Comptes rendus

 

Rochefort charte architecturale - Dictionnaire biographique des Charentais

 

L’Alambic des Charentes, de François Julien-Labruyère

La Société de Géographie de Rochefort dans le livre

Page 110 : " Dans le reste du pays charentais, une véritable renaissance se déploie, non pas dans le sillage d’Angoulême mais à son exemple. Elle concerne tout d’abord les quatre vieilles d’Aunis et de Saintonge, Sciences Naturelles de La Rochelle, Géographie de Rochefort, Archives et Archéologie de Saintes ".

C’est inexact. On ne voit pas ce qu’il y a de commun entre Angoulême et la Rochelle. Quant aux associations historiques de Charente-Maritime, elles ne sont en contact avec Angoulême qu’à l’occasion des congrès régionaux et pour les échanges de bulletins, et Angoulême n’est pas pour elles un exemple. Elles ne cherchent pas à l’imiter.

Même page : " En janvier 1949, il [Bruneteau] lance un bulletin de seize pages ".

Ce fascicule porte le nom de Bruneteau parce que Bruneteau est secrétaire général. En fait, il a été préparé par Massonneau, professeur d’histoire au lycée, qui a bientôt quitté Rochefort, et il ne s’est trouvé personne pour prendre la suite. Ce n’était d’ailleurs pas une perte pour la science, car c’était un organe de liaison sans prétention.

Page 111 : " ... il [toujours Bruneteau] s’assure du soutien de quelques professeurs du lycée qui siègent en section d’archéologie dans le nouvel ensemble. En 1958 repart donc un attelage hétéroclite sous le nom de Société de Géographie de Rochefort... Très vite, la section d’archéologie phagocyte le bulletin. Animée par un petit groupe de véritables érudits, elle seule en effet se montre capable de fournir un contenu de qualité au bulletin ".

L’entrée en scène de " quelques professeurs " n’est pas due à l’initiative de Bruneteau mais à la leur. C’est Robert Fontaine, alors secrétaire, qui a sollicité Bruneteau - et Puyfoulloux, le président - pour créer une " section archéologie " de la Société de Géographie, pas en 1958 mais en 1957. Duguet voulait fonder une société archéologique et historique car la Société de Géographie se définissait alors comme une association " d’éducation populaire ", qui  organisait des conférences grand public, avec des " sections " d’initiation au cinéma, à la musique... Mais il s’est rangé à l’opinion de Fontaine, qui penchait pour un rattachement à la vieille société locale. C’est Duguet qui a présenté les buts de la " section archéologique", à la rentrée scolaire de 1957, lors d’une réunion au parloir du lycée Pierre Loti, sous la présidence de Puyffoulloux. Il était assuré du soutien et de la collaboration de ses collègues Fontaine, Machenaud, Tardy, Lesbats... et de Gabet, beau-père de Fontaine. Ce jour-là, les enseignants ont fait la connaissance de Bitaubé.

" Attelage hétéroclite " ; c’est exact et la vie de la société en a été marquée pendant plusieurs années. David, maître d’école formé par la Troisième, venu peu après la fondation, n'aimait guère les soldats [colonel Puyfoulloux, président] et les curés [Vinceneux, trésorier, père de l’aumônier du lycée]. De plus, Bitaubé a bientôt éprouvé le désir d’avoir son propre bulletin, " le dissident Roccafortis ", au grand déplaisir de Gabet qui n’a jamais confié un article à cette publication.

La section d’archéologie n’a pas à phagocyter le bulletin de la société, qui n’est plus qu’un souvenir. Elle ne s’inspire en rien des publications précédentes et conçoit un nouveau bulletin, malgré le scepticisme de Puyfoulloux, de Vinceneux et de quelques autres, qui ignorent parfaitement ce qu’est une société savante. Bien que la dernière page comporte la mention " Le gérant Bruneteau ", c’est Duguet, qui est à l’origine de l’entreprise, qui conçoit la publication, sollicite les collègues pour avoir des articles, recueille les textes, compose les fascicules et se charge des rapports avec l’imprimeur Ogier, son ancien voisin du temps où il était célibataire. Ogier, qui n’est pas équipé pour sortir un bulletin, envoie les " manuscrits " à Niort, chez un façonnier, qui coule le plomb à la linotype. Il se limite à la composition et au tirage à plat, sur une bécane destinée aux prospectus et aux lettres à en-tête.

