LE PRIEURE DE TRIZAY (CHARENTE-MARITIME)

     La fondation
 Les relations avec les seigneurs de Tonnay-Charente
 L'âge d'or
 La seigneurie du prieuré en 1460
 Les premiers prieurs commendataires
 La situation en 1638
 Les bâtiments et la seigneurie en 1692
 La situation en 1712
 La situation en 1760
 26 septembre 1460 - Déclaration des biens du prieuré de Trizay
 
Notes chronologiques

Les panneaux routiers signalent une abbaye dans la commune de Trizay. Des ruines sont en effet appelées localement " l’abbaye " (prononcé l’abeille), mais ce sont les vestiges d’un prieuré conventuel qui dépendait de la lointaine abbaye de la Chaise-Dieu, en Auvergne. Le passé de cet établissement est fort mal connu, tout comme est mal connue l’histoire de la paroisse. Cette carence ne met pas en cause la curiosité de l’érudition locale, qui, se donnant libre cours depuis un siècle et demi, a exhumé quantité de documents sur la Saintonge et publié des monographies plus ou moins riches sur des paroisses voisines. C’est que, pour les périodes les plus anciennes, la documentation sur Trizay est pauvre et éloignée. Elle est réunie dans le fonds de l’abbaye de la Chaise-Dieu, aux archives départementales de la Haute-Loire, et ne comporte que peu de pièces. L’abbaye possédait un autre prieuré, non loin de Trizay, celui de Sainte-Gemme, pour lequel il nous reste heureusement un " cartulaire ", recueil des plus anciens actes concernant cette maison. En fait, la trace de ce document est perdue, mais il a été copié et analysé avant la Révolution, lors du grand mouvement d’exploration des archives ecclésiastiques où se sont notamment illustrés les savants bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Rien de tel pour Trizay. Il est probable qu’il n’a pas existé de cartulaire pour le prieuré, à moins qu’il ait été détruit lors des troubles du XVIe siècle, au cours desquels les bâtiments ont été occupés par des soldats. D’autre part, si les archives anciennes étaient conservées à la Chaise-Dieu, elles ont disparu comme celles de la maison mère, puisqu'on ne connaît pas de cartulaire pour l'abbaye dont on ne possède même pas le titre de fondation.

Comme pour Sainte-Gemme, on dispose actuellement de la thèse de Pierre-Roger Gaussin sur l'histoire de la Chaise-Dieu de 1043 à 1518, qui fournit quelques renseignements sur les dépendances, puisés en particulier aux archives de la Haute-Loire (1). Nous avons donc regroupé les rares indications éparses contenues dans cette thèse et nous y avons ajouté quelques données prises dans des publications locales. L'ensemble est peu étoffé et disparate mais peut éventuellement constituer une amorce de monographie communale.

La fondation

C’est à la fin de l'an 1043 que Robert de Turlande, issu d'une famille d'Auvergne, prend possession d'une " solitude stérile " que lui ont donnée deux hommes d'église, sur les plateaux froids et boisés du Livradois, à plus de mille mètres d'altitude. Là il édifie un monastère qui est à peu près terminé en 1050, quand l'évêque de Clermont approuve les réalisations et accorde sa protection au nouvel établissement. La Chaise-Dieu, c'est-à-dire " la maison de Dieu ", va devenir une puissante abbaye qui aura de nombreuses dépendances et attirera sous ses murs des colons qui bâtiront un village, en un lieu autrefois désert.

L'introduction des moines de la Chaise-Dieu dans le diocèse de Saintes est due au comte de Poitiers Guy-Geoffroy qui, aux environs de 1075, donne à l'abbé Durand une église dédiée à Sainte-Gemme, avec des terres cultivables, dans une clairière de la forêt de Baconnais, afin de fonder un établissement. C'est l'origine du prieuré conventuel de Sainte-Gemme, qui fut la plus importante dépendance de la Chaise-Dieu dans le diocèse. Gaussin suppose que la fondation de Trizay est l'oeuvre des moines de Sainte-Gemme mais la preuve fait défaut. Pour la datation, on ne peut que se référer aux bulles pontificales contenant les listes des dépendances de la Chaise-Dieu ; celles-ci ne manquent pas mais elles n’énumèrent pas toutes ces dépendances, qui étaient très nombreuses. On remarque cependant que celle de 1157 mentionne Arces et Rioux, modestes dépendances de Sainte-Gemme (2), mais non Trizay, qui n’est signalé qu’en 1177 (3). Selon toute vraisemblance, c’est entre ces deux dates que les disciples de saint Robert ont été appelés à Trizay.

Actuellement, l'ancien prieuré apparaît isolé, au-dessus des marais de la rive droite de l'Arnoult, entouré à peu de distance par des bois. Le lieu habité le plus proche est le Chizé, au nord, qui est demeuré en contact avec un bois appelé au Moyen Âge bois ou forêt de Chizé. Cet isolement devait être plus accusé quand les moines ont pris possession des lieux; il est probable, en effet, qu'au cours des temps ces moines ont défriché les terres cultivées qui encadrent de nos jours les vestiges de leur établissement. La situation primitive du monastère présenterait ainsi quelque analogie avec celle de Sainte-Gemme à sa fondation. Autre analogie entre les deux prieurés : ils sont demeurés isolés dans la campagne, les moines n'attirant pas leurs tenanciers à proximité, à la différence de ceux de l'abbaye mère qui ont permis la construction d'un bourg sous leurs murs.

On ne connaît pas d’autre nom que celui de Sainte-Gemme pour l’endroit où on découvre une église, vers 1075. Cependant il a dû exister un autre nom, antérieurement à la christianisation, puisque des vestiges d’occupation " gallo-romaine " ont été identifiés sur le site ou à proximité. Pour Trizay, le nom primitif, qui remonte au plus tôt au très haut Moyen Age, a été conservé, mais, faute d’acte de fondation, on ne peut affirmer qu’il y avait une église quand les " casadéens " s’y sont installés. Cependant, comme l’église des moines était en même temps église paroissiale, il est probable que l’édifice qu’ils ont construit a remplacé une église paroissiale dédiée à saint Jean l’Évangéliste. Ainsi, le parallélisme entre Sainte-Gemme et Trizay serait complet : dans les deux cas, les moines de la Chaise-Dieu auraient pris possession d’un lieu très anciennement occupé, isolé, mais pourvu d’une église desservant une population disséminée dans une paroisse étendue encore en grande partie boisée.

Il est au moins une certitude : la fondation de Trizay est l’oeuvre d’un seigneur de Tonnay-Charente, comme nous le montrons plus loin. L’inventeur inconnu d’une légende locale a vu juste. Pour le pittoresque, voici cette légende, telle que la rapporte Charles Dangibeaud, au siècle dernier. " S'il faut en croire certains esprits amoureux de la légende, Trizay devrait son origine à deux crimes. Le seigneur de Tonnay-Charente aurait confié sa fille aux moines de l'abbaye de Charente, avant de partir pour un voyage lointain et, en revenant, il se trouva grand-père sans se connaître de gendre ; il dissimula son ressentiment pendant quelque temps, puis invita les religieux à un repas copieux, arrosé plus copieusement encore de vins généreux. Au dessert il les fit enfermer dans un sac et jeter à la rivière. Pour réparer son forfait et assurer à son âme le repos éternel, l'astucieux seigneur fonda le prieuré de Trizay. Si l'histoire n'est pas vraie, elle est vraisemblable. Les moeurs de l'époque toléraient de tels usages qui nous étonnent aujourd'hui..." (4). On s’étonne cependant de la crédulité de Dangibeaud, par ailleurs unanimement reconnu comme un érudit de valeur.

L’"abbaye de Charente", c’est une abbaye dédiée à Sainte-Marie, fondée en 1090 par un Geoffroy de Tonnay, non loin de son château, placée dès l’origine dans la dépendance de celle de Saint-Jean-d’Angély, auréolée du prestige de sa soumission à Cluny. Moins d’un siècle plus tard, la réputation des successeurs de saint Robert a dû inciter un successeur de Geoffroy à attirer les moines défricheurs dans une paroisse en grande partie boisée. Ce successeur n’est pas identifiable, car, entre 1157 et 1177, fourchette probable de la fondation, la documentation sur les seigneurs de Tonnay est fragmentaire.

