LE PRIEURÉ DE MONTIERNEUF

Sommaire

Le prieuré et la paroisse au Moyen Age

Les origines. La seigneurie de Montierneuf - Possessions et droits de l'abbaye de Vendôme près de Saint-Agnant - La justice de Malaigre - Privilèges et protection princière - Atteintes aux privilèges - Donations à la Sainte-Larme - La communauté, des origines au milieu du XIVe siècle - Le domaine - La paroisse dans la première moitié du XIVe siècle - La guerre de Cent Ans

 Le prieuré en commende

Les premiers prieurs commendataires et les guerres de religion - Pendant la régence - Le prieur Eustache Le Boulanger (1619-vers 1658) - Le curé Julien Jouade (1662-1669) - Le prieur René Blandin (1674-1692) - Le prieur Terre de Barnay et le curé Maurice - Le curé La Treille (1714-1740) - Le prieur Blaise-Marie d'Aydie - Les successeurs de Blaise-Marie d'Aydie - Les sacristes au XVIIIe siècle

 Documents

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1er juillet 1407 : L'abbé de Vendôme confirme des franchises accordées aux habitants de la paroisse de Saint-Agnant
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4 juin 1785 : acte de reconnaissance de rentes par un tenancier, pour l'établissement d'un terrier

     

La commune de Saint-Agnant dispose d'un ensemble non négligeable de documents antérieurs aux minutes notariales et aux registres paroissiaux, à partir lesquels s'édifie généralement la plus ancienne histoire des paroisses rurales. Ces documents proviennent surtout des archives de l'abbaye de Vendôme, qui possédait dans la paroisse le prieuré de Montierneuf. On remarque la richesse de ces archives en textes antérieurs à la " guerre de Cent Ans ", qui a provoqué une désertification de la paroisse vers le milieu du XIVe siècle. Cette observation permet de supposer que l'essentiel de la documentation locale était conservé à l'abbaye ou y a été transporté en temps utile.

Par contre, il ne reste que peu de choses pour la période comprise entre les environs de 1350 et le XVIIe siècle. Il faut en effet attendre le retour de la paix civile, au début de ce dernier siècle, pour que la pastorale soit assurée dans des conditions à peu près normales. Cependant, la ruine des églises pose alors d'épineux problèmes de reconstruction et le partage des revenus entre des prieurs commendataires, les religieux résidents et les desservants provoque des conflits renouvelés. Ainsi, les XVIIe et XVIIIe siècles apparaissent-ils comme des siècles de procédure. Il est vrai que l'ère des grandes donations est close depuis longtemps, mais il est également vrai que les transactions locales n'ont guère laissé de traces dans le " trésor " abbatial.

Nous avons tenté une synthèse de la documentation publiée, bien conscient que notre ignorance des délibérations du chapitre général et des règlements disciplinaires nous prive de renseignements importants.

Le prieuré et la paroisse au Moyen Âge

 Les origines. La seigneurie de Montierneuf

La porte monumentale du domaine a conservé le nom du prieuré : moustierneuf. En 1865, A.. Bourricaud signalait qu'on prononçait encore localement Moutier Neuf. Malheureusement la mauvaise graphie Montierneuf s'est imposée. Il en est résulté une déformation du nom : aujourd'hui on prononce couramment le r de Montier.

Les moines bénédictins de la Trinité de Vendôme se sont établis dans le diocèse de Saintes parce que le fondateur de cette abbaye, le comte Geoffroy Martel, a doté sa fondation de quelques-unes de ses possessions saintongeaises. L'acte de dotation est daté du 31 mai 1040. Dans l'énumération des biens, on relève : " le bois de Saint-Agnant et le bois de Colombiers, avec toutes utilités, salines, eaux, moulins, pêcheries, dans leur intégralité, selon les limites que nous avons fait tracer, à l'intérieur desquelles sont contenus cent mas de terre ". Le 27 juin 1047, le pape Clément II confirme la donation en ces termes : " l'église de Saint-Saturnin et la terre de Saint-Agnant, avec salines, pêcheries et toutes les coutumes ". Ces indications sont peu précises et les documents postérieurs n'y ajoutent rien. A différentes reprises, en effet, les abbés de Vendôme ont obtenu des confirmations des successeurs du comte et du pape mais ces textes ne font que reprendre les termes des actes de 1040 et de 1047. On a remarqué que, pour le comte, le terroir concédé est constitué essentiellement de deux bois, considérés comme les restes d'un boisement continu où on a mis en culture une centaine de " mas ". Par contre, l'autorité ecclésiastique place en tête, sans surprise pour nous, l'église Saint-Saturnin, qui est paroissiale, la " terre de Saint-Agnant " étant pour le pape le territoire de cette église. On constate une même vision du comte pour ce qu'il donne à Sainte-Marie de Saintes en Marennes : " la moitié de la terre cultivée de la forêt de Marennes et les églises de cette forêt, où l'on compte cent mas de terre ". Le décompte des " mas " est évidemment très approximatif dans les deux cas ; serait-il plus précis que nous ne pourrions évaluer la superficie cultivable, la valeur du mot " mas " en ces lieux et à cette époque nous échappant totalement. En tout cas, dès l'origine, cette possession de l'abbaye de Vendôme comporte " salines et pêcheries ", dans le marais proche de Saint-Agnant.

Beaucoup plus tard, après la " guerre de cent ans ", la " terre de Saint-Agnant " nous apparaît constituée en seigneurie, dans un dénombrement du prieur Antoine de Crevant. Cette seigneurie est délimitée avec une précision suffisante pour que nous puissions constater que ses limites coïncident avec celles de la paroisse de Saint-Agnant. La délimitation commence en un lieu appelé la Cafourche, qui ne peut être que le confluent de l'Arnoult et du ruisseau qui a précédé le canal de la Bridoire. A partir de là, on remonte le cours de l'Arnoult jusqu'à la hauteur de l'église Saint-Jean de Trizay ; sur la rive droite sont les terres de 1a châtellenie de Tonnay-Charente. Puis on remonte le cours de l'Arnaise jusqu'à " la terre et seigneurie de Saint-Fort ", à proximité d'un " vieux chemin " ; à l'est s'étend le " bailliage de Champagne ". Le long de l'Arnaise on rencontre le perré de Chie-Loup et celui du Pas d'Arnaise, qui comporte un " grand arceau ". Un fossé sépare les seigneuries de Montierneuf et de Saint-Fort, jusqu'au " port de la Tonnelle ". Ensuite la limite passe entre le marais, qui est de Montierneuf, et la " terre douce ", qui est de Saint-Fort, jusqu'au chemin de Saint-Fort à Malaigre. Dans le marais, la " chenau de la Tonnelle " et la " grand chenau de Gouillas " séparent les marais salants de Montierneuf de ceux de la seigneurie de Malaigre. Puis la limite atteint la " grand chenau de Saint-Agnant ", qu'elle remonte jusque près de la " fontaine Charles ", le long du fief de Soubise. A partir de cet endroit, il est difficile de suivre la description car l'aspect des lieux a été profondément modifié par le creusement du canal. Le texte parle de " certains fossés ", une " combe et vieux fossé ", un " petit fossé " près du village des Boutaudières, un " grand fossé " appelé " le fossé de Saint-Sornin ", qui s'étend jusqu'à la Cafourche. Les fiefs limitrophes sont ici les seigneuries de Soubise et d'Echillais.

Il n'est pas douteux que ces confrontations correspondent aux limites de la paroisse mais elles soulèvent quelques petits problèmes. Les noms des chenaux du marais sont aujourd'hui inconnus. La " chenau de la Tonnelle " et la " grand chenau de Gouillas " paraissent correspondre au chenal du Grand Saint-Fort. D'après le texte, il semble que la " chenau de la Tonnelle " se déversait dans la " grand chenau de Gouillas " et celle-ci dans la " grand chenau de Saint-Agnant ". Cette interprétation paraît confirmée par les termes d'un dénombrement la châtellenie de Soubise de la même époque. La limite de cette châtellenie suivait le milieu du " havre de Brouage " jusqu'à la " chenau de Saint-Agnant " et le milieu de cette dernière jusqu'à la fontaine Charles. La " chenau de Saint-Agnant " était donc un affluent du havre de Brouage. Cette limite est la limite méridionale de la paroisse de Beaugeay, qui suit les chenaux actuellement appelés chenal de la Prée et chenal de Boule. La " chenau de Saint-Agnant " se confond par conséquent avec ces deux chenaux. Dans une déclaration de 1692, il est question d'un " canal mitoyen au seigneur prieur et au seigneur de Soubise ", qui " va jusqu'au lieu appelé la pointe de Gouillas ". Il s'agit évidemment de la partie haute de " la chenau de Saint-Agnant ". La " pointe de Gouillas " doit correspondre au " pont de la Roberte, qui est près de la " cabane de Gouillas ". La " chenau de Saint-Agnant " était-elle aussi rectiligne que le canal de la Bridoire entre la terre ferme et le chenal de Boule ? Nous ne saurions l'affirmer. Toujours est-il que deux textes la font pénétrer en terre douce jusqu'à la fontaine Charles, à environ 500 mètres de la limite du marais.

Dans le " grand fossé " appelé " fossé de Saint-Sornin ", qui commençait à l'est des Boutaudières, coulait un " filet d'eau " franchi par un " arceau " au perré du Chay. Ce ruisseau atteignait l'Arnoult à la Cafourche. Notre texte le mentionne depuis le lieu où la seigneurie du prieuré longeait celle d'Echillais, c'est-à-dire à la hauteur de Liré. Il devait recevoir les eaux des fontaines de la Rue, du Merzaud et de la Font-Germain. Qu'y avait-il dans les fossés signalés entre la fontaine Charles et Liré ? Peu d'eau sans doute. La " grand chenau de Saint-Agnant " était surtout alimentée par la fontaine Charles et n'atteignait un haut niveau qu'à marée haute. Cependant, sa largeur était suffisante pour que la ligne de séparation des fiefs de Soubise et de Montierneuf ait été fixée en son milieu.

Dans son dénombrement, le prieur précise qu'il dispose de toute justice dans son fief, haute, moyenne et basse, qu'il a des sceaux à contrats et qu'il perçoit les droits de vente et les profits habituels des seigneurs hauts justiciers. En plus de ses cens, rentes, etc., il détient les moulins de Pain Perdu et de Vouillay, deux fours à ban, un moulin à vent, le " bois de Montierneuf ", avec droit de " paisson, glandée et pâture à pourceaux ". Les charges ne manquent pas : 100 livres tournois à l'abbé de Vendôme, " pour aider à nourrir et entretenir les religieux ", 13 livres 13 sous 4 deniers aux officiers de l'abbaye, 10 livres à l'évêque de Saintes pour son droit de visite de l'église paroissiale Saint-Sornin, 53 sous 3 deniers à l'archidiacre de Saintonge, pour droit de visite également, 200 livres au sacristain du prieuré et aux trois prêtres pour le service de l'église, 58 boisseaux de froment au curé de Saint-Sornin pour son gros, etc.

Il y a lieu de penser que cette importante seigneurie correspond à la donation faite en 1040 par Geoffroy Martel, car les archives de l'abbaye ne contiennent aucun autre acte de donation dans les limites de la paroisse. D'ailleurs, le prieur signale lui-même dans sa déclaration que " la terre et seigneurie de Montierneuf " fait partie de la dotation de l'abbaye à sa fondation. Les dénominations " bois de Saint-Agnant " et " terre de Saint-Agnant ", employées respectivement par le comte et par le pape, sont dues à l'existence d'une église Saint-Agnant qu'on découvre au XVIIe siècle, comme chapelle principale du bourg de Saint-Agnant. Au milieu du XIe siècle, la situation ne devait pas être très différente de celle que nous révèlent des actes du XVIIe siècle : un bourg au contact du marais, peuplé de sauniers et de pêcheurs, pour qui la chapelle de Saint-Agnant est le lieu de la prière quotidienne, alors que l'église paroissiale, relativement éloignée, ne réunit les habitants que les dimanches et jours de fêtes. Cette situation nous oblige d'ailleurs à nous demander si l'isolement relatif de l'église paroissiale, qui se trouvait à un kilomètre à vol d'oiseau de l'église Saint-Agnant, n'est pas dû à un déplacement de la population vers le marais, à l'époque de la mise en valeur de celui-ci, notamment par la création de salines. Quant au bois appelé " bois de Colombiers ", nous n'avons pu l'identifier car ce nom ne figure dans aucun autre document connu.

Souvent, lorsqu'une église est donnée à une abbaye, celle-ci édifie un prieuré auprès de cette église qui devient celle des moines tout en demeurant paroissiale. Les moines de Vendôme, qui disposaient d'une grande étendue de terres et de ressources importantes, ont pu édifier leur propre église. Le lieu qu'ils ont choisi est éloigné d'environ un kilomètre de l'église Saint-Sornin et de plus d'un kilomètre et demi de la chapelle de Saint-Agnant. Était-il habité ? C'est en tout cas une zone d'eaux vives, avec plusieurs sources, favorable à un établissement humain.