Quant aux animateurs, ce ne sont pas encore de " véritables érudits " mais certains le deviendront, d’ailleurs pour une bonne part grâce à ce bulletin, qui les encourage à travailler. La qualité du bulletin est toute relative, du moins au début. Chacun fait ce qu’il peut, sans grande prétention, par ailleurs bien conscient de son inexpérience et de ses limites.

Même page : " Robert Fontaine... rédige consciencieusement le bulletin encore dactylographié ". On ne rédige pas un bulletin ; on le compose, avec des articles dont la rédaction est l’affaire des auteurs. Le bulletin de la Société a toujours été imprimé. Robert Fontaine rédige en effet, et très consciencieusement, mais des comptes rendus d’activité et des éditoriaux, en qualité de secrétaire de l’association, et Duguet compose le bulletin, en parfaite entente avec Fontaine et avec Gabet.

Même page : " Jacques Duguet enfin recrée le tissu complexe qui liait autrefois les parages aux parentèles dans ces seigneuries des confins maraichins ". Jolie phrase mais peu claire.

Même page : " Rochefort ne s’illusionne plus, on a remisé les parures, avec la guerre d’Algérie, et la colonisation touche à sa fin... Il s’agit maintenant de se retremper aux origines et aux réalités. Et quand, en 1966, le conseil municipal demande à la Société de géographie de fêter par un livre le tricentenaire de la fondation de la ville, c’est très naturellement l’équipe dite d’archéologie qui s’empare du projet et le mène à bien, c’est surtout l’occasion pour elle de resituer l’histoire de Rochefort en la dépoussiérant de ses postiches lotiniens ".

" Rochefort ne s’illusionne plus ". Ce qui est certain c’est que des Rochefortais, anciens coloniaux, conservent pieusement des objets rapportés de leurs séjours aux colonies et aiment évoquer leurs souvenirs du " bon vieux temps ". Ainsi, aussitôt après la fondation de la " section ", Duguet a été invité par un ancien administrateur des colonies qui n’avait pas compris ses intentions, pour lui montrer sa collection personnelle d’objets et évoquer ses souvenirs. La Société de Géographie elle-même possède alors de tels objets, dans sa bibliothèque, au 37 rue de la République, qui ont d’ailleurs disparu depuis.

" Il s’agit maintenant de se retremper aux origines et aux réalités ". Une société savante n’a pas pour objectif d’entretenir des illusions ; elle se doit même de se tenir à l’écart des mouvements, politiques ou autres. Ceux qui fouillent le sol et les archives ne pensent pas à la guerre d’Algérie et à la colonisation. C’est si vrai au sujet de la colonisation qu’il n’accordent aucun intérêt à la riche bibliothèque bourrée de documents de l’époque coloniale. Chacun traite les sujets qui lui plaisent : Gabet la préhistoire, Tardy l’île de Ré...

Le conseil municipal n’a rien demandé à la société, à l’occasion du tricentenaire de la fondation de l’arsenal. Aurait-il même pensé à une publication ? C’est au cours d’une des réunions hebdomadaires de la " section " que Duguet a lancé l’idée de publier un volume de " mélanges " historiques. Il ne s’agissait en rien de "resituer l’histoire de Rochefort en la dépoussiérant de ses postiches lotiniens". Duguet se souciait de Loti comme de sa première brassière. D’ailleurs Loti n’était pas en vogue à cette époque et on ne parlait guère de lui que quand les étudiants de l’école préparatoire à médecine navale barbouillaient copieusement sa statue de goudron et la décoraient de brassées de plumes. En fait, la célébration du tricentenaire était une occasion pour étudier quelques aspects du passé de Rochefort. Pour cette publication ont été sollicités Marcel Delafosse, archiviste départemental, et le chanoine Tonnellier, qui n’étaient pas membres de la société. Comme les sous manquaient pour sortir le livre, Bitaubé a manoeuvré habilement pour intéresser le conseil municipal qui a décidé de financer. Dans l’esprit du maire Gaury, l’ouvrage devait servir de cadeau offert aux visiteurs de marque. C’est ce qui explique sa présentation, d’un luxe inhabituel aux sociétés savantes, et, aussi, d’un goût douteux. Voir le rouge sang de bœuf de la couverture. Les autres associations et les érudits ne s’y sont pas trompés. François Villard, archiviste départemental de la Vienne, parlait à Duguet, avec un sourire significatif, de " livre de prestige ".