Les relations avec les seigneurs de Tonnay-Charente

Le premier de ces seigneurs qui se manifeste pour nous par des libéralités en faveur de Saint-Jean-l’Évangéliste est un Hugues, premier du nom de la lignée, qui est mineur en 1220, après le décès prématuré de son père Geoffroy. En 1226, devenu chef de famille, il cède à l’abbé de la Chaise-Dieu " la présentation et la nomination du prieur de Trizay ", preuve qu’il est l’héritier du fondateur qui a retenu pour lui la présentation du prieur, et il ajoute la concession au prieuré d’un droit de chauffage dans son " bois du Chafert " (5). L’acte est connu par une confirmation de l’évêque de Saintes Hélie, fait en présence de A., prieur de Romegoux, et d’un moine nommé Landri (6). On sait que le prieuré de Romegoux était une autre dépendance de la Chaise-Dieu.

En 1232, le même Hugues, se disant humble seigneur de Tonnay sur Charente, fait une nouvelle concession. Il est alors dans l’église de Saint-Hippolyte, où l’ont rejoint le prieur Guillaume de Saint-Astier et les moines R. Alexandre et Guillaume Aimeri. Il accorde au prieuré et aux habitants de plusieurs paroisses (7) un droit d'exploit dans un marais appelé la Fuble, sur l'Arnoult, et dans des terres incultes de la paroisse de Saint-Hippolyte. A une date inconnue, son frère Geoffroy, qui lui succède, concède au prieur un droit de chasse pour les oiseaux et " toutes sortes de bêtes ", dans les garennes de Saint-Hippolyte et de Monthérault (8).

Ce Geoffroy est le dernier de sa lignée ; il décède vers 1269 et ses fiefs sont partagés entre les représentants de ses sept filles. L’aînée de ces dernières, Jeanne, qui a épousé Aimeri IX de Rochechouart, est décédée depuis 1263. En 1273, lors du partage, Aimeri IX reçoit la châtellenie de Tonnay, pour raison de ses enfants, ou plutôt une châtellenie très réduite au sud de la Charente, la paroisse de Trizay étant incluse dans la châtellenie des Fontaines de Beurlay, érigée pour constituer une des sept parts.

On ne connaît pas de donation émanant d’Aimeri IX de Rochechouart, mais on sait qu’il a été inhumé dans le prieuré. En 1300, Guy de Rochechouart, son fils, fait un compromis avec le prieur et les habitants, au sujet des droits accordés par ses prédécesseurs, Hugues et Geoffroy de Tonnay , ce dernier étant alors désigné comme son grand-père. Au vu des actes, le seigneur de Tonnay-Charente reconnaît les droits du prieuré et des gens des paroisses, en retenant cependant son défens de poissons dans les eaux de l’Arnoult qui arrosent le marais de la Fuble et quinze brasses de chaque côté de l’Arnoult, et en leur demandant une aide pour les frais qu’il doit engager pour participer à une guerre en Flandre. Les intéressés lui accordent deux cents livres " de bonne monnaie courante " (9) . Par testament en date du 3 juillet 1313, il élit sa sépulture dans le prieuré, auprès de son père (10).

On connaît aussi un aveu fait au roi par Louis de Rochechouart, en 1372, qui mentionne " le prieur de Saint Jean de Trizay " parmi les gens d'église qui tiennent des choses de lui, en franche aumône. Le prieur ne doit rien d'autre au seigneur que la fidélité et il détient un droit de justice qui lui permet de percevoir des amendes de 60 sous et 1 denier " en seigneurie ", de 15 sous par delà la Charente et 7 sous 1/2 en deçà, " de basse voirie " (11). Louis de Rochechouart est seigneur de Tonnay-Charente et des Fontaines de Beurlay ; ces dispositions ne doivent s’appliquer qu’aux biens situés hors de la paroisse de Trizay, paroisse où le prieur dispose de toute justice, comme le signale une déclaration de 1460, analysée ci-dessous.

L'âge d'or

D'après Gaussin, le prieuré compte douze moines à haute époque. Nous n’avons pas de renseignements sur leur vie quotidienne, sinon que, de temps à autre, ils reçoivent la visite d’un porteur de message funéraire. Il est de coutume, en effet, que les abbayes fassent part d’un deuil en envoyant, par les chemins, un messager qui présente à de nombreux couvents un rouleau de parchemin signalant le décès, sur lequel les couvents visités écrivent quelques mots, signalant parfois qu’ils diront des messes pour l’âme du défunt. C’est ainsi que le porteur du " rouleau " de Bertrand de Baux, bienfaiteur de l’abbaye de Silvacane, en Provence, décédé en 1181, arrive à Trizay, après un long périple, en venant de Sainte-Gemme (12). C’est ainsi que, le 16 juillet 1240, le porteur d’un " rouleau" de l’abbaye de Soulignac, en Limousin, est à " Saint Jean de Trizay " (13).

Chaque année, à la saint Robert, le prieur participe au chapitre général qui se tient dans l'église mère afin d'examiner les questions communes à la congrégation. On l'imagine cheminant à petites étapes vers la Chaise-Dieu, accompagné d'un équipage en rapport avec l'importance de son monastère. Jusqu'au début du XIVe siècle, ce chapitre n'a qu'un rôle de conseil, les abbés décidant souverainement, en suivant à la lettre la règle de saint Benoît.

Cette pratique change brusquement à l'occasion du chapitre général d'avril 1302, qui s'ouvre en des circonstances difficiles, l'abbé Aymon de la Queuille ayant été suspendu de son administration par le pape Boniface VIII. Les prieurs forains reprochent en particulier aux abbés de fixer arbitrairement les contributions qu'on leur demande pour l'entretien de l'abbaye mère. L'abbé Aymon doit faire face à une véritable conjuration contre son pouvoir, menée par deux prieurs, dont celui de Trizay, Bertrand de Bisturre, docteur en droit canon. De nouveaux statuts sont alors élaborés, qui limitent les prérogatives des abbés. Ils sont entérinés à Rome, dans la basilique Saint-Jean du Latran, le 5 février 1303, en présence de l'abbé et des prieurs contestataires désignés comme procureurs du chapitre. L'article 18 stipule que de nouvelles contributions ne pourront être demandées aux prieurés qu'avec l'assentiment d'un conseil composé de quatre religieux de l'abbaye et de six prieurs représentant les différentes régions, qui auront ainsi la majorité. Parmi les six prieurs figurera celui de Sainte-Gemme ou celui de Trizay.

L'abbé perçoit des " procurations ", redevances destinées à couvrir les frais de ses visites aux membres dépendants, qui, au XIVe siècle, sont fixées à quatre livres par prieuré. Cependant les gros prieurés sont inscrits pour plusieurs procurations : Sainte-Gemme pour cinq, Trizay pour deux. Le diocèse de Saintes paie en tout quinze procurations. A la même époque, Trizay doit trente sous par an au chambrier de l'abbaye.

La seigneurie du prieuré en 1460

En 1460, le prieur est le frère Tartarin, ainsi désigné le 26 septembre de cette année, quand il baille une déclaration du temporel du prieuré aux commissaires royaux chargés de contrôler le paiement des droits sur les nouveaux acquêts. Le religieux affirme que le prieuré n’a rien acquis dans les soixante dernières années, ce qui n’est pas étonnant, la " guerre de cent ans " étant à peine terminée. L’acte est d’un grand intérêt car il décrit le domaine et les fiefs avec précision. Il permet de constater que la seigneurie s’étend sur toute la paroisse, à l’exception du fief de Chambon, et que le prieur y dispose de toute justice, haute, moyenne et basse.

L’emprise du monastère s’étend d’autre part sur plusieurs paroisses de la châtellenie primitive de Tonnay-Charente. Dans la paroisse de Saint-Hippolyte-de-Biard, la seigneurie comprend l'hôtel des Granges (14), la moitié en indivis d’une prée dite de Suly, plusieurs prés dont certains au bord de la Charente, notamment dans l’île de Rhône, diverses terres, dont l’une est commune avec le seigneur de Puy Jarreau (15). Dans la paroisse de Romegoux, ce sont deux moulins à vent, des bois, prés, marais, terres arables; dans celle de la Vallée, une pièce de pré; dans celle d’Echillais le tiers du " moulin de Martrou ", des prés, bois, terres arables et non arables, un fief de terre appelé " le Fié aux Moines ". Mais les plus importantes possessions se situent dans la paroisse Saint-Étienne de Tonnay; ce sont une maison appelée " la maison de Trizay ", les villages de Champservé (16), de la Coudre (17), les marais et les villages de la Noue (18), le Bouil, la Pierrière, une maison et ses appartenances au village du Breuil (19), les villages du Teil (20), des prés et quatre petites pièces de vignes.

