Trois petits fiefs de la paroisse de Beaugeay

La Tour, la Culasse et les Tranquards

 

La paroisse de Beaugeay comprenait plusieurs petits fiefs sur lesquels notre information est très incomplète. Cependant nous possédons quelques renseignements assez précis sur trois d'entre eux : la Tour, la Culasse et les Tranquards. Seul le nom de la Tour figure aujourd'hui sur les cartes et dans les statistiques, mais des aveux et dénombrements permettent de localiser les deux autres fiefs.

La consistance des fiefs

La Tour et la Culasse sont connus par deux aveux du 1er décembre 1710. Le premier fief consiste alors en " terre, seigneurie et maison noble de La Tour, granges, jardins, quéreux, querruages, terres labourables et non labourables, prés, vignes, droit de fuie ronde, avec exemption de bians et corvées et pacage sur la métairie et borderie de la Tour, cens, rentes, terrages, complants, lods, ventes et honneurs, droits de juridiction, de basses corvées sur tous les tenanciers du seigneur; le tout assis et situé en la paroisse de Beaugeay, principauté de Soubise, contenant 114 journaux 8 carreaux, confrontant d'un bout, vers l'orient, aux fiefs communaux et de ligne tenus du prince de Soubise, vers le midi à la prise de la Culasse, en occident au chemin qui conduit du fief de Rigaudière à Brouage, au nord jusqu'au moulin à vent du village de la Tour ". Le fief est tenu du seigneur de Soubise au devoir d'un florin d'or apprécié à un écu, à mutation de vassal (1).

Le fief de la Culasse est ainsi présenté à la même date : " fief appelé la Culasse, assis et situé paroisse de Beaugeay, principauté de Soubise, dans lequel était construit autrefois un hôtel et maison noble, contenant 40 journaux, confrontant d'orient aux terres qui furent autrefois aux Giraud et après au domaine et seigneurie de la Tour, vers le septentrion aux marais salants et au chemin qui conduit du village de la Tour au port du Ras et entièrement au fief (sic, pour chemin qui conduit du fief), de Rigaudière à Brouage, du midi au chemin qui conduit du village de Barreau au dit port du Ras ". Il est tenu à hommage lige, au devoir de 10 livres à mutation de vassal et d'un franc d'or apprécié à 30 sols à mutation de seigneur (2).

Les deux fiefs sont donc contigus et d'importance inégale. La Culasse n'ayant plus de " maison noble ", c'est celle de la Tour qui tient lieu de siège pour les deux. L'ensemble ne représente qu'une superficie de 154 journaux, soit un peu plus de 50 hectares.

Le fief des Tranquards est défini dans un testament de Jacob de Queux, seigneur de Saint-Hilaire, en Soubise, le 23 février 1624 : " fief et seigneurie des Tranquards, situé en la paroisse de Beaugeay, avec les cens, rentes, agriers, complants, lods et ventes, tenus du seigneur de Soubise, à muance de vassal au devoir d'une sonnette d'argent appréciée à 10 sols, confrontant d'un côté au fief de la Touche (3), bornes entre deux, d'autre côté aux franchises de Poyvent (?), sentier entre deux, d'un bout au chemin de Boutte-Soule, d'autre bout au chemin par lequel on va de l'Aubertière (4) au village des Basses Rues (5) ". Le fief ne comporte donc pas de maison noble. La maison roturière de l'Aubertière, avec ses dépendances de métairie et de marais salants, y est jointe par Jacob de Queux, pour constituer un centre de résidence et d'exploitation. L'acte ne mentionne pas de superficie (6).

Les détenteurs de la Culasse

Ces sont les premiers connus, depuis 1454. Par un testament daté du 31 mars de cette année, on apprend en effet que Perrenelle de Frontdeboeuf, femme de Jean de la Tour, détient " les hôtels de Trappes, de la Grollière, et de la Culasse en la châtellenie de Soubise, avec toutes les appartenances " et une rente sur la coutume de la Charente. Elle destine ces biens à son fils Jean de la Tour le Jeune (7). Au siècle suivant, on retrouve un de la Tour, nommé Antoine, qualifié " sieur de la Grollière ", dans un aveu et dénombrement de la Culasse qu'il rend à Jean Larchevêque, seigneur baron de Soubise. Il est décédé, le 31 mai 1557, quand sa veuve, Anne Faubert, rend aveu pour le même fief (8).

Une cinquantaine d'années plus tard, les de la Tour ont disparu. En effet, le 2 octobre 1609, le détenteur de la Culasse est maître François Baudouin, qualifié " sieur de Plantemaure ", qui vend alors le fief à René de Queux (9). Ce dernier le transmet à son fils Jacob qui, le 7 mai 1620, fait hommage et prête serment à Catherine de Parthenay pour le fief de la Tour (10). Les deux fiefs contigus de la Culasse et de la Tour sont désormais réunis.