Même page : " De 1960 à 1966, la section d’archéologie lance son propre bulletin, le dissident Roccafortis. En 1967 reparaît le bulletin officiel, imprimé cette fois et tenu par l’équipe de l’ex-Roccafortis. En 1972 enfin, toujours avec la même équipe mais avec un rôle accru à Duguet, le bulletin officiel poursuit son chemin hésitant, il revient à une composition dactylographique et reprend le nom de Roccafortis... Gabet donnait du contenu historique à la société (bulletin, chantiers archéologiques, musée de la Vieille paroisse)... ".

En 1967, le " bulletin officiel " est imprimé, comme auparavant, mais sous le nom de l’ancien bulletin ronéo, Roccafortis, et tenu par Bitaubé, ceci après une orageuse réunion, dans la salle de travail des ouvrières, chez Gabet qui ne rigolait pas car il n’appréciait pas les initiatives de Bitaubé qui risquaient de dissocier l’équipe des animateurs. Duguet, qui en avait assez du désordre, préférait alors s’occuper d’autre chose. Bitaubé ne s’est d’ailleurs pas occupé longtemps du nouveau Roccafortis. Comme il faisait traîner, Gabet a demandé à Duguet de le prendre en mains, ce qu’a fait Duguet, tout en conservant la mention " Rédaction et illustrations P. Bitaubé - P. Tardy", jusqu’au dernier fascicule du tome II, en 1971. En 1972, l’imprimeur Lafond ne donnant pas satisfaction, Duguet s’est adressé à Lahetjuzan, à la Rochelle, avec l’accord de Gabet ; Lahetjuzan a ainsi a imprimé le tome III. Quant au rôle de Duguet dans la parution du bulletin, il est nul en 1967. Pour le reste, il est essentiel depuis l’origine.

Le rôle de Gabet est exagéré, non seulement pour le bulletin mais pour les chantiers et le musée. Certes Gabet saisit toute occasion de demander des articles, lors des congrès et autres réunions, et sa volonté permet à l’association de survivre aux conflits successifs. Cependant Tardy, aussi modeste que sérieux dans son travail, est aussi un des piliers du bulletin. Sur les " chantiers archéologiques ", Gabet est largement soutenu par Fontaine, qui transporte ses élèves à Pépiron, le dimanche après-midi et qui l’aide à nettoyer et à classer, et par David qui ne rate pas une journée de fouille. Après le départ de Fontaine, devenu chef d’établissement, David est à peu près le seul à mesurer, dresser des plans, prendre des photos ; il accompagne constamment Gabet sur le terrain, quand des découvertes sont signalées ici ou là. Quant au musée, il est pour une grande part l’œuvre de David, qui nettoie, colle, classe, et surtout prépare des panneaux appréciés des instituteurs qui font visiter le musée à leurs élèves, range les pièces non exposées dans de nombreuses caisses numérotées aujourd’hui très utiles aux spécialistes. C’est lui aussi qui aménage des rayonnages pour la bibliothèque. Par contre, les publications signées " David et Gabet " sont rédigées par Gabet seul, David étant illustrateur. Ce duo Gabet-David, composé d’un homme de contact et d’un bougon redouté des services municipaux, est d’ailleurs plutôt surprenant. Rien ne prédestinait ces deux individualités si différentes à collaborer, si ce n’est leur passion commune pour l’archéologie. David n'aimait pas le Rotary, où Gabet se plaisait comme un poisson dans l’eau. Un détail : c’est David qui a tapé le manuscrit de Gabet sur l’histoire de Rochefort sous Louis XIV, avec la machine de Gabet, jusqu’au jour où, à la suite d’un refroidissement, David s’étant arrêté, Gabet est venu récupérer sa machine. Gabet a dû payer une dactylo pour terminer la frappe.

Page 112 : " Rochefort n’est plus aujourd’hui qu’une petite société d’une centaine de membres ayant toutes les difficultés du monde à maintenir la régularité de ses manifestations ".