Loin de Trizay, les moines possèdent une rente sur des moulins et un cens sur une maison, à Marans, une rente sur une maison avec verger à la Font, près de la Rochelle. Ils n’ont guère pénétré les marais; ils n’ont en effet que 25 sous de rente sur des salines, dans la paroisse de Saint-Just, en Marennes. On remarque d’autre part que les vignes sont presque absentes, conséquence probable de la guerre, bien que le prieur ne souffle mot des difficultés du temps passé.

Les premiers prieurs commendataires

Jacques de Saint-Nectaire, élu en 1491 et mort en 1518, est le dernier abbé régulier de la Chaise-Dieu; après lui, ce sont des abbés commendataires, qui ne sont pas élus en chapitre général mais nommés par le pape, sur présentation royale. A Trizay, la commende est également tôt en vigueur puisque le prieur Charles Goumard, qui participe en janvier 1520 à la rédaction des coutumes de Saintonge, à Saint-Jean-d'Angély, est en même temps archidiacre d'Aunis et prieur de Soubise (21). Plus tard, avant 1591, le prieur Jean Goumard sera aussi abbé de Châtres (22).

La situation en 1638

On ne possède guère d’indications sur le sort de la maison pendant les " guerres de religion ". D'Aubigné signale qu'en 1585 la Ligue installe " à Trizay " une garnison qui évacue la place l'année suivante, devant les succès de l'armée du comte de Laval (23). Il ne peut guère s'agir que du prieuré, transformé en place forte pour la circonstance. En quel état les soldats ont-ils abandonné la place ?

La misère du prieuré transparaît en 1638. Le prieur est alors Pierre Maurisse, qui est en même temps abbé de Masdion. Il n’existe plus qu’un office pourvu, celui de sacriste, qu’a reçu le frère Henri Eschassériau. Un procès entre les deux hommes met en évidence une situation inextricable. Le premier refuse de verser la pension du second pour cause de non résidence et non exercice de sa charge; le second demande au premier de lui assurer un logement et du mobilier au prieuré, afin de pouvoir y résider et y officier. D'après une sommation de Maurisse à Eschasseriau en date du 5 février 1638, ce dernier dispose de deux anciennes chambres des religieux, avec cheminée, dont il s'est contenté pendant cinq ou six ans, mais il réside à Saintes et a fait transporter les meubles du prieuré afin d'en obtenir d'autres. Il faudrait connaître les arguments d'Eschasseriau pour juger (24). Il est probable que le logement est insalubre, comme l'est celui du sacriste Arnaud de Longueval en 1692. Toujours est-il que le curé est le seul à officier dans l’église, dont on ignore d’ailleurs l’état.

Les bâtiments et la seigneurie en 1692

On en apprend en effet un peu plus en cette année 1692, les titulaires de bénéfices ecclésiastiques ayant été contraints de déclarer devant notaire le temporel et les revenus de leurs établissements. A cette date, le prieur commendataire est un prêtre, Henri de Chauvel, qui réside probablement à Paris. Toujours est-il que, le 19 juillet 1692, c'est un " praticien de Trizay ", Cosme Giraudot, qui, en qualité de procureur, fait devant notaire une déclaration au nom du prieur " de présent en la ville de Paris ". Cette déclaration met en évidence l'état de délabrement du prieuré et donne une idée assez précise du temporel.

De " vieux bâtiments ", partiellement ruinés, sont occupés partie par le prieur, partie par le sacriste, partie par le curé de Trizay, partie par des fermiers (25). En annexes sont une basse-cour avec aire à battre le grain, une fuie, une motte, un jardin renfermé de murs en pierres sèches, un autre jardin entre deux. Tous ces éléments, contigus, représentent 6 journaux environ. Dans la paroisse, l’établissement possède une pièce de bois taillis contenant 100 journaux, joignant le prieuré, au bout de laquelle sont un champ de 12 journaux et une pièce de terre autrefois plantée en vigne, close de murs en pierres sèches, contenant 4 journaux. S’y ajoutent 150 journaux de marais " rouchis " (26) en une pièce, confrontant au nord au bois appelé " le Chizé ", des terres dont la superficie n'est pas indiquée, certaines tenues à l'agrière qui doivent le terrage au sixte des fruits, d'autres tenues à rente qui doivent la dîme au treizain des fruits; un fief (de vigne) de 100 journaux, où le prieur prend le complant au huitain des fruits; deux moulins, l'un à eau, l'autre à vent, chargés envers le prieuré de 44 boisseaux de froment, 2 boisseaux d'avoine, 47 sols 6 deniers en argent, deux chapons et une poule, de rente annuelle.

Ainsi, le domaine comprend environ 122 journaux d'un seul tenant au contact du prieuré, soit plus de 40 hectares, dont 34 hectares en bois taillis, et plus de 50 hectares de marais incultes à l'ouest, sur la rive droite de l'Arnoult. La seigneurie foncière compte 34 hectares de vigne et des terres cultivées non localisées et de surface indéterminée. Cet ensemble bien groupé, au moins pour ce qui est localisé, doit représenter tout ou partie de la dotation primitive.

Dans la paroisse de Saint-Hippolyte de Biard sont un pré de 14 journaux, confrontant d'un côté et d'un bout à la Charente, et un pré " en gâts " (27) appelé les Argots, contenant 5 journaux, affermés ensemble pour 3 livres annuellement, la seigneurie des Granges, qui consiste en une petite maison composée d'une chambre basse avec un grenier au-dessus, un petit " parc " à pourceaux, une grange pour recevoir les foins, une aire pour battre les grains, une vieille tourelle de moulin à vent et 1 journal 1/2 de terre labourable. Le prieur prend le terrage au sixte des fruits sur les terres de la seigneurie, sauf sur un mas de terre appelé le Fief Commun où il partage les terrages par moitié avec le seigneur de Tonnay-Charente.

Dans la paroisse de Saint-Agnant, où rien n’est signalé en 1460, le prieuré dispose de 11 livres de marais en trois champs de marais gâts (28) contigus (respectivement 5, 4 et 2 livres), sis sur le chenal de Bardonne, dans la " paroisse " de la Rouillasse, tenus au dizain des fruits pour droit de terrage de la seigneurie de Montierneuf, qui " sont sous l'eau ". Il possède aussi 15 journaux de marais " rouchis ", sis entre le moulin de Vouillay et la chaussée par laquelle on va de Trizay à la forêt de Montierneuf, confrontant à la rivière d'Arnoult, et un autre marais " rouchis ", tenant d'un côté à l'eau qui va de Trizay au moulin de Vouillay jusqu'au taillis de Chizé, d'autre côté à un " recoin et vieux fossé qui va du dit cours d'eau au dit Chizé ", d'un bout à la chaussée de Vouillay. Ces deux derniers marais sont tenus à rente du prieuré au devoir de 13 boisseaux 1/2 d'avoine, 7 chapons, 1 poule et 49 sous en argent. Il est probable que Trizay tient ces marais du prieuré de Montierneuf dont la seigneurie s'étend sur toute la paroisse de Saint-Agnant.

Dans la paroisse de Romegoux le prieur dispose d’une petite seigneurie, consistant en terrages au sixte des fruits, sans bâtiment pour recevoir ces fruits, de 80 boisseaux de froment de rente seigneuriale annuelle sur deux moulins à eau et quelques autres menues rentes. Les revenus de Romegoux et ceux de la seigneurie des Granges, en Saint-Hippolyte, sont toujours affermés ensemble, pour 650 livres.

Dans la paroisse de Tonnay-Charente est une seigneurie appelée Champservé, consistant en une maison fort petite dans laquelle il n'y a qu'une chambre et un petit chai pour recevoir les foins, et en un mas de terres, prés et vignes possédés par divers particuliers; ce mas est tenu à rente, à l'agrière et au complant, du prieuré qui n'a en propre que la maison dans la seigneurie. Dans la même paroisse, sont plusieurs autres mas de terre, près de Champservé le Haut, près du lieu appelé la Bousselière..., l'hébergement de la Brûlée et les bois qui en dépendent; l'hébergement de la Noue, avec un mas de terre attenant, un lopin de terre labourable aux Fontenelles, un autre mas de terre comprenant ouches, jardins, prés, prises et maisons, le tout situé dans la Landre (sic), une pièce de vigne dont partie est alors en terre labourable, située au fief du Vigner, et même un journal de terre dans le parc du seigneur de Tonnay-Charente, un masureau en la ville de Tonnay-Charente et une maison avec jardin sur le port de Tonnay-Charente... Sur tous ces lieux, outre les cens, rentes, agrières et complants, le prieur de Trizay a droit de prendre la moitié des dîmes, conjointement avec le prieur de Tonnay-Charente, à raison de la vingtième partie des fruits. Tous ces revenus sont affermés pour 260 livres.

