierre, qui avait succédé à Ramnulfe, le revêtit avec sa crosse, en présence de tous ceux qui étaient au synode... ". (1117, AHP XVI p. 292).
- Par mandat du pape, l’évêque de Poitiers Jean règle un différend entre les abbayes de Sainte-Marie de Saintes et de Maillezais, au sujet de dîmes dans l’île d’Oléron : " Il faut savoir que nous avons investi solennellement l'abbesse, de notre " bâton ", des susdits muids annuels de vin et de sel ". (1171, Saintes p. 46, XLI).
3. buis :
- Le mari d’Amélie de Morthemer défunte accomplit une promesse en donnant au monastère de Nouaillé la moitié d’un alleu de l’héritage de sa femme et il confirme la donation de l’autre moitié faite au même monastère par le frère d’Amélie : " Les parents et amis confirmèrent sur l’autel de Saint Junien, le jour des Rameaux, en présence de tout le peuple, en déposant l’un après l’autre un rameau de buis sur l’autel " (1116, AHP XLIX p. 309).
4. ciboire :
- L’évêque de Saintes Ramnulfe donne à l’abbaye de Saint-Étienne de Baignes l’église Sainte-Radegonde située près du château de Montausier (commune de Baignes-Sainte-Radegonde, Charente) : " Afin que nulle contestation ne puisse surgir à l’avenir, j’ai fait cette donation avec le conseil et le consentement de mes archidiacres, Amauvin et Pierre qui a dicté cette charte. Pour confirmation, j’ai abandonné la dite église sur l’autel de ce monastère, avec une colombe d’argent convenablement dorée, pour conserver le corps du Christ, laquelle j’ai abandonnée à Dieu et au protomartyr (Étienne) en même temps que l’église ". (Début XIIe siècle, Baignes p. 10, VI).
5. courroie :
- Boson, vicomte de Châtellerault, confirme l’abandon fait par ses parents, en faveur de l’église de Saint-Hilaire de Poitiers, d’un droit qu’ils avaient coutume de lever dans la terre de Benest (commune d’Aslonnes, Vienne) : " Moi, Boson, vicomte de Châtellerault, ... que mon père Hugues, vicomte, et ma mère Gerberge, ont abandonné... pour le rachat de leurs âmes et afin que Dieu et le bienheureux Hilaire leur permettent d’avoir un fils viable ; en effet, Dieu ne permettait pas de vivre longtemps aux fils qu’ils avaient. C’est pourquoi, aussitôt né et baptisé, ils me recommandèrent à Dieu et au bienheureux Hilaire, en me déposant sur l’autel du bienheureux Hilaire en même temps que la dite charte d’abandon de coutume, avec une once d’or... ; et moi..., soldat maintenant, quoique jeune, j’ai abandonné toute la coutume à Dieu et à saint Hilaire... et, comme témoin de cet abandon de coutume, je leur ai donné ma courroie de chaussure ". (Vers 1076, Saint-Hilaire I p. 95).
Louis Rédet, éditeur des chartes de Saint-Hilaire, signale en note que " la même formalité avait été accomplie par Hugues, père de Boson ; la courroie remise par lui entre les mains des chanoines de St-Hilaire, comme symbole de la cession qu’il leur faisait, est encore annexée à l’acte ". Cependant la remise de l’objet n’est pas signalée dans cet acte (vers 1055, p. 87). Rédet a mentionné en note de ce dernier : " Le parchemin sur lequel l’acte est écrit est replié par le bas. A l’extrémité droite et à l’intérieur de ce repli, est cousue une bande de cuir blanc de sept centimètres de long, nouée par le bout. "
- Un nommé Hugues, sa femme et ses enfants, renoncent à tous les droits qu’ils prétendaient avoir sur un moulin à Masseuil (commune de Quinçay, Vienne), qui appartient à l’église Saint-Hilaire de Poitiers : " ...j’ai abandonné ma querelle au sujet de ce moulin, en chapitre du bienheureux Hilaire, en présence des prieurs et chanoines, en la main du doyen Étienne, avec la courroie de mon baudrier, et moi et mon fils Pierre, chanoine, nous avons déposé cette courroie sur l’autel du sépulcre de saint Hilaire, en même temps que la charte. " (vers 1090, Saint-Hilaire I p. 110).