Ceci est publié en 1989. L’association vient alors de renaître en effet, grâce aux efforts de Gabet et de David pour trouver des gens pour les remplacer, Bitaubé, président, étant défaillant. Alors qu’il était convalescent, à la clinique Pujos, Gabet avait fait venir Duguet pour lui demander s’il voyait un inconvénient à solliciter " ses amis du Rotary " pour relancer la société. Il avait bien cherché quelqu’un mais n’avait pas trouvé. Finalement, c’est un des anciens contestataires de l’affaire de Pépiron, Philippe Duprat, qui, avec l’aide de Claude Landraud, propriétaire du terrain des Chapelles que son père avait aimablement permis de fouiller, a relancé la société. La préoccupation du nouveau conseil d’administration n’était pas la régularité de " manifestations " mais la reprise des activités de recherche, soutenue par une publication régulière, selon la démarche habituelle des sociétés savantes.

Ces observations mettent en évidence le risque d'erreurs quand on cherche à faire l'histoire d'une association uniquement à l'aide du contenu des bulletins. Il est bien connu que ces derniers ne mettent pas en évidence les conflits de personnes et les difficultés de gestion.  

Rochefort, charte architecturale

Publication sans nom d'auteur et sans date (1998) ; 138 pages, grand format.

Cette brochure cherche à définir les caractéristiques architecturales de Rochefort, pour en assurer autant que possible la pérennité, lors des adaptations des constructions aux exigences de la vie actuelle et dans la perspective d'une extension urbaine continue. L'ouvrage, d'une documentation très riche, fourmille de photos en couleurs d'excellente qualité, de dessins et de plans divers non moins soignés, accompagnés de textes explicatifs. On apprécie en particulier de nombreuses vues aériennes, qui mettent en évidence un aspect de la construction traditionnelle, l'usage de la tuile courbe, qui situe bien Rochefort comme une ville du sud de la Loire. L'éclat de cette tuile rouge contribue d'ailleurs à l'agrément du paysage, sous un ciel à la luminosité intense.

Les personnes très anciennement implantées à Rochefort auraient aimé retrouver les "échoppes" du faubourg et les "villages" à "queureux", qui sont appelés respectivement "maisons à trois trames" et "hameaux agricoles", mais elles ne sont, il est vrai, qu'une minorité. Ce qui frappe le lecteur tant soit peu au courant du passé local, c'est que Rochefort est présenté comme un " lieu malsain, désagréable et stérile" et une "petite seigneurie" avant 1666 et un "grand arsenal " et une "Ville", avec majuscule, après cette date. Une telle vision, simpliste et en partie erronée, est très regrettable, car elle est incluse dans un ouvrage de grande diffusion. C'est faire fi d'une longue et lente évolution, en d'autres termes bafouer l'histoire.

"Lieu malsain", certes. Il est vrai que les marais sont des causes de fièvres, mais la fondation de la ville n'a rien changé en ce domaine et le problème de la salubrité n'a été résolu que fort tard. Ces marais sont aussi une richesse, car ils permettent l'élevage ; ce n'est pas par hasard que les villages se sont établis à proximité immédiate. Quant aux terres hautes, si l'on peut dire, car elles ne dominent que peu les marais, elles ne sont pas stériles ; en effet, on y cultive les céréales et la vigne. La forêt, qui occupe une partie du terroir, est encore, en 1666, un élément essentiel de l'économie locale, réserve de bois et terrain de pacage.

De plus, Rochefort n'est pas le siège d'une "petite seigneurie" avant la mainmise royale, mais d'une châtellenie, et qui n'est pas petite. Quant à la facilité d'achat que suppose "Bref, une petite seigneurie qu'il sera facile d'exproprier pour créer le grand arsenal voulu par Louis XIV", elle existe, mais elle est d'un autre ordre. Il est bien connu que la châtellenie est un domaine royal engagé, donc rachetable à tout moment, selon la volonté du souverain. La création de l'arsenal a profondément changé l'aspect des bords de la Charente au contact des ruines du château et provoqué la naissance d'une ville, mais ces transformations n'ont affecté qu'une petite partie de la paroisse et les villages ont maintenu leur vocation agricole, même si des habitants ont été attirés par de nouveaux métiers, comme charpentier de navires, perceur, calfat, et si certains se sont spécialisés dans l'horticulture de proximité, notamment à Marseille.