Le revenu total des seigneuries est estimé à 1960 livres, somme sur laquelle le prieur doit payer annuellement 350 livres au sacriste, 300 livres au curé, 250 livres pour les décimes ordinaires (29). Le revenu du domaine n'est donc pas pris en compte. De plus, comme d'usage en pareille circonstance, celui des seigneuries a dû être minimisé : d'après un pouillé du diocèse de Saintes de la même époque, le revenu du prieuré s'élève à 4500 livres (30).

Le 16 juin de la même année, le sacriste, Arnaud de Longueval, prêtre et religieux profès de l'ordre de Saint-Benoît, seul régulier résidant, a fait sa propre déclaration, qui confirme celle du prieur pour la rente que celui-ci lui doit et met aussi en évidence l'état de délabrement des bâtiments du prieuré. Le sacriste déclare que la pension de l'office de sacriste a été réglée par arrêt du parlement à 350 livres par an, payables par quartiers par le prieur, sur laquelle il a payé le don du roi et 6 livres de décimes ordinaires imposés depuis la dernière taxe, et avec laquelle il achète le luminaire, le pain et le vin nécessaires pour la célébration des messes.

Il a une chambre, deux cabinets et une cave, " le tout dans un méchant air " qui l'oblige à louer une maison de paysan où il demeure depuis quelques années, à raison de 10 livres par an; de plus il a été obligé de " faire une écurie à ses frais et dépens " et il a employé 10 pistoles pour rendre la maison habitable. Il dispose d'un jardin d'environ 3 carreaux, confrontant à l'est au jardin du prieuré, au sud à l'église et des deux autres côtés aux cimetières du prieuré. Il jouit aussi d'une motte d'environ 6 ou 7 carreaux, confrontant à l'est au bois du prieur, au sud à la motte du prieuré et des deux autres côtés aux marais du dit prieuré, jardin et motte étant de l'ancien domaine du prieuré (31). Le montant de la pension est confirmé par le pouillé désigné ci-dessus parce qu'il est fixe et facilement contrôlable, étant arrêté par le parlement (32).

Quelques années plus tard, on rencontre autre prieur, " M. l’évêque de Lectoure ", c’est-à-dire François-Louis de Polastron, évêque de Lectoure, d’après le mémoire de Bégon sur la Généralité de la Rochelle, commencé en 1698 (33).

 La situation en 1712

A cette date, il n'y a toujours qu'un régulier. C'est Charles David, lui aussi prêtre, religieux profès de l'ordre de Saint-Benoît, qui se dit sacristain et prieur claustral dans une lettre adressée à un ministre non désigné, datée de Rochefort, 9 juin 1712. Il réside à Tonnay-Charente parce que son logement au prieuré n'est pas habitable. Depuis le 15 juillet 1711, date de prise de possession de sa charge, il n'a pu obtenir la moindre réparation du prieur commendataire, Olivier-François de Fourcy, abbé de Saint-Ambroise et chanoine de l'église de Paris. De plus ce dernier refusait de lui verser sa pension pour cause de non résidence au prieuré et il a dû recourir à la justice pour l'obtenir. Pourtant, affirme-t-il, " il y a assez de revenus pour y entretenir trois religieux comme on faisait autrefois, et la cherté des blés et du vin l'a fait monter ces quatre dernières années deux fois plus haut qu'il n'était avant l'an 1709 ".

Il signale que la salle capitulaire sert d'écurie où on donne le foin aux chevaux sur l'autel, et de " toit à de sales animaux " qu'il n'ose nommer, par déférence pour le destinataire, alors que, " par tradition, on croit que les corps de plusieurs saints religieux qui ont animé cette maison sont inhumés " dans cette salle. Il fait aussi savoir au ministre que le prieur fait abattre à son profit une grande quantité de bois dans la forêt du domaine et qu'il a obtenu de la maîtrise de Rochefort le marquage de nombreux arbres vifs présentés comme morts des suites de l'hiver de 1709. Il craint la destruction de cette forêt où il a un droit de chauffage (34).

La situation en 1760

En 1760, le prieur Joseph-François de Malide, prêtre du diocèse de Paris et grand vicaire du diocèse de Laon, fait dresser un état des lieux. Le procès-verbal qui consigne les observations faites les 11, 12 et 13 mars de cette année, mentionne " que les lierres accrus sur les murs qui renferment le cloître du côté de la cour, joignant l'appartement du sacriste, couvrent toute la partie dudit mur et montent sur le toit de la couverture, qu'il est nécessaire de couper et enlever les lierres, crépir et griffonner pour en éviter la ruine ". Le réfectoire est converti en grenier, les prisons sont abandonnées depuis longtemps (35).

Ainsi l'état pitoyable du prieuré est vieux de plusieurs siècles. Ce sont des ruines qui ont été vendues comme bien national à la Révolution, utilisées depuis au moins le XVIIe siècle comme bâtiments d'exploitation agricole. En 1888, selon Dangibeaud, le réfectoire sert de pressoir et brûlerie. En 1901, Brodut parle de distillerie.

DOCUMENT

26 septembre 1460 - Déclaration des biens du prieuré de Trizay

par le prieur Tartarin, avec main-levée d'une saisie de ces biens, effectuée par les commissaires royaux aux francs fiefs et nouveaux acquêts (36).

C'est la déclaration de la temporalité du prieuré conventuel de Saint Jean de Trizay, membre dépendant de l'abbaye de la Chaise-Dieu en Auvergne, laquelle déclaration religieux homme frère Tartarin, a présent prieur du dit prieuré, baille et met par devers vous, messeigneurs les commissaires du roi notre sire, sur le fait et réformation des francs fiefs et nouveaux acquêts es pais de Saintonge, ville et gouvernement de la Rochelle, en obtempérant a vos édits et commandements

A premièrement la paroisse dudit lieu de Trizay ainsi qu'elle s'étend et qu'elle a ses fins et limites séparées et divisées des autres paroisses circonvoisines, avec tout droit de justice et juridiction haute, moyenne et basse et l'exercice de celle-ci, hommes, cens, rentes en deniers, blés, vins, poulailles, terrages, complants, pêcheries, fours, moulins, prés, bois, marais et autres droits et devoirs quelconques, excepté le fief de Chambon (37) et ses appartenances, en lequel il ne prétend aucun droit fors que la dîme, et laquelle paroisse s'étend d'un bout à la forêt de Chizé (38) et à la terre de la Bergerie (39), d'autre bout à la terre des Fontaines (40) et à la terre de Pont Labbé (41), d'un côté au long du bois communau (42) et d'autre côté a la terre du roi (43) et au long de la terre du prieur de Moutierneuf (44) rendant à la dite forêt de Chizé;

Item l'hôtel des Granges (45) avec ses appartenances, appendances et dépendances, hommes, cens, rentes, fiefs de terres et vignes, prés, moulins, bois et tout droit de justice et juridiction, assis et situé ledit hôtel et appartenances en la paroisse de Saint Hippolyte de Biard (46) et se tiennent d'un bout à la croix de mon sire de la Mothe Fanton et au carrefour des Archambauds, d'autre bout au (pli du parchemin) de la prée (47) commune tirant à la terre de Biard (48) et au marais de Laffuble (49) et dudit marais tirant aux terres de la Girardière (50) qui meuvent de monseigneur de Tonnay Charente et le long desdites terres jusqu’à la fontaine des Gainières et d'un côté au long du grand chemin qui va dudit carrefour des Archambauds jusqu’au moulin à vent et de là à deux croix rendant a ladite prée commune joignant la terre et bois de Micheau Jousseaume;

Item la moitié de la prée de Suly par indivis, assise en la paroisse de Saint Hippolyte de Byard, tenant d'un côté a la prée commune, d'autre côté aux prés qui sont tenus de mon dit sire de Tonnay Charente et d'un bout au perré par lequel l'on va dudit lieu de Saint Hippolyte à Tonnay Charente (51);

Item le pré du Pâtis, tenant d'un côté jouxte la Charente et d'autre côté au pré du seigneur de la Maçonnerie (52) et a la prée commune; item un autre pré assis auprès du pré appelé le Pré Buon; item un autre pré tenant d'un côté audit pré de la Maçonnerie et d'autre côté à ladite prée commune; item un autre pré appelé la Petite Aiguille, tenant d'un côté à la rivière de Charente et tout autour environné d'un grand étier (53); item un autre pré assis en ladite rivière, joignant audit pré de la Petite Aiguille, ledit étier entre deux; item un autre pré appelé les Petits Prés, joignant au pré susdit; item un autre pré assis en la Grande Aiguille, tenant d'un côté à ladite rivière de Charente et d'autre côté au pré de Forges (54); item un autre pré assis en ladite rivière, tenant d'un côté au pré de Forges; item un autre pré assis en ladite rivière, tenant d'un côté au pré de Forges et d'autre à la prée commune; item un autre pré assis en ladite rivière, tenant d'un côté au pré de mon dit seigneur appelé le Pré Domaine et d'autre au pré de Micheau Jousseaume;