Possessions et droits de l'abbaye de Vendôme hors de Saint-Agnant

L'abbaye a eu, au moins temporairement, des biens et des droits dans des paroisses voisines. Le prieur de Montierneuf administrait ces biens et exerçait ces droits.

Dans sa déclaration du temporel du prieuré, le prieur Antoine de Crevant a mentionné une pièce de pré dans la prairie de Rhône, " dessus la rivière de Charente, en droit du chasteau de Rochefort ". Il s'agit peut-être de douze journaux de pré que Geoffroy de Tonnay, seigneur de Tonnay-Charente, a donnés en 1204. D'autre part, Hugues de Tonnay avait concédé un droit de pêche dans les eaux et les marais de l'Arnoult, entre le moulin de Vouillay et celui de Pillay, mais les moines n'exerçaient pas encore - ou n'exerçaient plus - ce droit à la mort de son héritier Geoffroy. En 1273, le prieur Robert obtint la reconnaissance du droit par les exécuteurs testamentaires du seigneur de Tonnay-Charente décédé. Les prieurs de Montierneuf pouvaient pêcher toute espèce de poisson, au moyen de tout filet ou engin de pêche à leur convenance, entre les deux moulins ci-dessus désignés, pendant trois jours par semaine, les lundi, mercredi et vendredi. Le droit de pêche devait être quotidien pendant tout le Carême. De plus, ils pouvaient pêcher à chaque fois qu'ils recevaient les prélats du diocèse, leur abbé ou un envoyé de celui-ci, en qualité de visiteur, aussi longtemps que durerait leur séjour au prieuré. Ils avaient également la possibilité de faucher la " rouche " des marais, pour couvrir leurs maisons, leur foin ou le sel provenant de leurs salines. Cette convention devait être ratifiée par l'abbé de Vendôme. Le fut-elle par les héritiers de Geoffroy de Tonnay ?

En 1075, les moines étaient en possession d'une partie du " Breuil de Saint-Fort " et de tout ou partie de la dîme de la " chapelle " de Saint-Fort. Nous ignorons ce qu'était le Breuil de Saint-Fort, dont le comte de Poitiers Guy-Geoffroy avait donné sa part, en même temps que sa part de la dîme, lors d'un passage à Montierneuf. Une autre partie de la dîme avait été concédée par Arnaud de Montausier, frère du comte d'Angoulême Foulque, qui avait cependant demandé que les moines lui donnent soixante sous. Beaucoup plus tard, en 1463, l'évêque de Saintes a décidé que la présentation à la cure de Saint-Fort serait faite par le prieur de Montierneuf, mais un pouillé du diocèse de Saintes exécuté au XVIIe siècle attribue cette présentation au prieur de Soubise.

On peut aussi signaler une possession mineure, au nord de la Charente, résultant d'une donation de particulier. Un certain Guillot Trassard s'était donné à l'abbaye de Vendôme, avec tous ses biens non meubles, en conservant à vie la disposition de ces biens. Au décès de ce Guillot, en 1311, le seigneur de Tonnay-Charente, Guy de Rochechouart, s'était emparé d'un " argot " exploité par le disparu dans la paroisse de Candé. Le prieur James est venu à lui et, lui ayant exposé que le bien faisait partie d'une donation, il a remis celui-ci à la disposition du prieur.

La justice de Malaigre

L'île et le marais de Malaigre se trouvaient dans la paroisse de Saint-Fort. Le prieur de Montierneuf y a exercé la haute et la basse justices, au moins aux XIIIe et XIVe siècles. La question de la justice de Malaigre n'est d'ailleurs pas claire. Le droit d'exercice a été disputé entre l'abbaye de Vendôme, celle de Sablonceaux et le comte de Poitiers. Malaigre avait été donnée à Geoffroy du Lauroux, un chanoine de Saint Augustin, par le comte de Poitiers Guillaume le Jeune, en même temps que Fontaine-le-Comte et Sablonceaux, qui devaient devenir sièges d'abbayes augustiniennes. Vers la fin du XIIe siècle, le comte Othon avait confirmé la possession de Malaigre à l'abbaye de Sablonceaux qui conserva son bien.

Il est question de la justice de Malaigre dans une enquête effectuée en 1251, sur les activités des agents du comte de Poitiers Alfonse. On y apprend que le comte de la Marche Hugues de Lusignan a exercé cette justice au temps où il tenait la ville de Saintes, c'est-à-dire avant 1242. Comme il avait reçu Saintes du comte de Poitiers, Hugues de Lusignan semble avoir joui à Malaigre d'un droit appartenant aux comtes de Poitiers, mais il n'est pas certain qu'il n'ait pas outrepassé ses droits. Les témoins qui rapportent le fait, en 1251, ajoutent qu'à cette date, c'est le prieur de Montierneuf qui tient la justice de Malaigre. Il a été cité aux assises de Saintes et un accord a été conclu entre le sénéchal et lui pour qu'une enquête soit effectuée. En 1251, l'enquête n'est pas encore faite et, en attendant, le prieur exploite la justice. Nous ne connaissons pas la suite.

On ne retrouve la justice de Malaigre qu'en 1323. Le prieuré est alors sous la juridiction du roi d'Angleterre en qualité de duc d'Aquitaine. Le 15 novembre 1323, le sénéchal du duché d'Aquitaine demande au sénéchal de Saintonge de prononcer une sentence au sujet d'un procès depuis longtemps pendant entre le prieur de Montierneuf et le procureur du duc. Le prieur James, qui est décédé depuis peu, s'est plaint au sénéchal de Gascogne que les gens du duc l'empêchaient d'exercer la justice à Malaigre, justice qui, selon lui, appartenait au prieuré depuis longtemps. Des commissaires ont enquêté, en présence du procureur du duc ; le jugement peut être prononcé. Le 1er février 1324, le sénéchal de Saintonge rend son verdict : les droits du prieur étant suffisamment prouvés, la haute et la basse justices de Malaigre lui sont rendues.

Le nouveau prieur, Michel, n'exerce pas longtemps ses prérogatives. Le 1er juillet de cette même année 1324, le roi de France Charles IV confisque le duché d'Aquitaine et les gens du roi de France vont disputer au prieur ce que le sénéchal pour le roi d'Angleterre vient de lui rendre. Un archer arrête deux hommes au préjudice du prieur ; le bailli de Champagne confisque Malaigre et prend des gages. Le 15 octobre 1325, le prieur se retrouve ainsi devant le sénéchal de Saintonge, ou plutôt son lieutenant, car le nouveau sénéchal est chargé de plusieurs sénéchaussées. C'est alors qu'on voit intervenir l'abbaye de Sablonceaux. Le lieutenant du sénéchal appelle à l'audience le procureur et le trésorier du roi mais aussi le procureur de l'abbé de Sablonceaux. L'énoncé du jugement mentionne que celui-ci " ne se fit partie en rien et ne voulut pas informer suffisamment par lettres, instruments authentiques et gens dignes de foi ". Le lieutenant ordonne la restitution de la justice au prieur, la levée de la mainmise sur la terre et la restitution des gages. Au dernier moment, le procureur de Sablonceaux proteste, affirmant que l'abbaye a un droit de basse voierie, ce que nie le prieur de Montierneuf .

L'abbaye de Sablonceaux ne s'avoue pas vaincue. L'affaire rebondit en 1339. Le duché d'Aquitaine a encore été confisqué, en 1337, et le prieuré se trouve dans la juridiction du roi de France. Le prieur Michel voit arriver un agent subalterne du roi qui se présente comme protecteur de Sablonceaux désigné par le roi. Ce personnage lui annonce qu'il l'ajourne en Parlement au nom des religieux de Sablonceaux. Que s'est-il passé ? Le prieur est venu dans l'île de Malaigre avec son juge et des gens d'armes, pour tenir une assise, en une sartière située près d'un jas appelé " le jas l'évêque ", et ceci " au mépris de la sauvegarde royale " dont jouit l'abbaye de Sablonceaux. L'agent place l'île " dans la main du roi " et défend au prieur d'y tenir une assise jusqu'au jugement du Parlement, sous peine de 500 marcs d'argent. Ici s'arrête malheureusement l'information incomplète qu'on peut trouver dans les archives de l'abbaye de Vendôme, sur cette affaire complexe qui met en évidence les difficultés d'exercice de la justice lorsque celle-ci est disputée entre plusieurs puissances.

Privilèges et protection princière

Au XIe siècle, les comtes détiennent l'intégralité de la puissance publique. Lorsqu'un comte fonde une abbaye, il lui accorde souvent les plus larges exemptions des charges publiques, en particulier impôts et service militaire, non seulement pour les moines mais aussi pour leurs hommes et leurs terres. Il concède également à l'abbaye l'exercice de certaines fonctions régaliennes, police, justice, voire monnayage. Mais ces " immunités " ne vont pas sans poser de problèmes politiques et militaires et les successeurs des comte fondateurs ont tendance à les réduire. Les abbés ne manquent pas de prévenir ces retours d'autorité en faisant confirmer leurs privilèges à chaque changement de comte et en conservant précieusement les diplômes et les chartes qui les garantissent. C'est ainsi que les moines de la Trinité de Vendôme possédaient dans leur archives des actes mentionnant ces immunités.

En 1146, le roi Louis VII, duc d'Aquitaine du chef de sa femme Aliénor, concède " la plus large immunité " aux possessions de l'abbaye en Saintonge. Les agents du roi-duc, prévôts ou sergents, ne pourront demander ni taille, ni hospitalité, ni procuration, ni service militaire, ni service de chevauchée. Seuls le roi et son sénéchal auront droit à l'hospitalité et à la procuration et ils ne pourront exiger le service militaire et le service de chevauchée que s'ils les demandent en personne. A peine remariée avec Henri, le futur roi d'Angleterre qui n'est encore que duc de Normandie, Aliénor d'Aquitaine abandonne tout droit de repas, hospitalité et procuration, non seulement pour ses agents mais pour elle-même. Plus tard, son mari prendra l'abbaye sous sa protection personnelle.

En 1281, peu après son installation , le sénéchal de Saintonge pour le roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine fait savoir qu'il n'a en aucune façon l'intention d'attenter aux " libertés, droits, privilèges et immunités du prieur et de ses hommes ". En 1303, le roi de France Charles IV prend l'abbaye sous sa protection personnelle ainsi que les dépendances qui sont sous sa juridiction immédiate. Cependant, ce n'est pas le cas du prieuré de Montierneuf, qui dépend du duc d'Aquitaine, le roi d'Angleterre Édouard II. En 1324, Charles IV confisque le duché et Montierneuf se trouve alors sous la juridiction directe du roi de France ; c'est pourquoi le prieur Michel demande, en 1325, l'application de la sauvegarde royale à son prieuré. Le lieutenant du sénéchal de Saintonge, qui tient une assise à Nancras, charge les sergents royaux de " maintenir dans la dite sauvegarde le dit prieur, les biens, les personnes et les membres du susdit monastère et de les défendre de toutes injures, violences, oppressions... ".

Atteintes aux privilèges

Pourtant, à différentes reprises, l'abbaye se voit confrontée à des atteintes aux privilèges concédés à sa fondation et les moines ne manquent pas de réclamer contre les " mauvaises coutumes " que leur imposent les agents des comtes. A cette époque, on appelle coutumes toutes sortes de charges, quelles que soient leur origine et leur nature. Sont réputées " justes " celle qui sont anciennes, par opposition aux nouvelles, toujours impopulaires, qui sont dites " mauvaises coutumes " et sont vigoureusement dénoncées comme telles par les gens d'Église qui ont obtenu des dérogations pour les anciennes. D'ailleurs, dans ces affaires, il n'est pas toujours facile de discerner si ces mauvaises coutumes sont l'effet d'un excès de zèle des agents, voire d'exactions, ou ont été décidées par les comtes.

Dès le temps du fondateur Geoffroy Martel, Jaufré Rudel prétend faire payer un péage aux hommes de l'abbaye. A quel titre ? Jaufré Rudel est un frère d'Arnaud de Montausier qui a donné un partie de la dîme de Saint-Fort ; il est bien connu comme seigneur de Blaye. Son fils, Guillaume Freeland, est seigneur de Champagne. Toujours est-il que les moines doivent s'adresser à Geoffroy Martel pour que Jaufré Rudel consente à abandonner ses prétentions, non sans s'être fait donner un cheval.

Pendant le principat de Guy-Geoffroy (1058-1086), ils réagissent à deux reprises, à dix ans d'intervalle, contre des " mauvaises coutumes ". En 1068, le prévôt du comte, un nommé Sénioret, réclame un droit de préemption du sel dans les salines de Saint-Agnant. Il prétend qu'aucun homme de l'abbaye ne peut vendre son sel aussi longtemps que les sergents du comte veulent en acheter, " au juste prix ". L'abbé Orry vient trouver Guy-Geoffroy au château de Surgères, pour obtenir justice. L'affaire est instruite par deux " fidèles " du comte. Le prévôt tient bon, mais l'abbé se déplace de nouveau et emporte la décision : le comte admet que la liberté de vente du sel fait partie des immunités concédées à l'abbaye à la fondation. Il renouvelle ces immunités mais il ajoute que si, pour cause de guerre ou de " grande nécessité ", il était obligé de demander une contribution aux moines, il ne le ferait pas par l'intermédiaire de ses prévôts mais appellerait un moine à lui, ou enverrait un de ses fidèles.