Quant à la Ville, dont on se demande pourquoi elle est affublée d'une majuscule, on connaît pourtant les difficultés de sa gestation, de son alimentation en eau en l'absence de source pérenne, et l'état des voies et des constructions privées pendant quelques décennies. Faut-il rappeler que, dans le même temps, les terrains avoisinants sont demeurés en l'état où les avait mis l'extraction de la pierre et de la terre qui ont servi à l'édification des remparts, avec des trous profonds et des bourbiers ? A la lecture de certains passages de la "charte", on a l'impression que Rochefort a été d'emblée la ville accueillante qu'elle est devenue aujourd'hui, grâce aux aménagements poursuivis par de nombreuses générations et à l'effort récent de plusieurs conseils municipaux.

On remarque également quelques vieux clichés exhumés de publications depuis longtemps dépassées, comme cette allée bordée d'arbres qui aurait uni l'hôtel d'un seigneur protestant à l'église paroissiale et qui aurait constitué un des axes du quadrillage urbain. On pourrait aussi discuter de la définition des quartiers et de l'originalité des immeubles, qui est nettement affirmée. Ajoutons que le lecteur n'est pas ignorant au point qu'on lui rappelle que "là où s'arrêtait la ville commençait la campagne et réciproquement". Par contre, le même lecteur éprouve quelque difficulté à interpréter "ville militaire, Rochefort est aussi une ville de citoyens". Quant à la proposition "Petite Seigneurie, grand Arsenal du Ponant, ROCHEFORT est aujourd'hui une Ville remarquable par ses différends quartiers mais tout aussi remarquable par ses différents immeubles", elle convient comme conclusion à un exposé où l'exagération tient une trop grande place, aussi bien dans l'usage des majuscules que dans le propos.

En somme, cette "charte" est une réussite de présentation. Il ne nous appartient pas de la juger du point de vue architectural mais chacun peut constater la richesse de la documentation et le souci didactique, qui s'exprime par de nombreux exemples. Par contre, pour un ouvrage de vulgarisation, on aurait pu attendre plus de simplicité dans la langue et dans le style. Le Rochefortais moyen ne s'intéresse pas au jargon des architectes et on le comprend. Peu lui importe que les maisons basses à trois ouvertures, qu'il appelle traditionnellement des échoppes, soient appelées "maisons à trois trames" ou autrement.

Quant à l'érudition locale, elle est déçue d'aperçus historiques empruntés à des publications qui méritent à peine d'être mentionnées dans une bibliographie. Certes, ces aperçus sont secondaires dans l'ouvrage, mais, quand on aborde un sujet, fût-il annexe, on se doit de s'informer sérieusement. On remarque aussi une confusion, aujourd'hui très répandue, entre commune et ville, caractéristique d'une France dont le peuplement est devenu essentiellement urbain. Par ailleurs, effets de style et formules à l'emporte-pièce sont manifestement inspirés par un parti pris de propagande, qui caractérise d'autre part Rochefort Magazine et Rochefort, ville et quartiers., autres publications émanant de la mairie. En somme, il est grand dommage qu'une étude si fouillée soit déparée par ce parti pris, y compris dans certaines de ses conclusions. L'unité de la construction, par exemple, est toute relative. En tout cas, il aurait été honnête de mettre en évidence une nette opposition entre les immeubles de la ville anciennement intra muros et ceux du faubourg.

Dictionnaire biographique des Charentais

sous la direction de François Julien-Labruyère

A première vue, le " Dictionnaire biographique des Charentais ", publié par les éditions "Le Croît Vif", apparait comme l'album de famille des " Charentais ". Cependant, il suffit de le parcourir pour constater que c'est aussi l'album d'un clan Croît Vif-académies, dont le chef est le fondateur du Croît Vif devenu directeur de l'Académie de Saintonge. La famille du directeur y figure au grand complet, toutes branches réunies, entourée des membres des trois académies, des auteurs qui ont obtenu des prix ou des médailles de ces dernières et des auteurs publiés par le Croît Vif. Beau parterre pour lequel il manque pourtant quelques photos. Quand on aura remarqué que les notices consacrées à certains auteurs, par ailleurs inconnus, consistent essentiellement en la présentation d'un bouquin édité par le Croît Vif, on sera convaincu que la publication a été conçue comme un couronnement pour le Croît Vif et son directeur.  