Item un autre pré assis en ladite paroisse, en l'île de Rhône (55), appelé les Cha... (?) de Trizay, tenant d'un côté a ladite rivière de Charente et d'autre aux prés qui meuvent de monseigneur de Biard; item un autre pré assis en ladite île, tenant d'un côté au moulin de la Bridoire (56) et d'autre côté à l'étier dudit moulin; item un autre pré assis en ladite île, tenant d'un côté au fleuve de Charente, d'autre audit moulin de la Bridoire, et est appelé la Grand Sole; item un autre pré assis en ladite île, appelé le Pré du Seu, tenant d'un côté au fleuve de Charente et d'autre aux prés dudit seigneur de Biard; item un autre pré assis en ladite île, tenant d'un côté a ladite Charente et d'autre aux prés des Hospitaliers (57); item une autre pièce de pré assise en ladite île, devant Rochefort, tenant d'un côté audit fleuve de Charente, d'autre aux prés du seigneur de Byard et d'un bout aux prés du prieur de Moutierneuf, appelé ledit pré le Pré Rouchoux (58);

Item un fief de terre assis en ladite paroisse et tenant d'un côté a la Fraignée (59), d'autre à la terre des Rigeaulx, d'un bout à la Pierre Plate et d'autre bout aux terres de ladite Fraignée; item une autre pièce de terre assise en ladite paroisse, tenant d'un côté à la terre desdits Rigeaux, rendant au marais du seigneur de la Bergerie (60), et d'un bout aux terres de la Fraignée; item deux autres pièces de terre, assises en ladite paroisse, auprès du moulin à vent susdit, tenant d'un côté au chemin qui va dudit moulin à la Baudrière (61), d'autre à la terre de la Bergerie et d'un bout à la terre desdits Rigeaulx; item une autre pièce de terre, assise auprès de l'église, tenant d'un côté à la terre de Micheau Jousseaume, d'autre à la terre du curé de ladite paroisse, et d'un bout au chemin des deux Croix susdit; item plusieurs petites pièces de terre, communes entre le seigneur de Puy Jarreau (62) et ledit prieur, tenant d'un côté au four du seigneur de la Bergerie et d'autre au bois de Micheau Jousseaume qui meut de mon dit seigneur de Tonnay Charente, et au chemin par lequel l'on va de ladite église aux Granges;

Item des moulins à vent appelés les Moulins Dessous et le Moulin des Champs, situés et assis en la paroisse de Romegoux (63), avec les vergers et appartenances comprises sous la baillette desdits moulins; item plusieurs bois, prés, marais, terres arables et non arables, hommes, cens, rentes et tous autres droits de justice, juridiction et prérogatives ci dessus et lesquels moulins et autres choses susdits tiennent d'un côté au fleuve de Charente, d'autre au chemin par lequel l'on va de Romegoux à Geay (64), d'un bout à la prée et (effacé) de Romette (65) et d'autre aux marais qui sont tenus de l'abbé de Fontdouce (66) et du prieur de Romegoux;

Item une autre pièce de terre, assise en ladite paroisse, tenant d'un côté à la rivière et prée du seigneur de Romette et d'autre aux terres dudit seigneur de Romette; item un fief de terres, assis en ladite paroisse et dans le fief commun du roi et dudit seigneur de Romette, appelé ledit fief la Sie aux Moines; item une autre pièce de terre, assise en ladite paroisse, avec hébergement, maisons et appartenances, situé dans le fief commun du roi et dudit seigneur de Romette;

Item une pièce de pré, assise en la paroisse de la Vallée (67), tenant d'un côté au chemin par où l'on va au port de la Pierre (68), d'autre au pré de Nieuil et d'autre aux argots (69) de mon dit seigneur de Tonnay Charente;

Item en la paroisse de Notre Dame d'Echillais (70) la tierce partie en un moulin appelé le Moulin de Martrou (71), hommes, cens, rentes, prés, bois, terres arables et non arables et plusieurs autres choses en tout tel droit de justice et juridiction que ci- dessus est dit et déclaré en autres lieux, et se tient ledit moulin près du fleuve de Charente et près de la rivière dudit lieu d'Echillais, et lesdites terres, hommes et autres choses susdites sont confrontées et séparées d’eaux et de marais, appelé ledit fief l'île de Pinpelle;

Item un autre fief de terres, assis en ladite paroisse, appelé le Fief aux Moines, tenant d'un côté au chemin par lequel l'on va de Tonnay Charente à Soubise (72) et d'autre aux terres du seigneur d'Echillais;

Item une pièce de pré assise en ladite paroisse d'Echillais, devant le moulin de Martrou et au fleuve de Charente; item une autre pièce de pré assise en ladite paroisse et rivière d'Echillais, laquelle se tient auprès du pré dudit seigneur d'Echillais;

Item une maison avec ses appartenances, appelée la Maison de Trizay, et les villages de Champservé (73), de la Coudre (74), les marais de la Noue, le Bouil, la Perrière, avec les appartenances des choses susdites, tant d’hommes, cens, rentes, fiefs de terres et de vignes, comme de toutes autres choses le sont, situé et assis en la paroisse de Saint Étienne de Tonnay (pliure) avec le droit de justice et juridiction et autres prérogatives dessus déclarées, et lesquels fief et terres de Champservé se tiennent d'un côté au grand chemin par lequel l'on va de Tonnay Charente au port d'Albe (75) et d'un bout au grand marais jusqu’aux terres du seigneur de Laffiement (76), en suivant lesdites terres jusqu’à la Bousselière (77) en venant aux terres de Forges, et desdites terres jusqu’aux terres du seigneur d'Archiac (78), en suivant lesdites terres jusqu’aux terres de l'abbé de Tonnay Charente et jusqu’aux terres de l'aumônerie et aux terres de mon dit seigneur de Tonnay jusqu’au dit grand chemin qui va en Albe;

Item une maison et ses appartenances assise dans le village du Breuil (79), tenant d'un côté audit grand chemin d’Albe et d'autre au fief de Forges et d'un bout au fief de l'Oumée et d'autre au fief de Puy Jarreau jusqu’au grand chemin;

Item les villages de la Noue (80) assis en ladite paroisse, tenant d'un côté au grand chemin qui va de Tonnay Charente à la Marcardière (81), d'autre aux terres du seigneur du fief, d'un bout aux terres du seigneur de Puy Jarreau et d'autre aux fiefs et terres de mon dit seigneur de Tonnay Charente;

Item un autre fief de terres et bois, tenant d'un côté au perré Tantinart, d'autre aux prés du seigneur de Laffiement, d'un bout aux prés du seigneur de Puy Jarreau jusqu’au pas du Lobier et joignant des boussioux (82), lesquels meuvent de mon dit seigneur de Tonnay, jusqu’au dit perré Tantinart; item une pièce de terre tenant d'un côté au grand chemin qui va à la Marcardière et d'autre à la terre des Hospitaliers;

Item une pièce de bois près des villages de la Noue, tenant d'un côté au bois de mon dit seigneur de Tonnay Charente, d'autre au bois de l'abbé dudit lieu, d'un bout au bois de l'aumônerie et d'autre bout au bois de l'Oumée ;

Item les villages du Teil (83) avec leurs appartenances, tenant d'un côté aux terres du seigneur de Laffiement, d'autre aux terres du seigneur de l'Oumée et d'un bout aux terres de l'abbé dudit lieu de Tonnay;

Item les villages de la Coudre et leurs appartenances, étant en ladite paroisse de Tonnay Charente, tenant d'un côté au grand marais de Forges jusqu’à Fichemore, rendant au perré de Chartres (84), et le bois jusqu’à la Charente, et d'un bout au long du fossé des Ribères jusqu’au dit marais de Forges, et d'autre aux terres du seigneur de Puy Jarreau, le long de celles-ci jusqu’au bois de Chillettes, lequel meut dudit seigneur de Puy Jarreau et de l'abbé dudit lieu de Tonnay et, toujours en suivant lesdites terres, jusqu’au fossé de Bernard Roux;

Item une pièce de pré assise en ladite paroisse, tenant d'un bout au fleuve de Charente, d'autre aux terres de l'île de Japline, d'un côté au pré dudit abbé et d'autre au pré de l'aumônerie; item une autre pièce de pré assise sous Puy Jarreau, tenant d'un côté au pré dudit seigneur et d'autre au pré de mon dit seigneur de Tonnay;

Item une maison en la Perrière (85), près la ville dudit lieu de Tonnay Charente;

Item quatre petites pièces de vignes assises en le fief de Graginte, lequel meut de mon dit seigneur de Tonnay Charente;

Item à Marans (86), sur les moulins Portier assis sur la rivière dudit lieu de Marans, quinze livres de rente par les détenteurs desdits moulins, es fêtes de la Nativité Notre Seigneur et de saint Jean Baptiste, également par moitié, et cinq sols sur une maison assise audit lieu de Marans;

Item à la Font (87), près la Rochelle, soixante sols de rente dus par Guillaume Leberton pour raison d'une maison, verger et autres héritages à lui baillés par les prieurs dudit lieu de Trizay qui ont été le temps passé;

Item, à Saint Just de Marennes (88), vingt cinq sols de rente pour raison de mes salines que tient un nommé Jean Bureau dudit lieu.