- " Et Grimoard Ebrard concéda ce don, de même que Hugues, prévôt, avec une courroie " (fin XIe siècle, Saintes CXXXIII).
- " Il déposa ce don sur l’autel de Sainte Marie, avec une courroie à laquelle il avait fait son nœud " (fin XIe siècle, Saintes CXLI).
- Le comte d’Angoulême Guillaume a donné aux moines qui résident à Saint-Pierre d’Archiac (Charente-Maritime) ses droits sur des foires et sur toutes choses vendues en cours d’année. " Adémar d’Archiac a fait le même don dans la main du seigneur abbé Adémar, avec une courroie déposée sur la charte " (Vers 1100, Baignes p. 21, XX).
- Pierre Alpiner donna deux pièces de terre à Dieu et à saint Étienne " et il confirma ce don avec une courroie et le comte d’Angoulême fit de même ". (Vers 1100, Baignes p. 130, CCXCIII).
- L’évêque d’Angoulême Adémar donna à Saint-Étienne de Baignes un alleu que son frère le comte Fouque lui avait donné ; " après la mort de l’un et de l’autre, Guillaume Taillefer, fils du comte Fouque et neveu de l’évêque Adémar, dirigeant le comté d’Angoulême, confirma le susdit don à saint Étienne, en chapitre, et ensuite le déposa sur l’autel avec une courroie. " (Début XIIe siècle, Baignes p. 127-128, CCLXXXVIII).
- Rorgon, juge de Rouillé pour les chanoines de Saint-Hilaire de Poitiers, renonce à certains droits que ces derniers l’accusaient de lever injustement dans leur terre : " Ainsi, j’ai fait dévotement et ostensiblement un nœud à une courroie et, m’avançant vers le saint sépulcre (de saint Hilaire), j’ai déposé la courroie sur l’autel, à la vue et au consentement des personnes désignées ci-dessous. " (1102, Saint-Hilaire p. 116).
- Deux hommes qui se disputaient trois champs de salines s’accordèrent pour les donner à l’abbaye de Saint-Maixent, " avec une courroie que nous tenions en main, à laquelle on a fait trois nœuds, en signe, cette courroie devant être conservée " (1109, AHP XVI p. 255).
- Pierre de Nuaillé donne une saline à l’abbé de Saint-Maixent : " J’ai fait ma donation avec un morceau de courroie qui a été coupé à la selle de l’abbé, en chemin, alors que nous revenions ensemble du château de Chizé " (1111, AHP XVI p. 272).
- Catalo Rufus, de Vivonne, renonce à tous les droits que les chanoines de Saint-Hilaire de Poitiers l’accusaient d'avoir usurpés dans leur terre de Champagné-Saint-Hilaire (Vienne) : " J’ai juré à main levée, sur l’autel, devant le corps du bienheureux Hilaire, que, si je reviens du voyage que je me dispose à entreprendre, j’exécuterai ma promesse, et j’ai déposé sur l’autel la présente page, avec la courroie de ma ceinture, et j’y ai fait le signe de la croix ". (Vers 1120, Saint-Hilaire p. 122).
En 1128, l’évêque de Poitiers confirme une sentence d’excommunication prononcée par le pape Calixte II contre Hélie de Vivonne, fils de Catalo Rufus, qui n’a pas tenu compte du désistement de son père. L’acte rappelle les dispositions ci-dessus (Saint-Hilaire p. 129).
6. couteau :
- Le comte-duc Guy-Geoffroy a donné à l’abbaye de Saint-Maixent l’église Saint Philippe et Saint Jacques de Tallent (commune de la Chapelle-Montreuil, Vienne) ; " ensuite il arriva que le duc et comte vint manger dans la maison du moine Acfred, près de la même église des saints Philippe et Jacques, et là il confirma la donation à Saint Maixent, avec un couteau du service du moine qu’il tenait en main " (1078, AHP XVI p. 170).