Ce dernier reprend les notices qu'il a réunies dans son Alambic de Charentes, publié en 1989, certaines amplifiées, et il en ajoute de nombreuses, concernant toutes époques et presque toutes disciplines. Travail titanesque mais malheureusement trop souvent superficiel et partial. Il a recommandé aux auteurs de faire référence à son bouquin, ce à quoi certains se sont d'ailleurs refusés. De plus, les auteurs, présentés comme historiens, sont très souvent des copistes sans compétence. Ceci est particulièrement vrai pour ce qui est antérieur au XVIe siècle, notamment sous la plume du coordinateur.

Quelques notices au hasard

Barbezieux (Agnès de) : " Elle succède à Sibille (1107-1134) et restera abbesse jusqu'à sa mort ". Qu'est devenue Agnès, la fille du comte Guy-Geoffroy, qui porte le même nom ? Passée à la trappe !

Intervention lamentable qui montre que l'auteur est nul en chronologie médiévale. Bel exemple de compétence pour H.T., un des auteurs qualifiés " historiens ", qui a repris Rainguet.

Il est vrai que, dans Paysans Charentais, tome I, p. 154, le maître a fait la même erreur. En l'occurrence, il a pillé Massiou, car il est bien incapable de lire et d'interpréter une notice du cartulaire de Notre-Dame de Saintes. Entre temps, Duguet a publié dans Roccafortis une étude sur Agnès de Poitiers et sa famille, mais Texier n'est pas membre de la SGR et, dans Roccafortis, Labruyère s'intéresse surtout aux comptes rendus de ses publications.

Bitaubé Pierre; " dès 1957 ce passionné d'histoire rejoint les rénovateurs de la vénérable Société de géographie, se charge de la direction technique du bulletin et publie de nombreux articles et ouvrages sur l'histoire de la ville de Rochefort". Direction totale oui, mais de Roccafortis, plus tard, et pas pour longtemps. Le président de la SGR a été victime de son souci de synthèse condensée.

Fontaine Robert; " Il est surtout un analyste des archives notariales dont il tire une étude remarquée sur les origines de la population rochefortaise publiée dans Rochefort 1666-1966. FJL ". FJL = François Julien-Labruyère.

Enorme bourde. Ce n'est pas dans des archives notariales qu'on recherche l'origine des habitants. L'analyse est bien postérieure à 1966 et avait un tout autre objet. Fontaine en a tiré un étude sur la paroisse de Rochefort au XVIIIe siècle.

Frédulphe ou Fréculphe (saint), évêque de Saintes du IXe siècle dont longtemps le souvenir s'est perpétué avec son nom donné à une des paroisses de la ville, aujourd'hui disparue. Voir Rainguet. FJL.

Frion (saint), confesseur de l'église santone au Ve siècle. Son nom (Frion, Froult ?), son histoire ou sa légende restent douteux ; il ne doit sa présence dans ce dictionnaire qu'au fait de se voir considéré localement comme saint et d'avoir eu à ce titre une chapelle dédiée à son culte sur les hauteurs de Saintes. Voir Rainguet. FJL.

L'auteur des notices ne s'est pas aperçu que la paroisse saint Frédulphe correspond à la " chapelle " saint Frion, sur les hauteurs de Saintes, parce qu'il ignore la documentation médiévale sur Saintes. S'il avait consulté Alain Michaud, son bras droit à l'Académie de Saintonge, qui connaît la Saintes médiévale comme sa poche, il aurait appris que Frion est une altération de Friou, forme locale correspondant au latin Fredulfus. Mais il est évident que Michaud, tout académicien qu'il soit, n'est pas à la hauteur du grand Rainguet !

Gabet Camille; " Directeur des pompes funèbres de Rochefort " : entrepreneur de pompes funèbres à Rochefort.

" Il domine l'érudition charentaise pendant plus de trente ans, grâce à ses recherches archéologiques d'une précision remarquée ". Pas pour Pépiron, non publié. Si l'érudition se réduit à l'archéologie, elle manque singulièrement d'envergure. Les David, Delafosse, Flouret, Fontaine, Maurin, Tardy et autres, sont donc de petites pointures ? En fait, la précision est celle de David, qui a mesuré, dessiné et photographié. Or David a été oublié.

" Il est celui qui ressuscite la Société de géographie de Rochefort en 1949, lance son bulletin Roccafortis " . Tout faux.