Et toutes lesquelles choses dessus déclarées et chacune d'elles ledit prieur et ses prédécesseurs ont tenu le temps passé, en franche aumône, a cause dudit prieuré, et de tel et si long temps qu'il n'est mémoire du contraire, et en ont joui pleinement et paisiblement sans ce (sic) que lesdites choses ni aucunes d'elles aient été par lui ni autres prieurs dès avant lui acquises, ni aussi données ni léguées par aucun à ladite église et prieuré de Trizay depuis le temps de soixante ans en ça, ni de long temps auparavant, pour ce que à nous, lesdits commissaires de par le roi notre dit seigneur sur le fait des francs fiefs et nouveaux acquêts es pays de Saintonge, ville et gouvernement de la Rochelle, ledit prieur de Trizay a montré et produit certaines lettres d'amortissement de l'an mil cc lxvii et qu'il a affirmé par serment les choses dessus déclarées être et appartenir d'ancienneté audit prieuré de Trizay, (en partie effacé) qu'il a renoncé a tous nouveaux acquêts faits depuis soixante ans en ça et non amortis, avons envoyé sans payer finance et mis hors de cour et de procès. Et ... son dit temporel avait pour cette cause été saisi et mis à la main du roi notre seigneur, nous lui en avons mis et par ces présentes mettons à pleine délivrance, sauf le droit du roi notre seigneur et tout autrui.

Fait en Marennes (89), sous nos sceaux et seing manuel du greffier, en notre commission, le xxvie jour de septembre l'an mil cccc soixante.

                                                                                                             Tetard paraphe

Notes chronologiques

 

Ces notes sont, pour l’essentiel, des extraits de l’exposé qui précède. Elles présentent les faits sous une forme concise, plus accessible au chercheur, mais sans les références, celles-ci figurant déjà dans l’exposé. D’autre part, elles comprennent des explications de quelques termes, à l’intention d’éventuels lecteurs non avertis.

Fin 1043 : Robert de Turlande, d'une famille d'Auvergne, prend possession d'un lieu désert, sur les plateaux froids et boisés du Livradois (Haute-Loire), à plus de mille mètres d'altitude. Il y édifie un monastère.

1050 : L'évêque de Clermont approuve les réalisations de Robert de Turlande et accorde sa protection au nouvel établissement qui sera connu sous le nom de la Chaise-Dieu, c'est-à-dire " la maison de Dieu ".

Vers 1075 : le comte de Poitiers Guy-Geoffroy donne à Durand, abbé de la Chaise-Dieu, une église dédiée à Sainte-Gemme, avec des terres cultivables, dans une clairière de la forêt de Baconnais, afin de fonder un établissement. C'est l'origine du prieuré conventuel de Sainte-Gemme, qui fut la plus importante dépendance de la Chaise-Dieu dans le diocèse de Saintes.

1177 : Le pape Alexandre III confirme les possessions de la Chaise-Dieu ; parmi ces possessions il désigne Trizay. C’est la première mention connue de cette dépendance de l’abbaye.

Vers 1181 : Arrive à Saint-Jean-l’Evangéliste de Trizay, après un long périple, en venant de Sainte-Gemme, le porteur d’un parchemin qui annonce le décès de Bertrand de Baux, bienfaiteur de l’abbaye de Silvacane, en Provence (décédé en 1181).

1226 : Hugues de Tonnay, seigneur de Tonnay-Charente, cède à l’abbé de la Chaise-Dieu la présentation du prieur de Trizay ; autrement dit il renonce à intervenir dans la désignation du prieur qui sera faite par l’abbé seul. Par le même acte, il concède au prieuré le droit de prélever du bois de chauffage dans son bois du Chizé.

1232 : le même Hugues de Tonnay accorde au prieuré et aux habitants de plusieurs paroisses (Saint-Hippolyte de Biard, Saint-Vivien de la Vallée, Monthérault, Echillais, Saint-Étienne de Tonnay, Saint-Clément et Saint-Hippolyte de Tonnay) un droit d'exploit dans un marais appelé la Fuble, sur l'Arnoult, et dans des terres incultes de la paroisse de Saint-Hippolyte. Ce droit n’est pas plus précisément connu. Le prieur est alors Guillaume de Saint-Astier.

Sans date : Geoffroy de Tonnay, seigneur de Tonnay, frère du précédent, concède au prieur un droit de chasse pour les oiseaux et " toutes sortes de bêtes ", dans les garennes de Saint-Hippolyte et de Monthérault. Les garennes sont des espaces réservés par le seigneur pour la chasse.

16 juillet 1240 : Le porteur d’un parchemin signalant un décès relatif à l’abbaye de Soulignac, en Limousin, est à " Saint Jean de Trizay ".

1273 : Partage entre les héritiers d’un autre Geoffroy de Tonnay, seigneur de Tonnay-Charente et autres châteaux. On constitue sept parts. La paroisse de Trizay est incluse dans la châtellenie des Fontaines de Beurlay, érigée pour constituer une des sept parts.

1300 : Guy de Rochechouart, seigneur de Tonnay-Charente, petit-fils de Geoffroy de Tonnay (ci-dessus année 1273), fait un compromis avec le prieur de Trizay et les habitants des paroisses désignées en 1232, au sujet des droits accordés par ses prédécesseurs, Hugues et Geoffroy de Tonnay. A l’examen des actes, il reconnaît les droits du prieuré et des gens des paroisses, en retenant cependant pour lui la pêche dans les eaux de l’Arnoult qui arrosent le marais de la Fuble et quinze brasses de chaque côté de l’Arnoult, et en leur demandant une aide pour les frais qu’il doit engager pour participer à une guerre en Flandre. Les intéressés lui accordent deux cents livres " de bonne monnaie courante ".

Avril 1302 : Lors du chapitre général tenu à l’abbaye de la Chaise-Dieu, l'abbé Aymon doit faire face à une véritable conjuration contre son pouvoir, menée par deux prieurs, dont celui de Trizay, Bertrand de Bisturre, docteur en droit canon. De nouveaux statuts sont alors élaborés, qui limitent les prérogatives des abbés. Ils sont entérinés à Rome, dans la basilique Saint-Jean du Latran, le 5 février 1303, en présence de l'abbé et des prieurs contestataires désignés comme procureurs du chapitre. L'article 18 stipule que de nouvelles contributions ne pourront être demandées aux prieurés qu'avec l'assentiment d'un conseil composé de quatre religieux de l'abbaye et de six prieurs représentant les différentes régions. Parmi les six prieurs figurera celui de Sainte-Gemme ou celui de Trizay.

3 juillet 1313 : par testament, Guy de Rochechouart [celui de 1300] élit sa sépulture dans le prieuré de Trizay, auprès de son père Aimeri de Rochechouart.

1372 : Aveu fait au roi par Louis de Rochechouart, seigneur de Tonnay-Charente et des Fontaines de Beurlay. Il mentionne " le prieur de Saint Jean de Trizay " parmi les gens d'église qui tiennent des choses de lui, en franche aumône. Le prieur ne doit rien d'autre au seigneur que la fidélité.

XIVe siècle : L'abbé de la Chaise-Dieu perçoit des " procurations ", redevances destinées à couvrir les frais de ses visites aux membres dépendants, qui sont fixées à quatre livres par prieuré. Cependant les gros prieurés sont inscrits pour plusieurs procurations : Sainte-Gemme pour cinq, Trizay pour deux. Le diocèse de Saintes paie en tout quinze procurations. A la même époque, Trizay doit trente sous par an au chambrier de l'abbaye.