- Hugues de la Celle renonce en faveur des chanoines de Saint-Hilaire de Poitiers à ses prétentions sur une église et le bourg qui en dépend : " Ce Hugues, partant pour le Saint Sépulcre, inspiré par la justice divine, en présence de nombreuses personnes, abandonna sa querelle par la déposition d’un couteau sur l’autel " (Vers 1090, Saint-Hilaire p. 107).
- " Guillaume, comte de Poitiers, rendit au couvent de la Bienheureuse Marie la terre que Bernard Bardeth avait injustement possédée, faisant son don sur l’autel de la Bienheureuse Marie, avec une courroie de cerf contenant un couteau " (début XIIe siècle, Saintes LXXVI).
- Guillaume Hélie abandonne à l’abbaye de Saint-Maixent la dîme et le produit du sanctuaire de l’église de Montemboeuf (Charente) que sa femme avait reçus en dot et : " devant l’autel de saint Pierre et devant l’évêque, qui était à la messe, il donna au saint, avec un couteau, ce qu’il avait donné aux moines " (1119, AHP XVI p. 296).
- Un nommé Geoffroy de Branteio rend à l’église de Saint-Hilaire de Poitiers des droits qu’il avait usurpés à Luzay (canton de Saint-Varent, Deux-Sèvres), après avoir été excommunié par le pape et par l’évêque de Poitiers : " De ceci, j’ai fait don et concession et démission avec le couteau de Pierre Manuel, dans la main d’Hervé, trésorier de Saint-Hilaire, de Guillaume, doyen, de Jean, préchantre... " (1127, Saint-Hilaire p. 127).
7. fruit :
- " Et ils firent cet abandon avec un fruit qui fut ensuite mangé au réfectoire " (XIe siècle, Saintes CLXII).
8. gant :
- " Hélie, prévôt de Bergerac, et Audebert, son frère, donnèrent à Dieu et à sainte Marie et à saint Sylvain, dans la main de la dame Aleaiz de Montausier, avec le gant de celle-ci, l’eau de la Dordogne... " (fin XIe siècle, Saintes CXXXIII).
- Geoffroy de Tonnay-Charente donne à l’abbesse de Saintes le bois de Beurlay (Charente-Maritime) : " Geoffroy fit ce don avec un gant, en fléchissant les genoux devant elle, dans ce même bois " (début XIIe siècle, Saintes XC).
- " J’ai investi de ce don la dame Maria, qui était alors prioresse de Saint-Julien (Saint-Julien-de-l’Escap, Charente-Maritime), avec un gant que celle-ci tenait en sa main " (sans date, Saintes CCXXI).
- " Le même jour, à Montausier, la dite dame Alaidis, nièce dudit Hélie, approuva le susdit don et tout ce qui est contenu dans cet acte, et investit le prieur Bertrand avec un gant de maître Guillaume de Lopsaut qui était présent. " (4 septembre 1213, Baignes p. 228, DXXXVII ; pour le début de l’acte, voir " rameau feuillu ").
9. livre :
- Deux frères renoncent en faveur des moines de Saint-Maixent à leurs prétentions sur une maison et un verger à Isernay (commune d’Exoudun, Deux-Sèvres) : " Ils concédèrent tous deux cette donation et la déposèrent sur l'autel avec ce (sic) livre et ils confirmèrent avec ces croix tracées de leurs mains " (1ère moitié du XIIe siècle, AHP XVI p. 326).
- " Moi, Adémar, abbé de Saint-Étienne de Baignes, je veux faire connaître ... le don que nous avons fait à Dieu et à l’église de la Bienheureuse Marie de la Couronne et au seigneur abbé Lambert, et aux frères qui y servent Dieu tout puissant. Nous avons donné en notre chapitre, d’un commun conseil et par la volonté de nos frères, en la main de l’abbé Lambert, avec un livre dans lequel on lisait en chapitre... " (1129, Baignes p. 125, CCLXXXVI).
- " Il fit ce don avec la volonté et l’assentiment de sa femme et de ses fils qui tous confirmèrent ce don de leurs propres mains, sur l’autel, avec un livre. " (Sans date, Baignes p. 175, CCCCXXXIV).
10. missel :
- Guillaume, fils d’Ermengod, confirme des dons faits par son père à l’abbaye de Saint-Maixent : " J’ai fait ce don avec un missel, sur l’autel, à Verruyes (Deux-Sèvres) (1116, AHP XVI, p. 289).