" Il participe également à la création de la SEFCO en 1962  et réussit à fédérer autour de lui l'idée d'une société savante départementale en créant et en devenant le premier président de la Fédération". Charabia. Faux pour la SEFCO.

Bon exemple d'exactitude et d'impartialité.

Ganelon, seigneur légendaire de Tonnay-Boutonne.

La notice consacre une bonne page à la légende jugée " intéressante à décoder ". Dans une longue analyse, FJL rappelle que " on sait seulement de façon certaine qu'au début du XIIIe siècle elle (la seigneurie de Tonnay-Boutonne) appartenait aux Lusignan; A Taillebourg, il (Hugues X de Lusignan) sera vaincu puis puni à Pons puisque Tonnay lui sera confisqué (ainsi que la forêt de Saint-Jean-d'Angle, qui comme par coïncidence, faisait partie des fiefs de Hugues X). Voilà bien le parfait Ganelon local ".

Rappel de la capture de Ganelon dans la forêt de Saint-Jean-d'Angle, dans la légende. Malheureusement, la forêt confisquée par Louis IX est la forêt de Baconnais, désignée comme dépendance de Saintes. La coïncidence tombe et le symbole itou. Quant aux anciens seigneurs de Tonnay-Boutonne, la démonstration récente de Duguet à ce sujet, dans Roccafortis, est minable. Un zéro pointé pour Duguet, qui est en retraite méritée de la docte Académie de Saintonge.

Louis IX (saint), roi de France; (après la campagne de 1242 en Saintonge) les Lusignan-Angoulême demandent le pardon à Pons lors d'une grande cérémonie de repentir et voient une partie de leurs domaines confisqués au profit de la Couronne, plus particulièrement du frère du roi, Alfonse de Poitiers qui y instaure les règles capétiennes de gestion des domaines, concernant notamment l'assolement triennal. Plus tard, courant août 1242, Louis IX fait établir le traité de Pons qui fixe les frontières entre Saintonge et Angoumois; FJL

La chronologie en prend un coup. Ce n'est pas " plus tard " mais " au camp devant Pons ", en août 1242, que Louis IX règle ses comptes avec Hugues de Lusignan vaincu. Il ne s'agit pas d'un traité mais de " lettres ". Le roi fait savoir à la postérité, par un acte solennel, qu'il conserve les places conquises pendant la guerre et il énumère ces places, qui sont presque toutes des concessions faites à Hugues X pendant la régence de Blanche de Castille. Autrement dit, il recouvre ce qui a été donné. Il se préoccupe de " frontière " entre Saintonge et Angoumois comme de sa première robe. D'ailleurs peut-on parler de frontière à l'intérieur d'un Etat ? Quant à son frère Alfonse, comte de Poitiers, il transforme le complant des vignes du Grand Fief d'Aunis en cens, par commodité, sans se référer à un quelconque usage " capétien ". Rien de plus.

L'introduction imaginaire de l'assolement triennal renvoie à Paysans Charentais, tome I, p. 198 : " La probabilité la plus forte de l'introduction du rythme triennal en Aunis, puis par mimétisme et déplacements de populations en Saintonge, est de l'associer à l'instauration par Alphonse de Poitiers, du régime de gestion capétienne du domaine : en même temps qu'il transformait les agrières locales en modernes censives, il introduisait des règles strictes quant à la rotation des cultures et à la vaine pâture ". Précis, non ? Ceci est publié en 1982. Aujourd'hui, la probabilité est devenue certitude. Comme le bon vin, la pensée du maître se bonifie en vieillissant.

Rainguet (Pierre-Damien) (1803-1875).

" Si Pierre-Damien Rainguet est l'érudit le plus cité de ce dictionnaire, c'est bien parce que sa Biographie saintongeaise en est une des sources majeures. Il est vrai que son livre se voit mis en cause, notamment par les historiens actuels de Jonzac, comme comportant de multiples erreurs et comme étant trop franchement orienté vers une bondieuserie de sacristie; La critique est évidemment recevable dans le détail, mais elle ne prend pas en compte l'esprit du temps et néglige le fait que Rainguet écrivait seul et sans grands moyens d'information. Son dictionnaire reste un grand moment de l'historiographie régionale et sa notoriété personnelle de grand érudit de son siècle amplement méritée et justifiée ". Signé FJL.

