NOTES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LA CHANSON
" A LA PÊCHE DES MOULES " OU " A LA PÊCHE AUX MOULES "
En 1976 une vive discussion s’est élevée sur l'origine et la forme " authentique " de la chanson (Aguiaine, tome X, pp. 152, 371, 533) et en 1977 Roger Pinon a publié une note bibliographique sur la folklorisation de cette chanson (Ibid., tome XI, p. 252-255). Nous présentons, selon un ordre chronologique, les mentions, citations ou publications que nous avons nous même relevées sur le sujet, au hasard de lectures.
Fin XVIIIe siècle - Le chansonnier et dramaturge parisien Antoine-Pierre-Augustin de Piis (1755-1832) recueille ou compose un air qui figure dans son Théâtre, " La Matinée ", Paris, éd. Lawalle-Lécuyer, p. 21, air 33, et éd. Gouband, p. 15, n° 20 et dans la Clé du Caveau par Capelle, éd. 1811, tome I, p. 54, timbre n° 120 (Roger Pinon, SEFCO, XI, 1977, p. 254).
Le " chevalier de Piis " avait des attaches en Saintonge. Il était apparenté aux Bremond d'Ars par sa mère, Marie-Geneviève de La Loue. Il a notamment fréquenté dans sa jeunesse la société qui se réunissait au Port Tublier, à Chaniers, où l'on jouait la comédie. Au Port Tublier il a eu une liaison avec une demoiselle Latache, qu'il a appelée Cidalise dans des vers de souvenirs et au sujet de laquelle il a écrit dans son " carnet " : " Souvenir délicieux de Chaniers, au bord de la Charente. Peupliers de Melle Latache. Carrière où je faisais ma toilette ... Regrets éternels de ne pas m'être marié avec cette personne estimable... ". Rainguet signale qu'il " avait transporté sur la scène les airs, les bals, et jusqu'au patois saintongeais ".
Voir :
- Rainguet. Biographie saintongeaise, Saintes, 1851, pp. 453-455.
- Revue de Saintonge et d’Aunis, III, 1881-1882, p. 245 : texte d'une lettre de de Piis au comte Pierre de Bremond d'Ars, " en son hôtel, rue des Jacobins, à Saintes ", de Paris, 16 février 1830.
- Ibidem, VIII, 1888, pp. 325-328 : article intitulé " Delaitre, maître de danse à Saintes ", signé La Morinerie.
- Ibidem, XVIII, 1898, pp. 184-188 : article intitulé " Le chevalier de Piis ", par Louis Audiat - la parenté de de Piis avec les Bremond d'Ars.
- Recueil de la Commission des arts, VIII, pp. 331-332 : legs à la bibliothèque de la ville de La Rochelle de manuscrits et de dossiers dont l'un concerne de Piis.
- Ibidem, IX, pp. 381-382 : notes autobiographiques tirées de son " carnet " et se rapportant à la Saintonge.
- Ibidem, X, pp. 59-60 : suite des notes autobiographiques ; pp. 123- 124 : textes de trois lettres inédites datées de 1809, 1812 et 1828 ; p. 451 : texte d'une autre lettre, du 27 novembre 1810.
1857 - Weckerlin Jean-Baptiste. " Échos du temps passé ", tome II, Paris, p. 136 " A la pêche des moules " (Roger Pinon, SEFCO, XI, 1977, p. 253).
Ce texte a été repris dans " Chansons et rondes enfantines des provinces de la France ", Paris, Garnier, 1889, où Weckerlin a signalé en note : " J'ai publié cette chanson il y a déjà plusieurs années (1853), dans le premier volume des " Échos du temps passé " ; on l'a pillée bien des fois depuis ce temps-là. Mon ami Georges de La Landelle me l'avait chantée avec son accent de loup de mer. M. Bujeaud, dans les " Chansons de l'Ouest ", donne bien un air qui a des rapprochements avec celui-ci, mais il est un peu lourd à côté, on le dirait chanté par un campagnard qui ne se rappelle pas bien. " (Charles Dangibeaud, Revue de Saintonge et d’Aunis, XXXIII, 1913, pp. 34-35).
Les deux références ne concordant pas pour la date et le tome, il faudrait vérifier.
1864-1866 - Bujeaud Jérôme. " Chants et chansons populaires des provinces de l'Ouest, Poitou, Saintonge, Aunis et Angoumois " ; in Mémoires de la Société de statistique des Deux-Sèvres, 2e série, tomes III et IV, et " extrait ", Clouzot, Niort, deux tomes ;
- tome 1, p. 143 de l' "extrait " : " A la pêche des moules (bal) " ; trois couplets ; notation musicale ; localisation : Saintonge, Aunis, Angoumois ;
- même tome, p. 144 : " Sur le pont de Marennes " ; un couplet ; se chante en Angoumois et en Saintonge, sur l'air noté p. 143.