26 septembre 1460 : Le prieur de Trizay, frère Tartarin, baille une déclaration du temporel du prieuré aux commissaires royaux chargés de contrôler le paiement des droits sur les nouveaux acquêts. Le religieux affirme que le prieuré n’a rien acquis dans les soixante dernières années, ce qui n’est pas étonnant, la " guerre de cent ans " étant à peine terminée. L’acte permet de constater que la seigneurie du prieuré s’étend sur toute la paroisse de Trizay, à l’exception toutefois du fief de Chambon, au sud, et que le prieur dispose de toute justice, haute, moyenne et basse, dans sa seigneurie de Trizay.

Le prieur doit donc entretenir une cour de justice, dont nous ignorons la composition, et le prieuré doit avoir une prison.

XVIe siècle :

Les prieurs sont des " commendataires ". Le régime de la " commende " permet à des ecclésiastiques qui ne sont pas moines, voire à des laïcs, d’être nommés abbés ou prieurs par le pape, sur présentation royale. Ces abbés ou prieurs commendataires jouissent des revenus de l’abbaye ou du prieuré sans être soumis à l’obligation de résidence. Ils cumulent d’ailleurs souvent les " bénéfices ". Ils doivent gérer le temporel de leur établissement et payer des pensions aux moines résidants.

Quand un prieur résigne [c’est-à-dire abandonne] son office de prieur, il peut désigner un successeur, qui est généralement admis par le roi et le pape. Cette pratique favorise le népotisme : des prieurs ecclésiastiques résignent en faveur de neveux ou de cousins. Ce népotisme s’observe au XVIe siècle dans la famille des Goumard, seigneurs d’Echillais et d’Ardillières.

C’est ainsi qu’en janvier 1520, le prieur est Charles Goumard, frère du seigneur d’Echillais, qui est en même temps archidiacre d'Aunis et prieur de Soubise. En 1519 il a acquis par échange, à titre personnel, le fief de Chambon, dans la paroisse de Trizay. Il fait son testament le 20 septembre 1531 et est inhumé dans la cathédrale de Saintes, dans la " chapelle des Goumard " qu’il a édifiée en 1530. Son neveu Charles Goumard, fils de François, seigneur d’Ardillières, lui succède. A ce Charles succède son neveu Antoine Goumard, qui est en charge en 1561. On identifie ensuite un Jean Goumard, cousin d’Antoine.

1585 : Les soldats de la Ligue (catholique) installent " à Trizay " une garnison qui évacue la place l'année suivante, devant les succès de l'armée du comte de Laval (protestant). Il ne peut guère s'agir que du prieuré, transformé en place forte pour la circonstance. En quel état les soldats ont-ils laissé le prieuré ? On sait qu’il est d’usage de détruire un lieu fortifié abandonné pour que l’ennemi ne puisse l’utiliser.

1638 : Le prieur commendataire est Pierre Maurisse, qui est en même temps abbé de Masdion. Il n’y a plus qu’un moine au prieuré, le sacriste, frère Henri Eschassériau. Un procès entre les deux hommes met en évidence une situation inextricable. Le premier refuse de verser la pension du second pour cause de non résidence et non exercice de sa charge; le second demande au premier de lui assurer un logement et du mobilier au prieuré, afin de pouvoir y résider et y officier. D'après une sommation de Maurisse à Eschasseriau en date du 5 février 1638, ce dernier dispose de deux anciennes chambres des religieux, avec cheminée, dont il s'est contenté pendant cinq ou six ans, mais il réside à Saintes et a fait transporter les meubles du prieuré afin d'en obtenir d'autres. Le curé de la paroisse est alors le seul à officier dans l’église.

16 juin 1692 : Il n’y a encore qu’un moine résidant, le sacriste Arnaud de Longueval, prêtre et religieux profès de l'ordre de Saint-Benoît. A cette date celui-ci fait une déclaration de ses revenus. Il déclare que la pension de l'office de sacriste a été réglée par arrêt du parlement à 350 livres par an, payables par quartiers (trimestres) par le prieur, sur laquelle il a payé le don du roi et 6 livres de décimes ordinaires imposés depuis la dernière taxe, et avec laquelle il achète le luminaire, le pain et le vin nécessaires pour la célébration des messes.

Il a une chambre, deux cabinets et une cave, " le tout dans un méchant air " qui l'oblige à louer une maison de paysan où il demeure depuis quelques années, à raison de 10 livres par an; de plus il a été obligé de " faire une écurie à ses frais et dépens " et il a employé 10 pistoles pour rendre la maison habitable. Il dispose d'un jardin d'environ 3 carreaux (moins de 100 m2), confrontant à l'est au jardin du prieuré, au sud à l'église et des deux autres côtés aux cimetières du prieuré. Il jouit aussi d'une motte d'environ 6 ou 7 carreaux, confrontant à l'est au bois du prieur, au sud à la motte du prieuré et des deux autres côtés aux marais du dit prieuré.

19 juillet 1692 : A son tour le prieur commendataire fait une déclaration de ses revenus. C’est un prêtre, Henri de Chauvel, qui réside probablement à Paris. Toujours est-il que, ce 19 juillet 1692, c'est un " praticien de Trizay ", Cosme Giraudot, qui, en qualité de procureur, fait devant notaire une déclaration au nom du prieur " de présent en la ville de Paris ". Cette déclaration met en évidence l'état de délabrement du prieuré et donne une idée assez précise du temporel.

De " vieux bâtiments ", partiellement ruinés, sont occupés partie par le prieur, partie par le sacriste, partie par le curé de Trizay, partie par des fermiers. En annexes sont une basse-cour avec aire à battre le grain, une fuie, une motte, un jardin renfermé de murs en pierres sèches, un autre jardin " entre deux ". Tous ces éléments, contigus, représentent 6 journaux environ (moins de 2 hectares).

Le revenu total du prieuré est estimé par le déclarant à 1960 livres, somme sur laquelle le prieur doit payer annuellement 350 livres au sacriste, 300 livres au curé, 250 livres pour les décimes ordinaires.

Les " fermiers " sont des gens d’affaires auxquels le prieur, éloigné le plus souvent, baille à ferme les revenus du prieuré.

1698 : Le prieur commendataire est François-Louis de Polastron, évêque de Lectoure.

1712 : Il n'y a toujours qu'un régulier, Charles David, prêtre, religieux profès de l'ordre de Saint-Benoît, qui se dit sacristain et prieur claustral dans une lettre adressée à un ministre non désigné, datée de Rochefort, 9 juin 1712. Il réside à Tonnay-Charente parce que son logement au prieuré n'est pas habitable. Depuis le 15 juillet 1711, date de prise de possession de sa charge, il n'a pu obtenir la moindre réparation du prieur commendataire, Olivier-François de Fourcy, abbé de Saint-Ambroise et chanoine de l'église de Paris. De plus ce dernier refusait de lui verser sa pension pour cause de non résidence au prieuré et il a dû recourir à la justice pour l'obtenir. Pourtant, affirme-t-il, " il y a assez de revenus pour y entretenir trois religieux comme on faisait autrefois, et la cherté des blés et du vin l'a fait monter ces quatre dernières années deux fois plus haut qu'il n'était avant l'an 1709 ".

Il signale que la salle capitulaire sert d'écurie où on donne le foin aux chevaux sur l'autel, et de " toit à de sales animaux " qu'il n'ose nommer, par déférence pour le destinataire, alors que, " par tradition, on croit que les corps de plusieurs saints religieux qui ont animé cette maison sont inhumés " dans cette salle. Il fait aussi savoir au ministre que le prieur fait abattre à son profit une grande quantité de bois dans la forêt du domaine et qu'il a obtenu de la maîtrise de Rochefort le marquage de nombreux arbres vifs présentés comme morts des suites de l'hiver de 1709. Il craint la destruction de cette forêt où il a un droit de chauffage.

Des cultivateurs sont donc installés dans le prieuré.

1760 : Le prieur Joseph-François de Malide, prêtre du diocèse de Paris et grand vicaire du diocèse de Laon, fait dresser un état des lieux. Le procès-verbal qui consigne les observations faites les 11, 12 et 13 mars de cette année, mentionne que " l’ancienne grande église, ruinée depuis longtemps, a gardé ses quatre murs, sa porte d’entrée, le clocher et une vieille cloche ", que " les lierres accrus sur les murs qui renferment le cloître du côté de la cour, joignant l'appartement du sacriste, couvrent toute la partie dudit mur et montent sur le toit de la couverture, qu'il est nécessaire de couper et enlever les lierres, crépir et griffonner pour en éviter la ruine ". Le réfectoire est converti en grenier, les prisons sont abandonnées depuis longtemps. Il est aussi question d’un " portail voûté ".