Si Rainguet est mal informé, on s'explique que " les historiens actuels de Jonzac " qui, eux, sont bien informés, ne tiennent aucun compte de la Biographie saintongeaise. Quant à " sa notoriété personnelle de grand érudit de son siècle amplement méritée et justifiée ", elle n'existe que dans l'imagination de l'auteur de l'article, qui corrige pourtant son modèle dans la notice suivante :

Aimeric, abbé de Saint-Jean-d'Angély élu en 1018, l'année même d'une incursion normande sur la Boutonne, dont le rôle ambigu lors de l'attaque lui vaut des soupçons, vite effacés.

Rainguet avait écrit :

Aimeric, né vers 973, appartenait à une famille de Saintonge. Il fut élu abbé de Saint-Jean-d'Angély en 1018, précisément l'année même où les Normands, attirés par le grand nombre de pèlerins qui venaient visiter la relique de saint Jean-Baptiste, opérèrent une nouvelle descente sur les côtes du Poitou et de la Saintonge;

C'est pas tout à fait pareil. Les potaches sauront ainsi qu'en 1018 ces méchants Normands ont remonté la Boutonne. Il manque pourtant une photo de l'ancre normande exposée à Taillebourg.

Rudel (Jaufré), troubadour en langue saintongeaise (Blaye 1140-Tripoli 1170). Seigneur de Blaye, il demeure célèbre en pays charentais pour avoir composé une oeuvre poétique en saintongeais, ce qui démontre bien les anciennes influences santones en futur pays gabaye (il se situe à l'opposé d'un Rigaut de Barbezieux qui, lui, pratique l'occitan en zone d'oïl). Il se croise par amour de la comtesse de Tripoli qu'il n'a jamais vue et meurt entre ses bras au moment de débarquer, épisode qui inspira de nombreux autres troubadours. Voir Alambic. Le lycée de Blaye porte son nom. JFL.

JFL connaît donc la " langue saintongeaise " au XIIe siècle. Il est le seul. Blaye n'étant pas en Saintonge, cette langue est-elle celle qui est en usage à Champagne, dont Jaufré Rudel est seigneur ? Il ajoute que Barbezieux est alors de langue d'oïl. Il est encore le seul à le savoir. On pourrait admettre que Jaufré meure dans les bras de la comtesse, mais en un autre lieu et en une autre circonstance... Quant à la date 1170, d'où provient-elle ?

Des interventions partiales

O. S.A. règle ses comptes avec l'intendant Demuin, moins comme mauvais administrateur que comme persécuteur des réformés (article Lucas de Demuin (Honoré)).

JFL annexe Poitiers à l'Aunis en imaginant que les évêques de Poitiers sont des cadets de la famille de Châtelaillon. Il emprunte sa généalogie au grand Rainguet et, comme lui, s'arrête à Isembert 1er. Et ceci en introduction aux notes de Duguet sur les Châtelaillon. Pour le corriger ?

Dans une notice sur Freddy Bossy, le même critique l'appellation " poitevin-saintongeais ", d'usage général pour désigner les parlers régionaux, parce qu'il n'admet pas que " saintongeais " figure après " poitevin ". Comme il a publié un article intitulé " Le fâcheux trait d'union ", dans lequel il s'insurge contre " poitevin-saintongeais ", il affirme que, " en pays charentais on parle d'un " mouvement du trait d'union ". On, c'est sûrement lui. Et combien d'autres ?

Quelques nombres

5321 grands Charentais recensés, y compris " fictifs ", débris de squelettes et casque d'apparat, ça fait 5321 noms à coller au coin des rues. Merci maître François. Désormais, nous ne serons plus embarrassés pour désigner les rues nouvelles. Signé les maires du secteur.

1100 personnes vivantes ont leur notice. Si chacune a acheté le bouquin pour montrer à son entourage qu'elle compte dans le microcosme charentais, l'éditeur s'est tiré d'affaire. Toujours est-il que le pavé ne fera pas date dans l'histoire de la publication régionale. Les 3 tonnes ½ de papier employées pour les 3000 exemplaires du bouquin auraient pu être réduites de moitié, voire de la totalité, sans que la science y perde, mais, évidemment, au grand dam d'une " l'identité charentaise " qui n'existe que dans l'imagination de l'éditeur-auteur.