En 1078, le même prévôt perçoit encore des " mauvaises coutumes ". L'acte ne mentionne pas la nature de ces coutumes, mais il contient un récit détaillé des démarches des moines de Montierneuf, dont la précision est remarquable pour l'époque. Au cours d'un déplacement, le comte Guy-Geoffroy reçoit l'hospitalité dans le Moutier Neuf. Il prend un repas et demande un lit pour se reposer un moment. On lui prépare un lit dans une pièce chauffée. A son lever, quatre moines le prient de bien vouloir libérer leur terre des mauvaises coutumes dont elle est chargée. " Mes seigneurs, leur dit-il, veuillez bien ne pas me déranger pour le moment. Attendez un peu parce que j'ai de nombreuses affaires. Je vais dans l'île d'Aix rencontrer l'abbé de Cluny, mais je retournerai aussi vite que je pourrai, avec Sénioret et ceux qui perçoivent les coutumes pour moi. Je vous rendrai alors toutes les donations du comte Geoffroy que vous aurez prouvées par témoins légitimes ". De l'île d'Aix, le comte se rend en Oléron et de là au château de Broue. Les moines l'attendent en vain au prieuré, pendant deux jours. Le troisième jour, ils apprennent qu'il est au château de Broue. Ils lui dépêchent alors deux d'entre eux, appelés Clair et David. Le comte n'est encore pas prêt à examiner leur cause : ceux qui connaissent les coutumes, c'est-à-dire le prévôt Sénioret et ses hommes, sont absents. Il invite les frères à le retrouver le lendemain, en Marennes. Le lendemain, les deux frères sont au rendez-vous dès avant soleil levé. Ils attendent longtemps car Guy-Geoffroy n'est pas matinal. Le comte se lève enfin et ordonne qu'on prépare sa mule. Les moines, qui épient sa sortie, se présentent à lui alors qu'il s'apprête à enfourcher sa monture. Surpris, il leur lance un regard de compassion et entraîne alors Sénioret à l'écart. Car, à cette fois, Sénioret est bien là, qui voudrait - dit le narrateur - emmener le comte à Nancras. Que se disent les deux hommes ? Les moines l'ignorent, évidemment. Il leur faut encore attendre que le comte et sa suite assistent aux quatre services quotidiens dans l'église de Saint-Sornin. Ce n'est qu'à l'issue de la dernière messe que Guy-Geoffroy leur annonce solennellement qu'il abandonne toutes les coutumes, en s'excusant de les avoir imposées pressé par la nécessité. L'obstination des frères a été payante. En l'honneur du comte, on a parsemé le sol de joncs. Guy-Geoffroy se baisse, saisit un brin de jonc et le remet aux moines, comme symbole de sa donation, " ou plutôt de sa restitution ", dit l'auteur du récit.

Entre 1168 et 1173, pendant les quelques années où la duchesse reine Aliénor gouverne effectivement le comté de Poitou, sous le nom de son jeune fils Richard, le sénéchal Raoul de Faye introduit, lui aussi, des " mauvaises coutumes " dans le marais de Saint-Agnant ; il " prend le sel " des hommes du prieuré. Peut-être le sénéchal applique-t-il tout simplement la coutume appelée " étanchage ", comme autrefois le prévôt Sénioret. Toujours est-il que les plaintes des moines provoquent une énergique intervention de la duchesse en leur faveur.

Celle-ci se montre moins généreuse après la mort de son fils Richard et l'avènement de Jean sans Terre. Elle reprend alors en mains le duché d'Aquitaine et multiplie les actes de générosité en faveur des soldats et des villes. C'est dans ce contexte qu'en 1203 elle porte une grave atteinte aux privilèges de Montierneuf, en concédant des droits à Aimeri, seigneur de Rochefort, pour s'assurer de sa fidélité. Nous ignorons cependant la nature et l'étendue de ces droits et même si Aimeri est effectivement entré en possession. Beaucoup plus tard, quand Alfonse, frère de Louis IX, est comte de Poitiers, Geoffroy de Rochefort, héritier d'Aimeri, demande au comte 57 livres de taille sur Saint-Agnant, la coutume appelée " étanchage du marais " et le service militaire des hommes du prieur pendant 40 jours. Le seigneur de Rochefort est débouté en 1268. Ces prétentions correspondent-elles à la concession faite par Aliénor en 1203 ? Ce qui est certain, c'est que le comte perçoit à son profit les 57 livres de taille depuis 1243. Comme cette taille est perçue au titre des " conquêtes sur le comte de la Marche ", Hugues de Lusignan l'a prélevée avant 1242, mais nous ignorons si un seigneur de Rochefort en a joui avant lui. Ajoutons que cette taille est toujours prélevée en 1455 : sous le nom de rente de 57 livres tournois due à la Saint Jean-Baptiste, elle figure dans un rôle d'adjudication des fermes royales daté du 22 juin de cette année.

Quant à l'" étanchage ", qui revient périodiquement, au début de 1224 Hugues de Lusignan cite le prieur en justice à son sujet, mais celui-ci peut prouver par témoins que le prieuré était exempt de la coutume " au temps des rois d'Angleterre Richard et Jean ", c'est-à-dire entre 1189 et 1216. Après 1242, Alfonse en profite, mais il l'abandonne en 1257, en même temps qu'une maltôte de deux sous et demi sur chaque bateau abordant " au port du prieur ", le chauffage dans les bois des religieux, un gîte ou repas annuel dans le prieuré et " quelques justices " qu'il exploitait dans le fief du prieur. Alfonse retient encore pour lui le service militaire, la chevauchée, son " ressort ", c'est-à-dire le droit d'appel en cas de défaut de justice du prieur, et aussi les 57 livres de taille qu'il perçoit depuis 1243. Dès avril 1254, le seigneur de Broue avait abandonné la moitié des coutumes délaissées par le comte, qu'il tenait de ce dernier. En 1258, Arnaud Alexandre, de Saint-Jean-d'Angle, cède ses droits à son tour, suivi en 1259 par Guillaume Martin, de Saint-Fort. Il semble que ces derniers aient tenu leur part du seigneur de Broue. Toujours est-il que les moines sont dans l'obligation de lutter constamment pour le maintien de leurs avantages.

Donations à la Sainte-Larme

Quelques pièces des archives de l'abbaye ont conservé le souvenir d'un culte de " la Sainte Larme ", parmi lesquelles deux concernent notre prieuré. En 1275, Aleaidis Rembaude, veuve de Jean Rembaud, de Hiers, Geoffroy Rembaud, son fils, du même lieu, et Theophania Ragindele, donnent leurs personnes et tous leurs biens à Dieu et à la très glorieuse Larme du Christ et au monastère de la Sainte-Trinité et à son prieuré du Moutier Neuf, près Saint-Agnant. Ils se réservent l'usage de ces biens à vie, en qualité de " gardiens " et promettent de les faire fructifier de leur mieux, pour que les moines en disposent après leur mort. En 1322, ce sont Jean Pépin, dit Piard, et sa femme Jeanne Foreste, " paroissiens de Montierneuf ", qui déclarent avoir fait donation de leurs personnes et de leurs biens, selon les mêmes formules, il y a quatre ans, " dans la main du frère Jean Bordier, neveu de James, vénérable prieur du Moutier Neuf ".

La communauté, des origines au milieu du XIVe siècle

Nous ignorons quand les moines de Vendôme ont construit leur église et leurs bâtiments. La première mention du " moutier neuf " se trouve dans la notice qui relate les donations faites par le comte Guy-Geoffroy et Arnaud de Montausier dans la paroisse de Saint-Fort. Cette notice est datée de 1075, mais la première donation, celle du comte, qui a été faite " sur l'autel ", est antérieure à cette date. On sait que ces premières constructions ont subi un incendie en juin 1092.

Le plus ancien moine que nous puissions appréhender se nomme Clair ; c'est lui qui, en 1075, remet à Arnaud de Montausier les soixante sous que ce dernier exige pour abandonner ses droits sur la dîme de Saint-Fort. En mai 1078, lors du passage de Guy-Geoffroy, on le voit flanqué de trois compagnons : Rainouard, Fulcoi et David. Avec David, il va rencontrer le comte au château de Broue ; le rédacteur de la notice l'appelle " le seigneur Clair ", alors que son compagnon est dit " frère David ". Bien qu'il ne porte aucun titre, il est probablement le chef de la communauté, qu'il représente en septembre 1078, lors d'un jugement concernant les églises d'Olonne, dont l'abbé de Sainte-Croix de Talmont dispute la moitié à l'abbé de Vendôme.

Vers le milieu du XIIe siècle les communautés dépendant de la Trinité de Vendôme dans le diocèse de Saintes apparaissent organisées en prieurés. On peut relever les noms des prieurs suivants : Guillaume, dit " prieur de Saint-Agnant ", au milieu du XIIe siècle ; Renaud, dit également " prieur de Saint-Agnant ", en 1217 ; Robert, en 1259 et 1273 ; James du Bouchet, du 28 août 1311 au 19 mars 1323 ; Michel, du 1er février 1324 au 23 mai 1346.

A côté du prieur est un solacier, dont la fonction nous échappe mais qui gère probablement la part des revenus de l'établissement qui appartient à l'abbé ; du moins en est-il ainsi en Oléron, pour le prieuré de Saint-Georges, autre importante dépendance de l'abbaye. Apparaissent ainsi en qualité de solaciers le frère Simon Chardonnel, en 1324, et le frère Geoffroy Sorel, en 1346, qui est également prieur de Broc, au diocèse d'Angers.

Il est probable qu'il existe un office de sacriste, mais on ne connaît pas de nom de sacriste avant 1497. Un prévôt, Garin de Caisse, est dit " prévôt de Saint-Agnant ", entre 1317 et 1325, mais on ne perçoit pas la nature de sa charge. D'autre part, on rencontre plusieurs personnages qualifiés " clercs ", dans la première moitié du XIVe iècle, dont certains sont attachés au service de l'église du prieuré. C'est le cas de Philippe Pageneau, qui est dit " clerc de Montierneuf près Saint-Agnant ", qui demeure dans la paroisse et qui procède à plusieurs acquisitions dans la seigneurie ; c'est peut-être aussi celui de Jean Bordier, neveu du prieur James. Un de ces clercs, appelé Seguin, assume la charge de notaire du prieuré. L'église est le siège d'une confrérie du Saint-Esprit, qui est signalée en 1312 et 1330. En 1322 et 1324, un prêtre appelé Étienne Arnaud est dit " vicaire de l'église de Montierneuf ".

Le domaine

La plupart des transactions dont les actes conservent le souvenir concernent des biens situés dans le fief du prieur. Cependant, l'abbé de Vendôme s'est réservé certaines parties de la seigneurie. Avant 1060, alors que la communauté doit être à peine organisée, c'est l'abbé qui fait construire des moulins. En 1314, il possède en propre le bois du Plessis, près de Villeneuve. Ayant besoin d'argent, il le vend alors au prieur, pour 400 livres, à payer en quatre ans, à raison de 100 livres par an.

On a quelques aperçus sur le domaine réservé du prieuré dès la seconde moitié du XIIe siècle. Entre 1167 et 1188, le prieur achète une saline appelée " la saline du prêtre " ; vers 1200, les moines acquièrent une autre saline, dite " de Bercheront ". Au début du XIVe siècle, on voit un peu plus clair, avec la multiplication des actes. Des biens du prieur sont mentionnés dans les confrontations : vignes près de Villeneuve, divers bois nommés " grand bois ", " le Petit Châteler "... Les prieurs James et Michel font des acquisitions dans leur fief : un verger en 1322, une vigne en 1331, une autre en 1334, une terre vers Villeneuve la même année, un bois près de celui du Petit Châteler en 1345. Ils achètent aussi des rentes, en monnaie, en froment, en vendange, assises sur des maisons, des terres ou des vignes.

Les revenus de la seigneurie et du domaine, sont réduits par les contributions que l'abbaye impose à ses dépendances. Ainsi, en 1109, l'abbé Geoffroy rend une ordonnance comportant la redevance de deux bacons par " le moine de Saint-Agnant " et d'un bacon par " le moine de Saint-Sornin ". En 1156 ou 1157, l'abbé Robert exige quatre sous par an pour l'entretien de la bibliothèque de l'abbaye.