- " ... et il fit ce don avec un livre de messes, en touchant la tenture de l’autel de saint Étienne et là il exposa ce qu’il avait en droit dans les dites terres... " (entre 1109 et 1121, Baignes p. 206, DII).
- Plusieurs hommes abandonnent à l’abbaye de Saint-Maixent les dîmes qu’ils possèdent dans la paroisse de Saint-Pierre de Melle (Deux-Sèvres) : " ils donnèrent la dîme des agneaux et de la laine, des lins et des chanvres, qu'eux et leurs ancêtres avaient eue injustement dans la paroisse de Saint-Pierre de Melle, avec un missel, sur l’autel de saint Pierre " (Vers 1125, AHP XVI p. 313).
- " ... avec un missel, sur l’autel de saint Vincent de Vassiac (commune de Montguyon, Charente-Maritime) ils firent leur donation à Dieu et à saint Étienne de Baignes... " (5 juillet 1149, Baignes p. 204, CCCCXCIX).
- Guillaume Seguin, son fils Richard et son frère Borreau, donnent à l’église de la bienheureuse Marie de Saintes " l'exploit de deux ânes dans la forêt d’Authon, qui apporteront autant qu’ils puissent apporter de bois vert et sec, et nous avons présenté cela de nos propres mains, avec un livre missel sur l’autel... " (1144, Saintes p. 60, LX).
- " ... et avec un livre missel, en témoignage, il abandonna tout ceci sur l’autel de saint Grégoire... " (Sans date, Baignes p. 188, CCCCLXI).
11. peigne :
- L’abbesse de Saintes Agnès fait savoir à la postérité que deux cousins germains ont fait une concession à son abbaye. " L’un et l’autre consentit à ce don avec bienveillance, de bonne volonté, en notre propre main, avec notre peigne, en baisant très humblement notre main... " (1137, Saintes LXV).
12. pièce de monnaie :
- " Moi, Aimar, évêque de l’église de Saintes, tant aux présents que futurs, à perpétuité... ". Il fait savoir que Gilbert de Rochefort a restitué à l’église Sainte-Marie de Saintes des dîmes qu’il détenait injustement dans l’île d’Oléron et en a " investi Aimeri Bertet et Rannoux, chapelains de la dite église, et Guillaume Germain, chapelain de Chassiron,... avec une pièce de monnaie que nous avons retirée de notre bourse " (1171, Saintes XLIII).
13. poivre et laurier :
- " Moi, Daevert, et ma femme Hermenjard,... nous donnons... Et afin que cela demeure ferme à perpétuité, ... je dépose mon don de ma propre main sur le saint et sacré autel consacré en l’honneur de sainte Marie mère de Dieu..., avec un demi-pied de bois de laurier et une livre de poivre dans un sac de lin qui jusqu’à maintenant m’a appartenu, ainsi que je le dis " (1065, Saintes CCXXIX).
14. rameau feuillu :
- Hélie Mainard, du consentement de sa nièce Alaidis, a accordé aux moines de Baignes, sur l’autel de saint Étienne, l’autorisation de creuser dans sa terre un canal d’alimentation de moulin, sans aucune redevance, " et Drogon de Montausier, dans le fief duquel est cette terre, avait d’abord abandonné ses droits, sur le même autel, avec un éventail de feuilles. " (4 septembre 1213, Baignes p. 227, n° DXXXVII). Voir gant.
15. rose :
Un soldat fait la paix avec l’abbesse de Saintes. " Il donna... avec une rose " (XIIe siècle, Saintes CCXIX).
16. seiches :
- L’archevêque de Bordeaux Geoffroy et l’évêque de Saintes Guillaume règlent un différend entre l’abbesse de Saintes Agnès et un particulier qui reconnaît le bon droit de l’abbesse et " investit la dame abbesse avec cent seiches " (1137, Saintes CCXXXVI).
17. verge de chêne :
- " Une dame nommée Alaidis, lépreuse par la permission de Dieu,... fit don à Sainte Marie (de Barbezieux, Charente), en la main du prieur Pons, de trois séterées de terre, avec une verge de chêne, à Beaumont qui est sous la voie... " (Sans date, AHSA XLI p. 116, CCCCXX).