Les détenteurs de la Tour et des Tranquards

Le 2 janvier 1539, François Goumard, seigneur d'Echillais, fait hommage de la seigneurie de la Tour (11), hommage suivi d'un aveu et dénombrement en date du 13 mars 1540, présenté à Jean Larchevêque, " à cause de son château de Soubise, à hommage plain, au devoir d'un florin d'or apprécié à un écu d'or, à mutation de vassal " (12). Le fief est reçu en héritage par son fils aîné, Jean, qui décède en Écosse en 1548, laissant des enfants mineurs (13). Il est bientôt cédé puisque le 18 avril 1564, c'est Jean Forteau (14) qui en fait l'hommage (15). Ensuite, en 1616, Pierre de la Vacherie, est dit " sieur de la Tour " (16) et, le 7 mai 1620, on retrouve le fief aux mains de Jacob de Queux, comme mentionné ci-dessus. Quant au fief des Tranquards, nous ne connaissons pas de plus ancien possesseur que le même Jacob de Queux, qui le désigne dans son testament en 1624.

La dévolution des fiefs dans la descendance de Jacob de Queux

Le 23 février 1624, Jacob de Queux attribue, par testament, à son second fils, Benjamin, les seigneuries et métairies de la Tour et de la Culasse, à son troisième fils, Charles, les Tranquards et le domaine de l'Aubertière, au quatrième, Henri, une prise de marais appelée les Mathes (17). Benjamin décède sans enfant ; un état des domaines dont il jouissait à sa mort, effectué le 7 décembre 1660 à la demande de " ses héritiers ", mentionne la Tour mais non la Culasse, qui n'est peut-être alors considérée que comme une annexe de la Tour (18). Toujours est-il que son frère puîné Charles, déjà possesseur des Tranquards et de l'Aubertière, hérite de la Tour. Dans son testament daté du 5 mai 1682, ce dernier se dit en effet seigneur des Tranquards, l'Aubertière et la Tour (19). Nous ignorons la dévolution immédiate de ses seigneuries. Nous constatons seulement que le 1er décembre 1710 c'est Henri Legoux qui fait les deux déclarations signalées en début d'article, pour la Tour et la Culasse. Henri Legoux est fils de Pierre Legoux et d'Angélique de Queux, mariés en 1672 (20), cette dernière fille d'Henri, le dernier des fils de Jacob.

Notes

(1) Mageau, Soubise, une page d'histoire locale, pp. 132-133.

(2) Ibid., p. 133.

(3) La Touche : écart, commune de Beaugeay.

(4) L'Aubertière : écart, commune de Beaugeay.

(5) Basse Rue (graphie INSEE) : écart commune de Beaugeay.

(6) Archives Chavagnat.

(7) Archives Historiques de la Saintonge et de l'Aunis, tome XLIX, p. 171-178.

(8) Inventaire après décès de Jacob de Queux, sieur de Saint-Hilaire, et de Jeanne Jolly, sa femme, daté du 3 juillet 1634; copie vidimée du 17/10/1636; tiltres consernant les herittages qui appartenoient a Benjamin de Queux, escuier, sieur de la Tour; archives Chavagnat. L'aveu d'Antoine n'est pas daté.

(9) Ibid.

(10) Ibid.

(11) Ibid.

(12) Barbotin, Echillais et ses seigneurs, p. 57.

(13) Ibid., p. 61.

(14) " Jean Forteau, de Soubise, Constant Chaillou, son lieutenant ", figurent parmi les 579 protestants condamnés à mort le 6 avril 1569, par le parlement de Bordeaux (Eschassériaux, Études... à la ville de Saintes, p. 240). " Jehan Artault, mercier, lieutenant du capitaine Forteau, de Soubise ", parmi les 563 huguenots condamnés par la même cour le 6 mars 1570 (Eschassériaux, Études... à la ville de Saintes, p. 255).

(15) Inventaire après décès de Jacob de Queux, sieur de Saint-Hilaire, et de Jeanne Jolly, sa femme, daté du 3 juillet 1634; copie vidimée du 17/10/1636; tiltres consernant les herittages qui appartenoient a Benjamin de Queux, escuier, sieur de la Tour; archives Chavagnat.

(16) Revue de la Saintonge et de l'Aunis, XXXVII, p. 275. Son fils Pierre ne porte plus ce titre (ibid.).

(17) Archives Chavagnat.

(18) Ibid.

(19) Ibid.

(20) F. Chasseboeuf, Châteaux, manoirs et logis, p. 437.

Publié dans Roccafortis, bulletin de la Société de Géographie de Rochefort, 3e série, tome III, n° 21, janvier 1998, p. 238-240.