La paroisse dans la première moitié du XIVe siècle

Elle a son siège à l'église Saint-Saturnin ou Saint-Sornin, qui est desservie par un " chapelain ". Un acte de janvier 1319 désigne une maison située " à Saint-Saturnin, dans le fief du prieur de Saint-Agnant, contiguë d'un côté au treuil (pressoir) du chapelain de Saint-Saturnin, d'autre côté au chemin de l'église au moulin du pont, dirigée d'un bout vers la maison d'un nommé Boutaut et d'autre bout sous la grande voie par laquelle on va de Soubise à Saint-Agnant ". Ce moulin du pont subsistera jusqu'en 1688 au moins.

La paroisse est rarement dite " de Saint-Saturnin ". On rencontre le plus souvent " paroisse de Saint-Saturnin avec Saint-Agnant ", " paroisse de Saint-Agnant ", " paroisse du Moutier Neuf " et même " paroisse du Moutier Neuf et Saint-Agnant ". Cette hésitation est évidemment due à l'isolement relatif de l'église paroissiale, alors que celle de Saint-Agnant est au centre d'un bourg et que celle du prieuré bénéficie du prestige de l'église dominante, la nomination des chapelains de Saint-Sornin étant vraisemblablement contrôlée par l'abbé de Vendôme ou le prieur de Montierneuf. A Saint-Sornin est attachée une " confrérie de Saint-Saturnin ", qui possède une terre dans la paroisse en 1319.

Le terroir paraît assez largement consacré à la vigne. Les terrains plantés en vigne sont appelés des fiefs : " fief de Coulonges ", " fief de Pain Perdu ", " fief aux Durands ", " fief de Guillaume et Pierre Santon appelé la Santonère " . Les marais salants sont moins souvent nommés.

Le bourg de Saint-Agnant semble fortifié, à en juger par l'existence d'une " porte de Saint-Agnant ". Plusieurs voies sont désignées dans les actes. Outre la " grande voie par laquelle on va de Soubise à Saint-Agnant ", qui est citée plus haut, on rencontre " le grand chemin de Saint-Agnant au Moustier Neuf ", un " chemin qui va à la fontaine Charles ", le " chemin de Villeneuve à Tonnay-Charente ", le " chemin du fief de Pain Perdu à Pont-l'Abbé ".

Ainsi les moines de Vendôme ont-ils atteint le but qui leur a été fixé. Ils ont mis en valeur un terroir encore boisé pour une bonne part vers le milieu du XIe siècle. On leur doit probablement la création du village de Villeneuve, au sud de la paroisse, au contact d'un marais aménagé et entretenu, en particulier pour la production du sel. Au milieu du XIVe siècle, au début du grand conflit connu sous le nom de " guerre de cent ans ", leurs tenanciers sont essentiellement des vignerons et des sauniers et les nombreuses transactions témoignent d'une certaine prospérité. Il y a pourtant eu au moins une alerte : à la fin de 1323 ou au début de 1324, le sénéchal de Saintonge pour le roi d'Angleterre a saisi les biens du prieuré pour les protéger d'un conflit imminent entre marins bayonnais et normands.

La guerre de Cent Ans

Cependant le péril ne faisait que commencer. Pendant un siècle, l'activité humaine va se restreindre au point que les archives ne contiennent, pour le prieuré, qu'un règlement dont on ignore d'ailleurs quand il a pu être appliqué. Vers 1390, en effet, à l'occasion d'une période de répit, l'abbé Pierre envoie le frère Pierre Nevoire, avec la qualité de prieur et la mission de restaurer la terre de Montierneuf, " totalement détruite ", qui a été " inhabitable durant de nombreuses années et est demeurée déserte ". Selon les prescriptions de l'abbé, le prieur offre alors des avantages aux habitants et définit les conditions d'exploitation des tenures. Il accorde ainsi le droit de pâturage gratuit pour tous les animaux, sans exception, le droit de prélèvement dans les bois du domaine, sauf ceux qui longent les rivières et en ne touchant pas aux arbres à fruits. Cependant, les habitants pourront prendre du bois dans ces rivières pour entretenir et refaire leur charruage. Dans les mêmes rivières, ils pourront couper de la " rouche " pour couvrir leurs maisons, abreuver d'eau douce tous leurs animaux et faire rouir leurs chanvres et leurs lins.

Ils auront la permission d'éliminer tous les animaux qui causeront des dommages dans leurs blés et dans leur vignes, de faucher du foin dans les marais, " pour en faire ce qu'ils voudront ". Cependant ils ne pourront user du droit de pacage sans l'autorisation du prieur, pour des animaux qu'ils prendraient à l'engrais. De plus, le prieur et ses successeurs se réservent la possibilité d'admettre au pâturage tous les animaux de tous gens demeurant hors de la dite terre, dans les marais de Vouillay. Les terres emblavées devront le sixième de la récolte et les vignes le septième. Les terres tenues à cens ne devront en plus que la dîme, qu'elles soient emblavées ou plantées en vigne.

Ces conditions sont confirmées par l'abbé, le 1er juillet 1407, à la demande des habitants. Nous ignorons si ceux-ci sont nombreux à cette date. Toujours est-il que les archives de l'abbaye ne conservent aucune concession ou transaction pour cette période. Ce qui est certain, c'est que la terre de Vendôme a bientôt à subir de nouvelles épreuves : " guerres et malheurs, en particulier à cause du siège du château de Soubise et de l'abbaye de Sablonceaux par les ennemis ". Les " lettres " de 1407 sont alors " transportées ", endommagées, leurs sceaux en partie rompus, de sorte qu'en 1434, l'abbé doit en faire faire une transcription. Cependant, il est peu probable que de nombreuses personnes profitent immédiatement de leurs dispositions, car un nouveau vidimus est délivré en 1456, à la fin de la guerre, et les archives ne contiennent d'actes locaux qu'à partir de 1463.

 

 Le prieuré en commende

 

Les premiers prieurs commendataires et les guerres de religion

Avant la fin du XVe siècle apparaît le régime de la commende qui a été, avec les guerres, la cause de la ruine de nombreux prieurés. Aimeri de Coudun, qui abandonne Montierneuf pour Vendôme en 1472, car il est élu abbé, semble être le dernier prieur normalement désigné par l'abbé. Robert Guigot ou Guyot, qui se manifeste en 1482 et 1483, est un régulier lui aussi, mais il est alors en procès avec Philippe de Luxembourg, évêque du Mans, qui lui dispute la possession du bénéfice. Pour cette raison, le prieuré a été placé sous séquestre. Le conseiller commis à l'exécution du séquestre a ordonné aux commissaires chargés de l'administration du prieuré de payer à l'abbé Aimeri de Coudun, les 50 royaux d'or qu'il recevait annuellement pour la solacerie et ceux-ci ont refusé. Ces détails sont connus par un mandement du roi au sénéchal de Saintonge, en date du 2 décembre 1483, par lequel le monarque ordonne à son agent de contraindre les commissaires à payer sans délai à l'abbé la somme qui lui est due.

Deux actes du dernier tiers du XVe siècle mettent en évidence l'existence d'une confrérie de l'Assomption Notre-Dame. Celle-ci est mentionnée en 1467 et, en 1483, on voit " les confrères de la frairie de l'Assomption Notre-Dame établie en l'église de Saint-Sornin de Montierneuf " bailler, pour 40 sous par an, une maison et plusieurs héritages à Montierneuf, qui ont été légués à la confrérie par une Agnès Sercleronne, femme de Guillaume Pentecôte, par testament non daté.

En 1496, alors cardinal, Philippe de Luxembourg réussit à obtenir en commende le prieuré vacant par la mort de Jean Le Trancher. C'est ainsi que, le 29 septembre de cette année, le prêtre Bertrand Gaulteron reconnaît, devant Bourry, notaire à Saintes, qu'il doit au " cardinal de Luxembourg ", prieur commendataire, cinq livres tournois de cens sur " certains masureaux, près l'église Saint-Agnant ". Un acte de Jean Goumard, seigneur d'Echillais, en date du 6 octobre 1497, fait connaître un sacriste de Montierneuf : Guillaume Goumard, qui doit être un proche parent.

Le 5 janvier 1521 nous apparaît comme prieur Antoine de Crevant le jeune, qui est d'autre part abbé de Bois-Aubry et prieur de Saint-Georges-d'Oléron. Ce personnage, qui a moins de vingt-cinq ans, a fait une carrière rapide. Le 12 novembre 1510, alors dans sa treizième année, il était moine de Vendôme et sacriste de l'abbaye quand le pape Jules II lui a confié en commende le prieuré de Saint-Georges-d'Oléron. Le 19 août 1514, dans sa dix-septième année, tout en conservant ses deux bénéfices, il a reçu du pape Léon X l'abbaye de Bois-Aubry, par résignation en sa faveur d'Antoine de Crevant l'aîné.

Il ne conserve pas longtemps son bénéfice de Montierneuf car Louis de Crevant prête bientôt serment au pape Adrien VI (1522-1523), en se disant " élu de Sébaste, commendataire perpétuel des prieurés de Saint-Sauveur de Montierneuf et de Saint-Georges en l'île d'Oléron ". Louis de Crevant demeure peu lui aussi ; le 23 mai 1528, il est abbé de Vendôme quand il présente un nommé Pierre Loriot à la cure de Saint-Sornin, vacante par la mort de Pierre Verdon. Qui l'a remplacé localement ?

Ce n'est qu'à partir de 1537 qu'on retrouve un prieur en la personne de Bertrand Daugerand. Le 17 avril 1537, celui-ci se qualifie prêtre, prieur et seigneur du prieuré de Montierneuf, quand, comme procureur d'Antoine de Crevant devenu abbé de Vendôme, il baille pour cinq ans les fruits, profits, revenus et émoluments du prieuré de Saint-Georges d'Oléron, avec la solacerie du lieu. En 1540, il est condamné à remettre en leur état primitif les fossés séparant sa seigneurie de celle d'Echillais, les fermiers de ses moulins ayant détourné des eaux à leur profit. Le 31 mars 1542, en qualité de prieur de Montierneuf, il baille à cens et rente à Michel Champel, prêtre, une maison et ses appartenances, situées en la " prise des Doucins ", pour 12 sols 6 deniers tournois, un chapon et la 13e partie des fruits pour rente et dîmes. Le 19 janvier 1547, il fait une déclaration du temporel du prieuré.

Une quinzaine d'années plus tard, en 1561 et 1562, c'est un régulier, frère Hilaire Danglard, qui, en qualité de prieur et seigneur de Montierneuf, baille deux pièces de marais à Vouillay et une terre appelée le Gros Chêne, pour y bâtir un moulin, à la charge de dix boisseaux de blé. Il est rappelé à l'ordre par un arrêt du roi Charles IX, parce qu'il n'a pas payé la rente qu'il doit, sur les revenus du prieuré, au cardinal de Bourbon, abbé de Vendôme. Le 12 mai 1573, il signe un acquit de réception de lods et ventes pour une transaction sur des marais salants.

Les " guerres de religion " ont alors commencé dans le pays et les actes d'administration des prieurs feront défaut pour le dernier quart du XVIe iècle. Dans les années 1574 et 1575, il est bien question d'un " prieur de Montierneuf ", aumônier du roi Henri III, mais qui joue un rôle politique. Est-ce Danglard ? Toujours est-il que, le 21 septembre 1574, " le prieur de Montierneuf " apporte aux échevins de Saintes une lettre du duc de Montpensier, lieutenant du roi en Saintonge, ordonnant de remettre en liberté un certain Lamoureux qui a été condamné à mort pour sédition. En juin 1575, le même prieur est auprès du roi et ne semble pas pressé de retourner à Montierneuf, à en juger par une lettre du 12 de ce mois, envoyée au monarque par le défenseur de Saint-Jean-d'Angély : " Sire, Bauldoin, l'un de vos valletz de chambre, s'en alla instruict de toutes les affaires qui dépendoient de ce gouvernement pour vous les faire entendre... J'attendoys, il y a long temps, response sur le tout par le prieur de Montierneuf, l'un de vos aulmosniers, qui est près de votre Majesté pour en avoir une rezolution. Toutefois, je demeure en suspend de ceste part pour n'en avoir responce et ce pendant les ennemys saisissent les places des ecclésiastiques et autres qu'ils voyent plus à propos pour faire la récolte, comme ils feront à leur ayse si vostre majesté n'y envoye quelque cavalerie pour les empescher... ".

Pendant la régence

Les troubles de la régence ne semblent pas affecter particulièrement la paroisse puisqu'en 1614 on identifie un prieur en la personne d'Octavien de Masparault, fils de Pierre de Masparault, écuyer, sieur du Buy, Granval, Lustrac et Ferasson, qui demeure à Paris. Il paie alors une rente de 7 livres 10 sols due au cellérier de Vendôme et une autre de 5 livres 14 sols, due au chambrier. On connaît aussi trois curés pendant cette période : Julien Guillier, bachelier en droit, originaire de la Vallée, en 1613 ; Léonard de la Vallade, qui baille à ferme les dîmes de la paroisse, pour 240 livres tournois en 1616 et pour 192 livres en 1618 ; et Lecointe, qui le remplace à partir de septembre 1618. Les sommes relativement faibles des baux mettent en évidence une médiocre utilisation du sol. En cette année 1618, le revenu du curé est augmenté de 200 livres de rente, léguées par testament par Pépin de Bonnouvrier, chevalier de l'ordre du roi, conseiller en son conseil d'État et privé, mais on ignore si les desservants sont entrés en possession.