A cette époque, l’église est donc réduite à ce qui en demeure aujourd’hui.

1888 : La Commission des Arts et monuments historiques de la Charente-Inférieure fait une excursion à Trizay. Dans un rapport sur cette excursion, Charles Dangibeaud signale que le propriétaire, un monsieur Vivien, a dit que, " il y a une dizaine d’années, deux tombeaux sculptés, aujourd’hui perdus, furent découverts dans le sol  de cette salle " (la salle capitulaire). Le réfectoire est converti en pressoir et " brûlerie ". Dangibeaud identifie dans un des écussons du réfectoire " les dix fasces ondées d’argent et de gueules des Rochechouart ".

 Le nombre des moines à haute époque :

Gaussin signale 12 religieux, mais sans date, dans sa thèse sur l’abbaye de la Chaise-Dieu ; Dangibeaud 13 religieux de fondation, d’après un pouillé en sa possession.

Notes

 

(1) Pierre-Roger Gaussin, L'abbaye de la Chaise-Dieu (1043-1518), Paris, Cujas, 1962. Les indications qui ne comportent pas de référence sont extraites de cet ouvrage.

(2) Ibid., p. 159, note 239.

(3) Ibid., p. 183.

(4) Charles Dangibeaud, " Rapport sur l'excursion de 1888 ", dans Recueil de la Commission des arts et monuments historiques de la Charente-Inférieure, tome X, p. 21.

(5) Le Chafer : erreur probable de lecture, pour Chasec. Il doit s’agir du bois du Chizé, dans la paroisse de Monthérault, au nord et en limite de la seigneurie du prieuré. Geoffroy de Tonnay avait autrefois donné un droit d’usage dans ce bois à l’abbaye de Tonnay-Charente.

(6) Gallia Christiana, tome II, 1073 D-E.

(7) Saint-Hippolyte de Biard, Saint-Vivien de la Vallée, Monthérault, Echillais, Saint-Étienne de Tonnay, Saint-Clément et Saint-Hippolyte de Tonnay.

(8) Gallia Christiana., tome II, 1088; analyse de la confirmation de l’acte par Pierre, doyen de Saintes, en 1257, et Brodut, op . cit. ci-dessous, pp. 123-125.

(9) Abbé Brodut, Tonnay-Charente et le canton, tome 1, Rochefort, 1901, pp. 123-125.

(10) Général comte de Rochechouart, Histoire de la maison de Rochechouart, tome II, 1859, p. 296, d'après Archives de la vicomté de Rochechouart, carton Testaments.

(11) Ibid., p. 140.

(12) Léopold Delisle, Rouleaux des morts du IXe siècle au XVe siècle, p. 390.

(13) Revue Saintonge et Aunis, tome II, 1880, p. 118.

(14) Les Granges, village, Saint-Hippolyte.

(15) Puy-Jarreau, village, Tonnay-Charente.

(16) Champservé, deux villages, Tonnay-Charente.

(17) La Coudre, Tonnay-Charente.

(18) La Noue, village, Tonnay-Charente nord-est.

(19) Le Petit-Breuil, Tonnay-Charente.

(20) Le Tail, deux hameaux, Tonnay-Charente nord et nord-est.

(21) D. Massiou, Histoire de la Saintonge et de l'Aunis, deuxième édition, tome III, Saintes, 1846, p. 421.

(22) Barbotin, Echillais et ses seigneurs, Saintes, 1933, p. 91 note 1; date non indiquée mais antérieure à octobre 1591.

(23) D'après D. Massiou, op. cit., tome V, p. 46 et 56, qui se réfère à D'Aubigné, Histoire Universelle, tome III, livre I, chap. 1 et 3.

(24) Archives Historiques de la Saintonge et de l'Aunis, tome XLIII, 1912, p. 266-267.

(25) Les revenus du prieuré sont affermés par le prieur.

(26) Marais rouchis : envahis par les roseaux.

(27) En gâts : non entretenu.

(28) Marais gâts : non exploités.

(29) Archives Historiques de la Saintonge et de l'Aunis, tome XXXV, 1905, p. 222-229.

(30) Ibid., tome XLV, 1914, p.275.

(31) Ibid., tome XXXV, 1905, p. 249.

(32) Ibid., tome XLV, 1914, p. 276.

(33) Archives Historiques Saintonge et Aunis, tome II, p. 128 et note 3.

(34) André Baudrit, " Le prieuré de Trizay à son déclin ", dans Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort, 2e série, tome I, n° 6, p. 169-175.

(35) Charles Dangibeaud, " Rapport sur l'excursion de 1888 ", dans Recueil de la Commission des arts et monuments historiques de la Charente-Inférieure, tome X, p. 24.

(36) Photocopie remise par Olivier Oberson d'un original 59 cm x 41 cm des archives départementales de Haute-Loire, H 237. Quelques pliures; des collages nécessités par les dimensions du document. Langue et graphie modernisées.

(37) Chambon, hameau, Trizay sud.

(38) Chizé, maison, Trizay ouest.

(39) La Bergerie, village, La Vallée.

(40) Il s'agit de la châtellenie des Fontaines de Beurlay.

(41) Pont-l'Abbé-d'Arnoult.

(42) Les communaux de l'ancienne paroisse de Saint-Thomas du Bois.

(43) La terre de la paroisse de Champagne qui appartient au roi.

(44) Le prieuré de Montierneuf, en la paroisse de Saint-Agnant.

(45) Les Granges, village, Saint-Hippolyte ouest.

(46) Aujourd'hui commune de Saint-Hippolyte.

(47) Prée : prairie.

(48) Biard, hameau, Saint-Hippolyte. Cette terre de Biard est celle du fief du même nom.

(49) Nom disparu mais connu par divers documents.

(50) Les Gillardières, village, Saint-Hippolyte.

(51) Chemin empierré dans le marais, représenté actuellement par la R.N 137; à son extrémité sud est le village appelé le Perré.

(52) La Maçonnerie, village, Saint-Hippolyte nord-ouest.

(53) Cours d'eau plus ou moins canalisé.

(54) Pré appartenant au seigneur de Forges, paroisse de Tonnay-Charente.

(55) Rhône, hameau, Saint-Hippolyte. C'est une île de marais.

(56) La Bridoire, maison, Saint-Hippolyte nord-ouest.

(57) Les Hospitaliers de la Rochelle possèdent une seigneurie dans l'île de Rhône, constituée essentiellement de prés.

(58) Pré rouchoux : couvert de " rouches " (carex) parce que marécageux.

(59) La Fragnée, maison, Saint-Hippolyte.

(60) La Bergerie, siège de châtellenie, la Vallée.

(61)La Baudrière, maison, Saint-Hippolyte.

(62) Puy-Jarreau, village, Tonnay-Charente.

(63) Romegoux, canton de Saint-Porchaire.

(64) Geay, canton de Saint-Porchaire.

(65) Romette, siège de fief, à Saint-Porchaire.

(66)Fontdouce, abbaye bénédictine, Saint-Bris-des-Bois, canton de Burie, Charente-Maritime.

(67) La Vallée, canton de Saint-Porchaire.

(68) Port-la-Pierre, Bords.

(69) Argot : terme obscur qu'on rencontre dans plusieurs documents relatifs aux marais de la basse Charente.

(70) Echillais, canton de Saint-Agnant.

(71) Martrou, village, Echillais.

(72) Soubise, chef-lieu de canton.

(73) Champservé, deux villages, Tonnay-Charente.

(74) La Coudre, Tonnay-Charente.

(75) Ile d'Albe, Muron.

(76) La Fiement, village, Tonnay-Charente.

(77) La Bosselière, hameau, Tonnay-Charente.

(78) Le seigneur du Parc d'Archiac, à Tonnay-Charente.

(79) Le Petit-Breuil, Tonnay-Charente.

(80) La Noue, village, Tonnay-Charente.

(81) La Marcadière, hameau, Tonnay-Charente.

(82) Boussiou : terme inconnu, peut-être le même que boissiou, qui figure comme équivalent de argot dans un acte d'un seigneur de Tonnay-Charente daté de 1311, publié par l'abbé Brodut dans Tonnay-Charente et le canton, tome 1, p. 126.

(83) Le Tail, deux hameaux, Tonnay-Charente.

(84) Chartres, ancien fief, Rochefort.

(85)La Perrière, quartier de Tonnay-Charente.

(86) Marans, chef-lieu de canton, Charente-Maritime.

(87) Lafond, la Rochelle nord.

(88) Saint-Just-Luzac, canton de Marennes.

(89) Peut-être au bourg de Salles, aujourd’hui Marennes.