Exemples d’investiture sans remise d’objet :
1. déposition de la charte sur l’autel :
- Le comte de Poitiers Guy-Geoffroy concède à l’abbé de Saint-Maixent un terrain dans la forêt de Vouvant (Vendée) pour y fonder une église, en remplacement de l’église de Sainte-Radegonde que les habitants de la paroisse ont abandonnée : " Le comte confirma cette charte et la déposa de sa propre main sur l’autel de saint Maixent. " (1059, AHP XVI p. 146).
- Le comte de Poitiers Guy-Geoffroy restitue à l’abbaye de Saint-Maixent la moitié du péage du bourg du même nom qu’il lui avait enlevée : " Le comte Geoffroy confirma cette charte dans le chapitre de Saint-Maixent, aux nones de décembre, et la signa lui-même de sa croix et ensuite la déposa sur l’autel de saint Maixent ; et deux moines, Gilbert et Guillaume, l’enlevèrent ". (5 décembre 1080, AHP XVI p. 176).
- Accord entre l’abbé de Saint-Jean-d’Angély et un nommé Létier qui contestait une donation faite par son neveu : " Il a été convenu qu’on ferait une autre charte en remplacement de celle contestée par Létier. Ensuite le dit Létier confirma cet accord en déposant ce parchemin ... sur l’autel de saint Jean, en présence de... ". (vers 1080, AHSA XXX p. 105).
- Gautier Fort donne à l’abbaye de Nouaillé la moitié d’une église, la moitié d’une dîme, un mas de terre et autres biens : " J’ai déposé toutes ces choses sur l’autel, avec cette charte, le jour de la fête de saint Étienne, en faveur de saint Junien... ".(Entre 1077 et 1091, AHP XLIX p. 229).
- Un prêtre donne divers biens à l’abbaye de Nouaillé et s’engage à ne pas se faire moine ailleurs qu’à Nouaillé. "J'ai signé cette charte de ma propre main et je l’ai déposée sur l’autel, en présence des moines et laïcs Aimeri, Garnier... ".(Entre 1077 et 1091, AHP XLIX p. 232, n° 146).
- Guillaume de Passavant et sa femme Lucie concèdent à Sainte-Marie de Saintes l’exemption des droits qu’ils percevaient sur les marchandises vendues par ses hommes... : " Et afin que notre concession ne puisse tomber dans l'oubli par la suite des temps, pour éviter un nouveau conflit, nous avons voulu que cette charte soit faite, que nous avons approuvée et comprise après lecture à nous faite, et que nous avons confirmée par le signe de la croix et que nous avons déposée de notre propre main sur l’autel de sainte Marie ". (Début XIIe siècle, Saintes p. 58, LVIII).
- Pierre Airaud donne à l’abbaye de Saint-Maixent tout ce qu’il possède dans le marais de Mouillepied (commune de Ballon, Charente-Maritime) : " J’ai fait ce don avec cette charte et je l’ai déposée de ma main sur l’autel de sainte Marie et j’ai fait le signe de la croix qui est ci-dessous... " (1114, AHP XVI p. 286).
2.Livraison de la première récolte par le donateur d’une rente sur des vignes
- Dans le chapitre de Saint-Étienne de Vaux (Vaux-sur-Mer, Charente-Maritime), en présence de l’évêque de Saintes, un soldat " reconnut avoir donné à l’église de Vaux cent sommes de vendange annuellement, prises sur des rentes de vignes appelées vulgairement le quart, affirmant avoir lui-même investi cette église de la vendange, en plaçant de ses propres bras dans les cuves des moines les sommes déposées par les ânes ". (1174, Vaux p. 56, LXXI).
Cette liste n’est certainement pas exhaustive. Elle donne cependant une idée d’une certaine forme de symbolique gestuelle, qui est révélée par les actes, en complément de la symbolique qui s’exprime dans les représentations figurées des manuscrits.
Publié dans la revue de la Société d'Etudes Folkloriques du Centre-Ouest, tome XXIV, n° 2, mars-avril 1992, p. 97-108.