Le prieur Eustache Le Boulanger (1619-vers 1658)

Eustache Le Boulanger, prêtre, docteur en théologie, qui est nommé prieur par une bulle de 1619, se maintient à Montierneuf pendant une quarantaine d'années. Avec lui commence une période longue et agitée de restauration de la pastorale désorganisée par la ruine des églises. Dans le même temps, on observe un conflit quasi permanent entre les prieurs et les curés au sujet des émoluments de ces derniers. En effet, l'église paroissiale de Saint-Sornin est le seul édifice encore debout, quoique mutilé, les deux chapelles du bourg populeux de Saint-Agnant ayant disparu. De plus un mouvement se développe alors, qui tend à imposer au desservant la " portion congrue ", fixée par le décimateur primitif, avec la désignation mal reçue de " vicaire perpétuel ".

Le Boulanger se manifeste à Montierneuf dès 1620. De cette date à 1627, on le voit payer les rentes dues par le prieur au cellérier et au chambrier de l'abbaye mère. Vers 1620 également, il tente de mettre de l'ordre dans la seigneurie. En effet, les habitants ont profité des " troubles, guerres civiles, mouvements et oppressions..., principalement à l'endroit de l'ecclésiastique ", pour faire pacager leurs animaux " par toute la forêt du domaine de la seigneurie, depuis les Vieilles Ages, joignant les bois du Châtelier, continuant le long du marais rouchis en sa longueur jusqu'au lieu appelé de Vouillay... ". De plus ils ont coupé les taillis et même extirpé. Il interdit le pacage, mais les habitants persévèrent. Il les cite en justice et les fait condamner. Les habitants lui représentent alors qu'ils devront réduire leur bétail et que la pénurie de fumier les obligera à abandonner la culture de certaines terres et à ne fumer que médiocrement les autres, de sorte que la quantité de grain récolté sera diminuée d'autant. Aussi, le 13 octobre 1630, accepte-t-il un compromis. Il leur accorde le droit de pacage dans la forêt, mais avec certaines réserves et non sans compensation. En effet, chacun d'eux sera tenu de lui fournir, chaque année, tel jour que bon lui semblera, une corvée avec boeufs et charrettes, en plus des quatre corvées qu'il a droit de requérir, de possession immémoriale, de chacun des tenanciers. L'acte est passé au logis noble du prieuré.

Pendant ce temps, le curé Jean Lecointe est très préoccupé par l'état déplorable des édifices du culte. Le 14 mars 1628, il effectue une enquête auprès de quatre habitants de la paroisse, âgés respectivement de 80, 70 ou 72, 66 et 47 ans, au sujet des destructions commises pendant les guerres de religion. Il n'y a plus de clocher à l'église paroissiale, qui comptait quatre cloches. Les chapelles de Saint-Agnant et de Notre-Dame de la Puisate, au bourg de Saint-Agnant, sont totalement ruinées. Il y avait autrefois un presbytère proche de l'église, où le curé faisait sa résidence ; il a disparu. En Notre-Dame de la Puisate se célébrait tous les jours, à quatre ou cinq heures du matin, selon les saisons, une messe pour les matineux et journaliers ; la chapelle avait une cloche. Celle de Saint-Agnant, au milieu du bourg, avait aussi un clocher et une cloche ; il s'y disait quotidiennement une messe " pour la commodité des habitants et pour ceux qui avaient été mordus de bêtes enragées, lesquels, après s'être baignés au port franc de Saint-Agnant, allaient faire leurs prières en ladite chapelle ". L'église paroissiale a été réparée par les habitants, mais en partie seulement ; il leur en a coûté 800 à 900 écus. Elle n'a pas de clocher, de sorte que le sacristain, dimanches et fêtes, doit parcourir la paroisse, qui est grande, une clochette à la main. Ce sont ceux de la religion prétendue réformée qui ont mis les églises à terre, ont emporté les cloches et les ornements, conduits par un certain Forteau. Les nommés Jean Jalleau, Pierre Pentecôte, Jean Chaintrier, Étienne Glaute et autres ont transporté les ornements, les livres et les titres concernant les droits des églises, devant la chapelle de Saint-Agnant où ils les ont brûlés, en disant : " La messe ne vault rien, elle put ".

Alors que le curé procède à cette enquête, il est en conflit avec le prieur au sujet de ses émoluments. Depuis le début du XVIe siècle au moins jusqu'en 1620, les revenus de la cure ont été fixés à 58 boisseaux de froment, trois pipes de vin et les dîmes des terres à rentes. Or Le Boulanger a voulu réduire Lecointe à une " portion congrue ", qu'il refuse. La justice est sollicitée et un arrêt du parlement de Bordeaux du 1er août 1630 accorde au curé le choix entre les émoluments traditionnels et une rente de 600 livres. Lecointe accepte les 600 livres, qui correspondent approximativement à la valeur du froment, du vin et des dîmes à ce moment là. Cependant Rodolphe Lebreton, qui remplace Lecointe en novembre 1635, exige les émoluments anciens. En 1654, un autre arrêt du parlement de Bordeaux lui donne raison et condamne le prieur à fournir la rente demandée ou, au choix du curé, la somme de 600 livres. La justice n'étant pas rapide, le prêtre est alors décédé depuis deux ans, mais René Blanchet, qui lui a succédé, déclare choisir les 600 livres. Aussi, dans son procès-verbal de visite en date du 17 septembre 1656, l'évêque de Bassompierre signale-t-il, après avoir noté que le curé n'est pas logé au presbytère, qui est en ruines : " il avait par an 58 boisseaux de bled froment et 3 pipes de vin, encore la dixme des terres à rente et, par concordat fait avec le prieur, 600 livres, quitte de toutes charges ".

D'autre part, Le Boulanger n'échappe pas aux difficultés inhérentes au régime de la commende. Il se tire à son avantage d'un conflit avec un prêtre nommé Joachin de Cerizay, pour la possession du bénéfice, mais il est condamné, par arrêts du parlement de Bordeaux et du palais des requêtes à Paris, à se pourvoir à nouveau du prieuré comme d'un bénéfice conventuel et à y installer le nombre des religieux mentionné dans les titres de fondation. Il s'en indigne et n'en fait rien. Le curé Lebreton, avec qui il est en conflit pour les revenus de la cure, semble être à l'origine de cette procédure. Il n'existe en effet d'autre moine que le sacriste ; en 1627, c'est dom Mathurin Gaultier, qui présente une requête au roi pour être autorisé par le parlement de Bordeaux à rentrer en possession de biens aliénés par dom Hilaire Danglars. Le 28 janvier 1630, le même se dit encore sacriste de Montierneuf, quand il déclare, devant notaire, qu'il a été nommé chapelain de la chapellenie de Saint-Eutrope de Rhône, par le prieur de Saint-Eutrope de Saintes. Cette situation n'est probablement pas nouvelle. Elle n'est d'ailleurs pas propre à Montierneuf ; dans maints prieurés, la régularité n'est plus alors qu'un souvenir.

Le Boulanger afferme les revenus du prieuré. Un des fermiers, Antoine Maufrais, est condamné, en 1620, à payer au curé Jean Lecointe les 58 boisseaux de blé et 3 pipes de vin qui constituent les émoluments habituels du desservant, par un jugement qui reconnaît à Lecointe le titre de curé et non celui de vicaire perpétuel.

Le prieur entretient des contacts avec les paroissiens et manifeste un intérêt certain pour la pastorale. Il est parrain le 6 janvier 1628 et le 19 octobre 1642, mais, surtout, en collaboration avec le curé Blanchet, il entreprend une action énergique pour la paroisse, qui demeure privée d'église décente et de chapelle dans le bourg principal. En 1656, les deux hommes s'adressent à l'évêque, pour obtenir l'autorisation d'édifier une nouvelle chapelle dans le bourg de Saint-Agnant, sous l'invocation de la Vierge et le titre de Notre-Dame de Bon Secours. On y célébrerait la messe quotidienne des jours ouvrables et la première messe du dimanche pour les infirmes et les domestiques. Le prieur a acheté " quelques maisons pour la construction de la chapelle et le logement du curé ". Il réserverait tous les droits honorifiques et prérogatives, pour lui et ses successeurs. Le 4 décembre 1656, l'évêque accorde son autorisation, après avoir vu " le dessin de la chapelle " qui doit être construite " proche la halle du lieu ", mais il exige une fondation capable de l'entretenir. Ce sera une chapelle de secours pour l'église paroissiale, qui ne pourra être employée à un autre usage qu'au service de la paroisse pour la première messe et les vêpres des fêtes et dimanches, à la réserve de certaines fêtes. Cependant, le prieur décède bientôt, avant 1659, date à laquelle Louis Cabirol, prêtre, maître es-arts, est dit prieur commendataire, successeur d'Eustache Le Boulanger. La chapelle est inachevée.

Le curé Julien Jouade (1662-1669)

Julien Jouade, vicaire depuis 1659, devient curé en juillet 1662, en remplacement de Blanchet. Avec lui resurgit le conflit latent au sujet de la qualité du desservant. Jouade doit lui aussi recourir à la justice et, le 24 mai 1664, il obtient, par lettres royaux, d'être relevé d'une " prétendue transaction " passée entre lui et un " sieur de Recurson ", le 28 juillet 1662, par laquelle il aurait renoncé à la qualité de curé de Montierneuf et se serait contenté de la somme de 600 livres pour lui et son vicaire, " au lieu des dîmes attribuées au desservant par un arrêt de 1630 ". Ainsi, le prieur voulait lui imposer le choix fait par son prédécesseur, René Blanchet, en 1654. Ce prieur est-il Louis Cabirol ou Claude de Bretagne, premier baron de Bretagne, chapelain de la Sainte Chapelle de fondation royale à Paris, qui, en 1665, se dit seigneur spirituel et temporel et prieur de Montierneuf, ordre de Saint-Benoît, quand il convertit en rente fixe, au profit de François Moreau, saunier au village de Villeneuve, le dizain de sel qui lui est dû sur des marais ?

D'autre part, Jouade se préoccupe d'achever la chapelle de Notre-Dame de Bon Secours. Le 22 mars 1669, plus de dix ans après le décès de Le Boulanger, il envoie des propositions à l'évêque de Saintes. Comme la chapelle n'a pas reçu de dotation, il envisage d'y transférer le service d'une chapellenie dite des Baubriers, desservie en l'église paroissiale, dont il a été pourvu canoniquement depuis sept à huit ans, qui serait suffisante pour assurer l'entretien. Les patrons laïques et présentateurs de la chapelle ont donné leur consentement au transfert, à la charge du même service d'une messe par semaine. Pour l'achèvement de la construction, il propose de contribuer personnellement, avec des habitants. Il commet Charles Pataud, prêtre, curé de Saint-Fort, et l'archiprêtre, curé de Soubise, pour dresser procès verbal de l'état de la chapelle.

Le 1er avril suivant, l'évêque Louis de Bassompierre permet l'achèvement et le transfert, le curé devant fournir l'acte en bonne forme du consentement des présentateurs de la chapellenie. Le 8 avril, deux paroissiens, Jean Mothus et Marie Mauroux, demeurant à Saint-Agnant, contribuent aux frais en donnant au curé la somme de 116 livres 10 sols et, le 23 août, l'évêque commet ce dernier pour procéder à la bénédiction de la chapelle, en lui demandant de " garder en cette cérémonie toutes les formes prescrites par le rituel ". Les habitants du bourg de Saint-Agnant ont désormais une chapelle pour les messes quotidiennes.

Le prieur René Blandin (1674-1692)

René Blandin, docteur en Sorbonne, prêtre, nous apparaît comme prieur commendataire de Montierneuf et chanoine de Clisson, en 1674, quand il refuse - lui aussi - à Jean Faure le titre de curé, de sorte que le desservant introduit une requête au parlement de Bordeaux. Il est directement concerné par un projet royal de creusement d'un canal navigable entre le havre de Brouage et la Charente, qui doit suivre les limites de la seigneurie du prieuré. C'est ainsi qu'en 1688, il conclut un accord avec Jean-Baptiste Bigeon, bourgeois de Paris, " entrepreneur des travaux ordonnés par sa Majesté pour le nettoiement du havre de Brouage ", par lequel il cède le moulin à eau du pont, qu'il faut démolir pour exécuter l'entreprise, moulin d'ailleurs abandonné parce que les eaux ne peuvent plus s'écouler dans le havre de Brouage. Il est convenu que Bigeon paiera chaque année au prieur 16 boisseaux de froment, mesure de Montierneuf. Quatre ans plus tard, en 1692, dans une déclaration du temporel du prieuré, Blandin signale ainsi qu'" un nouveau canal qui a été commencé de creuser par l'entrepreneur des travaux ordonnés par Sa Majesté pour le nettoiement du havre de Brouage ", " va jusqu'au lieu appelé la pointe de Goulias ", en séparant en son milieu sa seigneurie et celle de Soubise .

Les travaux ne doivent guère se poursuivre pendant longtemps après cette date. En effet, en 1698, dans son mémoire sur la Généralité de la Rochelle, l'intendant Bégon signale que " sa Majesté fit, en 1688, un traité avec le sieur Richer, pour un canal par lequel on devait avoir communication de la Seudre à Brouage et de Brouage dans la rivière de Charente ", mais que " la guerre étant survenue et tous les ouvriers de la province employés aux travaux de fortification des places, cet ouvrage a été interrompu et la dépense faite perdue ".

Du temps de ce prieur, Guillaume Doublet, curé depuis 1676 au moins, obtient l'union de la chapelle de Saint-Agnant à l'église paroissiale. Le 16 juillet 1679, par devant Chasseriau, notaire royal, sont réunis devant la porte de l'église, à l'issue de la messe, Guillaume Doublet, docteur en théologie, prêtre, curé de la paroisse, maître François Cherpentier, procureur fiscal de la seigneurie, " et les principaux habitants de la dite paroisse ". Les habitants " consentent que ladite église paroissiale et ladite chapelle soient et demeurent jointes et ne fassent à l'avenir qu'un seul et même corps, en sorte que les fabriqueurs de ladite église paroissiale le seront aussi de la chapelle, sans qu'il puisse à l'avenir y avoir aucun économe particulier de ladite chapelle ". En même temps, avec le consentement des présents, le curé nomme " économe des pauvres " Jean Jouade, marchand du bourg de Saint-Agnant, pour recevoir les deniers qui leur appartiennent et faire valoir leurs biens-fonds.

D'après le prieur Terre de Barnay et le curé Maurice, qui font plus tard un historique des événements, les habitants de Saint-Agnant ont donné à Doublet un logement à sa convenance, dans le bourg de Saint-Agnant, " pour l'engager à faire le service de la paroisse dans ladite chapelle ", de sorte que celui-ci " abandonna entièrement son église paroissiale, fit transporter peu à peu à la chapelle de Saint-Agnant les ornements de l'église ". Pourtant, en 1689, les habitants de Saint-Agnant affirment que c'est en 1686 que leur curé a transféré le service dans la chapelle annexe, avec le consentement de l'évêque. Or, en 1686 c'est le curé Bonpas qui signe dans les registres paroissiaux.

Quoi qu'il en soit, Terre de Barnay et Maurice ajoutent que " les habitants du bourg de Montierneuf et des gros villages qui l'avoisinaient " se sont opposés au transport des ornements de l'église dans la chapelle et ils ont " commencé un procès ". Mais " comme ils avaient la messe dans l'église du monastère de Montierneuf, desservie alors par deux ou trois prêtres, le procès demeura sans poursuite de part et d'autre ". L'affaire s'est-elle terminée par un compromis devant notaire, comme il arrive souvent ? Nous l'ignorons. Ce qui est certain, c'est que les habitants du nord de la paroisse n'ont pas obtenu satisfaction et qu'ils ont continué à fréquenter l'église du prieuré.

Cependant, en 1689, le curé transfère le service en l'ancienne église. C'est ce que nous apprend une supplique des " habitants de Saint-Agnant " à l'évêque, en date du 8 novembre 1689, qui comporte les excès habituels dans ces sortes de démarches. On remarque en particulier la mauvaise foi des demandeurs quand ils situent Notre-Dame de Bon Secours " quasi au centre de la paroisse ". Voici un extrait de leur supplique : " Ils ont deux églises. L'ancienne, éloignée d'un bon demi-quart de lieue des deux bourgs de Montierneuf et de Saint-Agnant, située à deux cents pas au bord de la paroisse qui a une lieue d'étendue, est seule, incommode en tous temps, si peu sûre et si humide qu'on n'ose pas y laisser les ornements, de crainte qu'ils ne soient corrompus par l'humidité ou enlevés par la main des voleurs. La nouvelle, située au coeur du bourg et quasi au centre de la paroisse, est assez grande pour contenir tout le peuple, commode, propre, assortie de tout ce qu'il faut pour y faire solennellement le service, dans laquelle, depuis trois ans, du consentement de votre grandeur, leur curé avait transféré le service actuel, à la réserve des fêtes annuelles et de dix à douze fois en l'année et le jour du patron, qu'on allait en procession officier à l'ancienne église. L'office s'y faisait avec exactitude, avec ordre, avec assiduité... Tout le monde en paraissait fort content, et cependant, depuis trois mois en ça, leur curé, pour des raisons qui leur sont inconnues, a renversé tout, en rapportant de son propre mouvement le service dans l'ancienne église, ce qui fait qu'au lieu d'un ordre admirable qui se rencontrait dans leur paroisse, il n'y avait plus qu'une horrible confusion... La moitié du monde perd la messe ; il n'y a pas quatre personnes aux vêpres qui ne se disent plus faute de chantres et d'assistants. Les cabarets sont pleins... Nos nouveaux convertis, qui étaient l'exemple de tous ceux du gouvernement, demeurent dans leurs maisons et semblent vouloir retomber dans leur assoupissement, tout le monde crie. En un mot, tout ne pourrait être en un plus pitoyable état ".

L'évêque procède alors personnellement à une inspection et, le 28 novembre, ordonne que le curé fasse son service pastoral " dans l'église nouvelle et succursale construite au dit bourg de Saint-Agnant, les dimanches et fêtes de l'année, à l'exception des premiers dimanches de chaque mois et des jours des quatre fêtes annuelles et du patron ", qu'à cet effet il célébrera la grand messe, chantera vêpres et fera le catéchisme et les instructions nécessaires en ladite nouvelle église, et il administrera les sacrements à chaque fois qu'il en sera requis. Le nom du curé n'est pas indiqué dans ces documents, mais les registres paroissiaux permettent de l'identifier ; c'est Pierre Siré, qui met son nom en marge depuis le début de 1688 et n'a donc guère attendu pour prendre son initiative, mais les motifs de sa décision nous échappent. Signalons également qu'en 1690 le sacriste est Pierre Salmon, qui est en même temps chambrier de Sainte-Gemme et prieur de Saint-Mary.

Le prieur Terre de Barnay et le curé Maurice

Ce prieur et ce curé ne sont connus que par un acte non daté, que l'éditeur, l'abbé Métais, localise " vers 1710-1716 ", sans indiquer ses critères. Nous n'avons pas rencontré, dans les registres paroissiaux, la signature de Maurice, qui a dû ne demeurer en place que peu de temps. Pierre Siré signe comme curé de 1688 à 1702, Bachelot de 1704 à 1709, Raynaud en janvier 1711, remplacé par Mahony en août 1711, ce dernier remplacé par La Treille en janvier 1714. Toujours est-il que la question du centre paroissial n'est pas réglée définitivement quand le prieur Terre de Barnay propose au curé Maurice d'unir l'office de sacriste à la cure - c'est-à-dire de supprimer cet office au bénéfice du curé - et d'installer le curé dans le logement du sacriste. Le curé ne peut évidemment qu'être très favorable et les deux hommes présentent conjointement leur projet à l'évêque, dans une longue requête qui nous est parvenue.

Comme les précédents demandeurs, ils y vont de leur rappel historique. Les prétendus réformés ont massacré plusieurs prêtres, fait brûler les titres et les ornements... Les réparations à l'église paroissiale n'ont été réalisées qu'en partie, " à cause des gros frais ". Aucune des voûtes n'a été refaite ; on a seulement mis une couverture au choeur, qu'on a séparé de la nef par un mur, et une autre couverture au clocher, à l'endroit où les prétendus réformés avaient cessé leur démolition, pour y placer une cloche que le sieur Le Boulanger a donnée à la paroisse. On n'a pas rétabli la maison presbytérale. " Alors l'église était entourée d'une grande quantité de maisons qui formait un bourg considérable ; il faisait corps sur une ligne droite avec celui actuel de Montierneuf, en longeant le ruisseau qui descend des fontaines... Les maisons qui avoisinaient l'église se détruisirent insensiblement et les habitants se fixèrent les uns audit Montierneuf et dans les gros villages qui sont contigus, les autres au bourg de Saint-Aignan, qui étoit très considérable en ce temps-là, tant par la proximité des marais salants, qui occupaient une grande quantité de maneuvres, que d'un commerce de sel, bleds, vins et autres denrées que cette paroisse fournissait à la ville de Brouage distante d'une lieue, par la facilité d'un canal navigable et flottable qui rendait la communication facile d'un lieu à l'autre ". L'église Saint-Sornin est " tombée en ruine, ne formant aujourd'hui qu'un tas de décombres, et le cimetière sans mur ni fermeture d'aucune espèce, si ce n'était quelques anciens tombeaux qui subsistent encore ".

Ils sont plus véridiques que les habitants de Saint-Agnant, en situant Notre-Dame de Bon Secours " à une extrémité de la paroisse ", et, toujours selon leur intérêt, ils ne manquent pas de présenter cette dernière sous l'aspect le plus défavorable. Elle est mal bâtie, en moellons, avec des fondations peu solides, de sorte que des lézardes se sont formées qui augmentent de jour en jour. De plus, elle est fort petite, couverte " à la latte ", lambrissée seulement au sanctuaire ; sa charpente de frêne et d'ormeau est pour une grande part pourrie. Ils ajoutent que le curé n'a, pour son entretien, que les 60 livres par an de la chapelle fondée par Vincent Baubry, qui sont insuffisantes, que le clocher est un petit campanile qui ne peut recevoir qu'une cloche de deux cents, qu'on ne peut entendre de loin.

Depuis que l'église de Montierneuf " n'est plus desservie par les sacristes qui se refusent à cette obligation ", un tiers des paroissiens manque la messe des dimanches et fêtes, soit à cause de l'éloignement et des mauvais chemins pour se rendre à Saint-Agnant, soit faute d'entendre la cloche. Le curé actuel est obligé de retarder ses messes, souvent jusqu'à onze heures et demie en hiver. " Il s'ensuit... que l'église de l'ancien monastère de Montierneuf, située au centre de la paroisse (elle aussi !) étant bien solide, bien voûtée, bâtie en pierres de taille, très bien entretenue, dans le meilleur état et beaucoup plus grande que la chapelle de Saint-Aignan, joint encore une maison avec toutes ses issues et commodités, qui servait de logement au sacriste, cette église, qui n'est point desservie depuis plus de dix ans, serait infiniment plus convenable pour servir d'église à la paroisse de Montierneuf, et la maison du sacriste pour logement du curé ".

On s'interroge sur les raisons du refus " des sacristes " de célébrer les offices depuis dix ans. Il est probable que ceux-ci sont pourvus d'autres bénéfices et ne résident pas. Toujours est-il que des habitants de Saint-Agnant, qui ne sont pas d'accord, rédigent une contre supplique. Nous ne connaissons pas les réponses de l'évêque, mais il est évident que la cure demeure agitée.

La supplique du prieur et du curé présente un historique des marais qui ne manque pas d'intérêt, malgré les exagérations inhérentes au genre. " Le havre de Brouage s'était comblé des vases de la mer. Le canal qui favorisait le commerce de Saint-Agnant avec la ville de Brouage a eu le même sort, ne paraissant aujourd'hui en cet endroit qu'un petit ruisseau qui demeure à sec neuf mois de l'année, de même que tous les conduits qui abreuvaient les marais salants de l'eau de mer, de sorte que, depuis plus de 60 ans, il ne s'y est fait aucun sel, les marais détruits remplis d'une eau morte qui n'est ni douce ni salée et qui donne, dans les chaleurs de l'été, lorsqu'elle se putréfie dans les conches et les jas des anciens marais, surtout les années de sécheresse, des exhalaisons d'une puanteur insupportable, par la corruption de l'air de Saint-Agnant, et le rend si malsain que ce bourg est réduit aujourd'hui à une dixième partie des habitants qu'il contenait en 1650.

Les maladies épidémiques, les fièvres putrides, malignes et scorbutiques, ont été si fréquentes dans cet endroit que, de 3 000 communiants au moins que la paroisse contenait, suivant la tradition populaire, il n'y en a aujourd'hui que 500, dont le bourg de Saint-Agnant en fournit le cinquième, desquels il y en a un bien petit nombre nés dans l'endroit. Ce sont des étrangers, la plupart mendiants, gens sans aveu et désoeuvrés, qui font leur occupation journalière à prendre des anguilles et des grenouilles dans les marais pourris, à piller les bois du seigneur comme des tenanciers, ou à mendier à Rochefort ou aux environs, qui se fixent dans cet endroit par la facilité du logement qu'ils ont à vil prix, surtout dans les maisons qui n'avaient pas de prix autrefois, qui sont celles qui subsistent encore près les marais et l'ancien port de Saint-Agnant... ".

Le curé La Treille (1714-1740)

Les premières années de la pastorale du curé La Treille ne sont pas plus calmes que celles de ses prédécesseurs. Malheureusement la documentation que nous possédons ne permet pas d'y voir très clair. En 1715, à peine installé, La Treille demande l'interdiction de Saint-Sornin, qu'il présente comme " ancienne église abandonnée, presque sans couverture, sans vitres aux fenêtres et servant d'asile aux chouans, dans laquelle pourtant il y a un grand tabernacle et un grand tableau devant l'autel qui se ruinent ". Ce tabernacle n'est donc pas celui que l'évêque de Bassompierre a observé en 1656, qui était " petit et de bois peint ", mais le grand tableau devant l'autel doit être le " tableau représentant la descente de Notre Seigneur de la Croix " mentionné par le même prélat. Un procès-verbal est établi par l'archiprêtre Siré, curé de Saint-Nazaire, " qui a été pendant vingt ans curé de Saint-Agnant ", à la suite duquel le vicaire général de Vaux interdit Saint-Sornin et permet la translation du tabernacle et du tableau en Notre-Dame de Bon Secours, le 9 août 1715.

Il faut croire que l'interdiction n'est pas du goût de tous les paroissiens, car, le 5 avril 1716, lorsque le curé " veut faire transporter ledit tabernacle, au milieu du chemin il se trouve plusieurs habitans attroupés avec leurs femmes, qui se jettent sur ceux qui le portent, les renversent et renversent le tabernacle qu'ils brisèrent entièrement, se jettent sur ledit curé et le maltraitèrent, ce qui l'obligea de porter sa plainte devant le juge des lieux, qui fait une information et décrète prise de corps contre deux hommes et une femme, et adjuge audit sieur curé une provision alimentaire sur un rapport du chirurgien ".

Moins d'un mois plus tard, ordre est donné, mais par qui, de dresser un état de l'église Saint-Sornin et de préparer un devis des réparations à y faire. Le procès-verbal permet d'ailleurs de constater que le tabernacle et le grand tableau y ont été rapportés. C'est ainsi que, le 4 juin 1716, deux " entrepreneurs des ouvrages du roi à Brouage ", nommés Pierre Pascal et Pierre Daviaud, dressent le procès-verbal et établissent le devis des réparations, en présence du curé La Treille, du même archiprêtre et curé de Saint-Nazaire, de Louis de Raymond, écuyer, seigneur du Carlot, du sieur Barbier de Vouillay et " autres habitants de Montierneuf et Saint-Agnant ". L'église mesure 12 toises de long ; l'autel est " tourné vers le levant ". C'est " un fort beau vaisseau, bâti à la gothique, dont partie est voûtée de pierres de taille ", mais elle est " toute dégradée et les autels dégarnis, le tabernacle à terre à moitié rompu, avec le grand tableau du maistre autel hors de sa place ordinaire ". " Il y a un beau clocher et une belle cloche pesant environ 1 700 livres, une sacristie, le maître autel et deux chapelles ". Aucun ornement et vase sacré ; ils ont été transportés à la chapelle de Nostre-Dame de Bon Secours, " malgré les oppositions des habitants ". On considère l'église comme " fondée par Charlemagne et bâtie vers l'an 800 ". Tous les présents, unanimement, à haute voix, disent qu'ils désirent le rétablissement de leur ancienne église et qu'ils requièrent qu'on y célèbre le service divin... ". Les réparations à l'édifice, aux murs du cimetière et au presbytère sont évaluées à 3 480 livres. Il est évident que " les habitants " sont en majorité des gens du nord de la paroisse qui, ne pouvant plus suivre les offices à l'église du prieuré, se sont découvert un attachement touchant à l'église primitive, il est vrai auréolée d'une si prestigieuse fondation ! Peu après, une ordonnance royale en date du 2 juillet 1716 soumet les réparations à l'adjudication. Celles-ci sont adjugées au rabais, à 2 500 livres, à un sieur Girardin.

L'année suivante, 1717, le syndic et " les habitants de Montierneuf et Saint-Aignan " demandent à l'intendant la permission de s'assembler pour aviser aux moyens d'avoir deux desservants, un vicaire perpétuel et un vicaire amovible, " M. Latreille, actuellement vicaire perpétuel étant seul ". On se demande quel est l'objet précis de cette démarche mais une lettre de l'intendant au prieur Raymond, datée du 13 juin de la même année, nous apprend que ce dernier a écrit au premier, " au sujet des discussions qui sont entre le curé et les habitants ". L'intendant indique qu'il croyait ces discussions assoupies mais il signale que les habitants lui ont fait demander " la permission de s'assembler pour deffendre au procès que le sieur curé leur intente au parlement de Bordeaux " et il ajoute : " Je vous prie, monsieur, de leur dire que je ne puis leur accorder cette permission que sur une requête qui m'instruise de quoy il s'agit ". Nous n'en saurons malheureusement pas davantage. Toutefois on peut suivre la signature anguleuse et illisible du curé, sur les registres paroissiaux, jusqu'en 1740, et la correspondance que nous analysons ci-après met en évidence de mauvaises relations du curé avec le prieur d'Aydie et les paroissiens, car La Treille refuse d'entretenir un vicaire avec les 600 francs que lui verse le prieur.

Le prieur Blaise-Marie d'Aydie

D'après l'abbé Métais, Blaise-Marie d'Aydie, chevalier de l'ordre de Jérusalem, tient le bénéfice du prieuré de 1709 au moins à 1750. Cependant, Métais date de 1695 des " pièces de procédure entre M. le chevalier d'Aydie et la dame du Plessis " qui sont relatives à une rente due au prieuré. S'agit-il du même personnage, qui aurait ainsi disposé du bénéfice avant Terre de Barnay, avec lequel il aurait été en concurrence ? En ce cas, il aurait eu longue vie.

De Paris, le 7 mars 1733, d'Aydie écrit au cellérier de l'abbaye de Vendôme qu'il lui a fait parvenir les 132 livres d'arrérages qu'il lui devait, au titre d'une rente annuelle de 13 livres 4 sols - ce qui représente un arriéré de dix ans -, mais qu'il n'est pas certain de lui être redevable du droit de visite, car il n'est pas religieux.

Une correspondance entre le prieur et deux curés, entre 1740 et 1743, met en évidence la permanence du conflit au sujet de la rémunération des curés et l'animosité entre La Treille et le prieur. Jacques La Treille est inhumé dans l'église, le 26 avril 1740, et son successeur, Doussin, prend la précaution de noter, dès son installation : " J'ay pris possession de la cure de Saint-Aignan le 16 may 1740, sur la nomination de M. de Rastignac en qualité d'abbé de Vendôme, archevêque de Tours. Il faut remarquer que quelques ennemis de mon prédécesseur engagèrent le prieur de Montierneuf de supprimer deux cents livres sur les six cents livres qu'il doit annuellement au curé, au lieu des dixmes des terres à rente et cinquante huit boisseaux de froment et six barriques de vin quy doivent lui revenir ".

Le 13 juin suivant, il écrit au chevalier d'Aydie, qui est alors brigadier des armées du roi, pour lui annoncer qu'il a été désigné comme curé par l'abbé de Vendôme et il ajoute : " On m'a dit que, mon prédécesseur n'ayant pas esté en état de fournir par luy-même les secours nécessaires à son peuple à cauze de sa vieillesse, vous aviez défendu à votre fermier de luy payer les six cents livres qui luy auroient esté dubz et qu'il auroit reçu dans un temps que son âge luy permettoit de remplir ses devoirs ". Et il demande pour lui la pension de 600 livres, en joignant à sa lettre le procès-verbal de visite établi par l'évêque de Bassompierre en 1656.

Le 19 juin, le prieur répond qu'il donnera ordre au fermier de la seigneurie de lui payer les 600 livres, mais en précisant que cette somme comprend les émoluments du vicaire. Il se montre féroce à l'endroit du curé La Treille : " Il est vray que, scandalisé des moeurs odieuses et crapuleuses de votre prédécesseur, j'avois deffendu qu'on luy donna la rétribution qui est destinée au vicaire quand il n'en auroit point ". Et, plus loin : " j'espère que vous n'en userez pas avec moy ny avec vos paroissiens comme faisoit feu M. de la Treille ".

Nouvelle lettre de Doussin à d'Aydie, le 24 février 1741. Il a pris connaissance des titres de la cure, dans le cabinet de son prédécesseur, après la levée des scellés apposés par les officiers du prieur. Il lui envoie une pièce démontrant que les 600 livres correspondent à une rente due au seul curé et que cette rente ne représente d'ailleurs que la moitié des émoluments des anciens curés, la rente en blé, en vin et en dîmes valant actuellement 1200 livres. Il accepte cependant de se contenter des 600 livres, mais pour lui seul, et il ajoute : " je suis bien aise que vous sachiez que ce n'est point une portion congrue que vous me devez pour moy et mon vicaire, qu'au contraire ce n'est que pour le contreschange de la portion de mes dixmes et autres droits sur ma paroisse que les 600 livres me sont payées ". Il termine en le priant de vouloir bien ordonner à son fermier de " le payer plus régulièrement ". On comprend que le fermier ne lui a fait de versement que pour 400 livres par an.

La réponse du prieur, en date du 23 mars 1741, est surprenante. Il charge le curé de dire de sa part au fermier de lui payer les 600 livres, à " 150 écus par quartier ", parce qu'il ne connaît " ni le nom ni la demeure " du fermier. Mensonge ? Ce n'est pas certain. D'Aydie gère de loin son bénéfice ; ce sont les officiers de la seigneurie qui baillent à ferme les revenus et il n'est peut-être pas au courant de la dernière ferme. Il est évident cependant que les choses ne peuvent que demeurer en l'état. Aussi n'est-on pas étonné d'apprendre, par une lettre de Doussin à d'Aydie datée de janvier 1743, que le premier est alors curé de Saint-Martin de Pons ; il a quitté Saint-Agnant pour " pour prévenir un procès ".

Le 6 mai suivant, le nouveau curé, Salmon, fait savoir au prieur qu'il vient de prendre possession du bénéfice, sur résignation de Doussin en sa faveur et après avoir reçu des provisions de la cour de Rome. D'Aydie répond le 1er juin, de " Mayac par Périgueux " : " J'ay une grande envie de faire cette année cy un voyage à Montierneuf et d'y aller voir par moy même l'état de mon bénéfice dont je n'ay eu le temps de prendre jusqu'icy qu'une connaissance très imparfaite ". Il est grand temps ! Le 29 juin, le nouveau curé signale au prieur que son fermier, " le sieur Moreau ", ne lui a apporté que 100 livres pour " un quartier ". Il n'y a donc rien de nouveau ; la rente annuelle demeure fixée à 400 livres. Le 22 juillet, d'Aydie lui envoie un billet ainsi conçu : " Je prie M. le fermier de Montierneuf de payer à M. le curé de S. Agnan la somme de 600 livres par an ". Moreau s'est-il exécuté ? Nous l'ignorons, comme nous ignorons si d'Aydie est venu visiter Montierneuf dans l'année. Toujours est-il qu'en 1745 le prieur, qui semble s'intéresser de plus près à l'état du domaine, obtient de l'intendant Barentin l'autorisation de planter 154 journaux de vignes.

Les successeurs de Blaise-Marie d'Aydie

Le successeur immédiat de d'Aydie est Louis-Ignace Terre de Barnay, au plus tard en 1752. En 1760, alors conseiller au parlement de Paris, celui-ci s'intitule seigneur spirituel et temporel du prieuré, terre et seigneurie de Montierneuf en Saint-Agnant. On le voit agir en qualité de prieur en 1762.

L'abbé Métais signale comme dernier prieur dom Busseret, de l'ordre de Saint-Benoît, qui dispose d'un revenu de 7 000 livres. En 1785, ce personnage est appelé " dom François Bussenet (sic), prêtre, religieux bénédictin de l'ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur, cellérier de l'abbaye cardinale de la Sainte-Trinité de Vendôme ", quand son procureur reçoit une déclaration d'un censitaire pour la seigneurie de Montierneuf. Le prieuré étant alors dit " prieuré simple ", il est probable que l'office de prieur de Montierneuf est uni à celui de cellérier de l'abbaye et qu'il n'y a plus de sacriste.

Les sacristes au XVIIIe siècle

Pour cette époque, on peut relever quelques noms de sacristes. Le 29 avril 1717, dom Étienne Robinet de Renaudin est dit " prêtre, religieux de l'ordre de Saint-Benoît, sacriste du prieuré de Montierneuf-sous-Rochefort, diocèse de Saintes ", quand il témoigne pour une prise de possession du prieuré de Saint-Eutrope de Saintes. Il décède le 25 février 1726 et son successeur, dom Claude de Saint-Vincent, prêtre, religieux profès de l'ordre de Cluny, prend possession le 2 mars suivant ; l'acte est passé devant le notaire Bréjon, à Montierneuf, en présence de Claude Thomassin, marchand fermier du prieuré, de Jean et Pierre Moine, frères, maréchaux, tous habitants de Montierneuf.

Le 20 mai 1737, c'est dom François-Théofrède de Saint-Vincent, prêtre, religieux profès de l'ordre de Saint-Benoît, qui est dit " sacristain du prieuré conventuel de la Sainte-Trinité de Montierneuf " et " demeurant à Montierneuf ". Devant le même notaire Bréjon, à Saintes, il se démet de l'office de prieur claustral de l'abbaye de Moreau, au diocèse de Poitiers, dont il a été pourvu sur démission de dom Claude de Saint-Vincent, et dont il n'a pas encore pris possession. En même temps, devant le même notaire, dom Pierre Le Picard de Flavigny, prêtre, religieux profès de Saint-Benoît lui aussi, demeurant au prieuré conventuel de Saint-Eutrope de Saintes, prieur titulaire du prieuré simple du Luc, au diocèse de Luçon, désigne un procureur pour résigner son prieuré du Luc, entre les mains du pape, en faveur du même dom François-Théofrède de Saint-Vincent. Ainsi, de Saint-Vincent a dû cumuler les bénéfices de sacriste de Montierneuf et de prieur du Luc. Il assiste aux obsèques du curé La Treille, le 26 avril 1740.

Enfin, le 28 mars 1748, un certain dom Vinuant est présenté comme ancien sacriste " du prieuré de Montierneuf ", décédé depuis peu. Il tenait d'autre part le prieuré simple de Saint-Eutrope de Lalande, en Angoumois, qui dépendait de Saint-Eutrope de Saintes.

 

DOCUMENTS

1er juillet 1407 - L'abbé de Vendôme confirme des franchises accordées aux habitants de la paroisse de Saint-Agnant

" A tous ceux qui verront les présentes lettres, frère Pierre, par la miséricorde divine humble abbé du monastère de la très bienheureuse Trinité de Vendôme, au diocèse de Chartres, ordre de Saint-Benoît, appartenant sans intermédiaire à l'église romaine, et le couvent de ce lieu, sincère très saint salut en celui qui est le salut de tous. A cause des guerres et des nombreux malheurs qui, dans le royaume de France, et en particulier dans la patrie saintongeaise, ont sévi à longueur de temps, que nous rappelons avec douleur, toute notre terre de notre prieuré du Moutier Neuf et de Saint-Agnant, du dit diocèse de Saintes, qui a pendant longtemps été en limite du dit royaume de France, a été totalement détruite, de sorte que, durant de nombreuses années, elle a été inhabitable et est demeurée déserte, et par conséquent de nulle utilité pour nous et notre monastère, et elle l'aurait été ensuite si par nous, abbé, il n'avait été avisé d'y remédier.

C'est pourquoi, il y a environ seize ans, nous, abbé susdit, avec l'intention et bon espoir de relever et d'augmenter, avec l'aide de Dieu, autant que nous le pourrions, notre susdit prieuré du Moutier Neuf et toute la terre de ce lieu, nous avons nommé prieur de ce prieuré notre cher frère dans le Christ, Pierre Nevoire, et nous avons sollicité de notre seigneur le roi de France des lettres de rémission et de grâce pour les habitants de cette terre, et ensuite, pour que cette terre accueille des habitants plus nombreux, le susdit prieur, avec notre permission et selon notre décision et volonté, à tous les habitants et manants de toute notre terre susdite et de notre dit prieuré, tant présents que futurs, pour eux et leurs successeurs à perpétuité, a fait, concédé, permis et accordé les conventions, franchises et libertés suivantes, selon le mode et la forme qui suivent :

Premièrement, que tous et chacun les habitants et manants dans la susdite terre du Moutier Neuf et de Saint-Agnant, dorénavant et à perpétuité, auront l'usage de pâturer par toute cette terre, pour tous et chacune leurs bêtes ou animaux quelconques, en les gardant toutefois de tous dommages et dégâts qu'ils pourraient faire dans les blés, les vignes, les prés, les jardins et " masières " ou dans les autres lieux et leurs dépendances qui pourront et devront être gardés de droit.

De même, ils auront l'usage dans tous les bois de toute la susdite terre, sans cependant faire aucune vente de ces bois, de quelque manière que ce soit, exceptés toutefois les bois de Saint-Agnant, du Châteler, de Luzée, de l'Angle et de la rivière depuis le pas d'Arnaise jusqu'à Vouillay et de Vouillay jusqu'au pont de Saint-Saturnin, c'est-à-dire dans les bois qui sont situés sur le trajet de la croix du pas d'Arnaise jusqu'au lieu appelé vulgairement du perré du Chay et jusqu'à la rivière susdite, tous ces lieux exceptés, sauf cependant que les susdits habitants pourront prélever, dans la dite rivière, de la rouche pour couvrir leurs maisons, protestation cependant faite par ledit prieur que les susdits habitants ne pourront ni ne devront couper ou prendre ou vendre dans les susdits bois les arbres à fruits de quelque espèce qu'ils soient, sous peine de l'amende accoutumée en tel cas.

De même, les susdits habitants pourront enlever et vendre et chasser tous les bêtes ou animaux quelconques qui causeront des dommages dans leurs blés et leurs vignes. Et s'il arrive que ces habitants prennent un sanglier ou un cerf dans leurs propriétés, ils seront tenus de donner au prieur son droit selon la coutume, et, pour toutes les autres bêtes prises dans leurs propriétés et dépendances, ils seront tenus de rendre au susdit prieur telle part des bêtes prises qu'aura un des chasseurs ou piégeurs.

De même, les susdits habitants prendront et auront dudit prieur toutes les terres arables dans la même terre, pour les cultiver au sixième des fruits, porté au susdit prieur dans sa grange, chaque année, de la manière, selon la forme et l'époque observées de coutume. Pour les fruits et récoltes des terres soumises au cens, les habitants ne paieront que la dîme que le prieur ou son envoyé viendra chercher.

De même, les habitants recevront et auront autant de terres qu'ils le voudront pour planter des vignes, pour la septième partie ou la septième somme de vendange, livrée annuellement, fidèlement et complètement, selon le mode et la forme prescrits par la coutume, dans la maison ou le pressoir du dit prieur, en temps fixé par la coutume. Est réservé au prieur susdit et à ses successeurs de percevoir et avoir la moitié des fruits des vignes nouvellement plantées, une seule année, à son choix. Si les habitants plantent leurs vignes dans des terres tenues à cens, ils ne seront tenus de payer que la dîme, qui sera perçue selon la coutume.

De même, les habitants auront leur usage, pour faucher du foin, pour en faire ce qu'ils voudront, depuis la tonnelle de Saint-Fort jusqu'au chenal de Saint-Agnant et jusqu'à la terre douce, protestant cependant ledit prieur que nul porc ou autre animal appartenant à des gens demeurant hors de la dite terre n'auront aucun panage dans cette terre, à cause des dommages et dégâts qui pourraient être faits par ces animaux dans les blés et les vignes ou les marais appartenant aux habitants de cette terre ; et s'il arrivait que des habitants veuillent prendre ou tenir des porcs ou autres bêtes, ils seront tenus de recevoir lesdits porcs ou autres bêtes du prieur, si celui-ci veut et peut les leur livrer. Et s'il ne veut ou ne peut, ces habitants seront tenus de recevoir les dits porcs ou autres bêtes des hommes de la dite terre et non d'autres demeurant hors de la dite terre.

De même, les susdits habitants pourront abreuver toutes leurs bêtes ou animaux dans la rivière de l'eau douce et ils pourront placer dans la même rivière leurs cherves et leurs lins, pour les faire rouir, sans aucun droit de pêcherie ou autre, excepté qu'ils pourront prendre et avoir du bois de cette rivière, pour soutenir et refaire leur charruage, et non pour une autre cause, réservé cependant par les présentes au dit prieur et à ses successeurs que celui-ci pourra, autant qu'il lui plaira, admettre au pâturage tous les animaux ou bêtes quelconques de tous gens demeurant hors de la dite terre, dans les marais de Vouillay, dans lesquels le seigneur de Soubise demandait ou voulait indûment avoir droit.

Lesquelles dispositions, ainsi qu'elles sont définies et ordonnées, les dits habitants, pour eux et pour leurs successeurs et autres qui viendront demeurer dans la même terre, nous ont humblement supplié de vouloir confirmer de notre humble grâce, ce que nous avons fait.

Nous, donc, abbé et couvent..., connaissant les susdites dispositions... ou l'accord susdit, à la perpétuelle utilité de notre dit monastère et en particulier de notre dit prieuré du Moutier Neuf et de toute notre prédite terre, nous faisons savoir que nous... promettons de tenir fermement et d'observer fidèlement...

En témoignage de cette chose, nos sceaux ont été apposés à ces présentes lettres, avec le sceau du prieur. Donné et fait dans notre dit monastère de Vendôme, le premier jour du mois de juillet, l'an du Seigneur 1407 " (pp. 279-283).

4 juin 1785 : acte de reconnaissance de rentes par un tenancier, pour l'établissement d'un terrier

" Par devant le notaire royal en Saintonge, seul réservé pour la paroisse de Saint-Agnant, soussigné, furent présens sieur Michel-Henry Foucher, praticien, âgé de vingt-deux ans, émancipé d'âge par lettre du prince obtenue en la chancellerie du palais à Bordeaux, entérinée par sentence de M. le juge sénéchal de la chastellenie de Montierneuf, dans le courant du mois d'aoust mil sept cent quatre-vingt-deux, demeurant ville de Rochefort, rue Royalle, paroisse Saint-Louis, en présence et assisté de Me Pierre-Benjamin Billon, notaire royal, demeurant ville et paroisse de Soubise, curateur nommé à l'émancipation dudit sieur Foucher sur l'avis des parens de ce dernier, lequel sieur Foucher, assisté que dit est, a déclaré et reconnu tenir, à titre d'une rente, terrage et autres droits et devoirs seigneuriaux cy après énoncés, du R. P. dom François Bussenet, prestre, religieux bénédictin de l'ordre de Saint-Benoist, congrégation de Saint-Maur en France, cellerié de l'abbaye cardinale de la Sainte-Trinité de Vendôme, prieur et seigneur du prieuré simple et régulier de la Sainte-Trinité de Moustierneuf, membre dépendant de laditte abbaye de Vendôme, et en cette dernière qualité seigneur chastelain du fief et seigneurie de Moustierneuf et Saint-Agnant, les biens dont le détail suit : Objets à terrage ; c'est à sçavoir un journal de terre labourable... (suivent 54 articles), les vingt-six premiers articles cy dessus tenus envers laditte seigneurie à droit de terrage, sçavoir les terres à raison du sixiesme, et les vignes du septiesme de tous les fruits, payable et rendable à chacune récolte au logis seigneurial dudit Moustierneuf, le premier et avant d'enlever aucune chose de sur le champ, et encore à la charge de venir avertir le fermier d'aller terrager, à peine d'amende, conformément à la coutume, et le surplus tenu à cens et rente de ladite seigneurie. Lesdits cens, rentes et terrages portans profit de lods et ventes, deffaud, amendes et autres profits de fief, quand le cas y échet, suivant la coutume, et sont payables, sçavoir les cens et rentes chascun an, le jour et feste de Noël, et le terrage à chacune récolte, le tout au logis seigneurial dudit Moustierneuf, appartenant les biens cy dessus énoncés audit sieur Foucher de ses propres et des successeurs (sic) du sieur Joseph Fouché et dame Thérèse Hervé, ses père et mère communs...

Pour quoy il rend la présente déclaration, qu'il affirme sincère et véritable, devant nous, notaire soussigné ; et pour icelle d'habondans affirmer devant MM. Les officiers de laditte seigneurie, ledit sieur comparant a fait et constitué pour son procureur le porteur de la présente, auquel il donne tout pouvoir ; laquelle présente déclaration a été acceptée par le sieur Pierre Buffereau, feudiste de laditte abbaye de Vendôme, demeurant ordinairement audit Vendôme, paroisse Saint-Martin, de présant audit logis seigneurial de Moustierneuf, cy présent, intervenu à cet effet, au nom et comme fondé de la procuration générale et spéciale de mondit seigneur prieur, passé devant Me Moulnier, notaire audit Vendôme, le unze mars dernier...

Fait et arresté audit logis seigneurial de Moustierneuf, l'an mil sept cent quatre-vingt cinq, le quatre juin, avant midy, en présence du sieur Laurens Dupradel, fermier général de laditte seigneurie, et de George Painaud, garde, demeurant tous deux audit Moustierneuf, ditte paroisse de Saint-Agnant, témoins à ce requis et appelés ; lesquels ont avec lesdits sieurs Billon, Fouché et Buffereau signé. La minute des présentes est signée Fouché, Billon, Buffereau, Dupradel, Painaud et Villain, notaire royal soussigné. Contrôllé à Soubise, le neuf juin 1785. Reçu vingt sols, signé Bourrand. Coppie du registre. Scellé. Villain, notaire royal. Reçu de M. Foucher, trente livres pour coût de la présante. Buffereau.

Publié par la Société de Géographie de Rochefort.