1869 - Jônain Pierre. " Dictionnaire du patois saintongeais " ; Royan, chez l'auteur, Niort, Clouzot et Paris, Maisonneuve ;
- p. 426 : chanson " de fillette " : " Aux bords de Marennes / Jh'ai p'rdu mes bas, ma mére... " ; un couplet, sans notation musicale ; immédiatement après : " Variante : A la péche aux moucles, trop connu pour être répété. Ce bal a eu l'honneur d'être noté pour piano à quatre mains " ; pas de notation musicale. A l'article " mouclle " du dictionnaire, il ajoute : "joli bal, là-dessus. Voyez jharretières". Il n'y a pas d'article "jharretières" mais le renvoi indique que le mot " jharretières " figure dans le texte de " A la pêche aux mouclles ".
Le même auteur a mentionné " la pêche aux mouclles " dans une énumération de chansons, insérée dans une imitation de " la Cigale et la Fourmi ", parue dans " le Courrier de Rochefort " du 18 novembre 1883 (p. 3), avec la signature Thoumas Lesourt (P. J.) : "Neut et j'hour, j'he chantis, pardine ! / Scottich', verse, bal, montférine... / La pêche aux mouclles, I' n'at qu'in brat... ".
15 septembre 1878 - " A la pêche des moules " ; texte publié dans la "Chronique charentaise" par M. de Toyon, "avec commentaire sur le rythme", d'après Charles Dangibeaud, qui ajoute que l'article a été " reproduit en entier, mais sans signature ", dans "le Clairon" du 8 août 1909 (Revue de Saintonge et d'Aunis, XXXIII, 1913, p. 35).
1891-1909 - L'abbé Noguès réunit des " Chansons d'autrefois en Saintonge et en Aunis ", paroles et musique, dans un cahier d'écolier ; signalé dans SEFCO, I, p. 35 et III, p. 89. Comme ce manuscrit mentionne " complément de mon ouvrage " Les mœurs d'autrefois " (paru en 1891), il est probablement postérieur à 1891, mais de quand datent les relevés ? Toujours est-il que " la pêche aux moules " figure dans le recueil ; G. Labodinière et J. Gourvest l'ont successivement signalé (SEFCO, I, p. 265 et III, p. 90).
1912 - " Aux abords de Marennes / J'ai perdu mes bas, ma mère... ". Texte recueilli par Charron, instituteur à Montpellier-de-Médillan, qui le présente ainsi : " ... ce que dansaient surtout nos grands-pères, c'était le bal dont mainte vieille femme murmure encore l'air et les paroles à ses petits enfants et que voici ". Publié dans Revue de Saintonge et d'Aunis, XXXII, 1912, pp. 267-268, avec notation musicale de 0. Rousset..
Suit une N.D.L.R., qui est probablement de Ch. Dangibeaud : " C'est une variante de la chanson plus répandue : A la pêche des moules... (un couplet). La notation de M. Rousset des huit premières mesures alourdit l'air populaire plus alerte. "
- Deux mois plus tard, Ch. Dangibeaud publie dans la même revue (XXXII, pp. 341-343) un article intitulé " Le texte du bal de Saintonge ". " L'air si entraînant des Enfants de Marennes, écrit-il, est classique pour le bal de Saintonge. Mais, chose à peine croyable ! il est très difficile aujourd'hui de savoir quelles sont les paroles authentiques. On nous les a demandées et je dois avouer que je n'ai pas su où me les procurer. Bujeaud, dans ses "Chants et chansons populaires ", donne un texte qui n'est qu'une variante, et encore incomplète. " Il critique la version de Bujeaud, dont la " seconde strophe " lui apparaît comme un "arrangement poétique", qui manque de " la naïveté d'un chant populaire ". Il reproduit ensuite le texte d'une version contenue dans le recueil " Chansons de Saintonge ", de Gaston Latouche, publié en 1911, et qui lui a été communiqué par Daniel Bethmont : A la pêche des moules. Les paroles de cette publication lui paraissent plus proches que celles de Bujeaud de celles qu'il a entendues " jadis ". L'article s'achève par un appel " à la mémoire de nos confrères ".
1913 - Nouvel article de Dangibeaud, même titre (même revue, XXXIII, pp. 34-35). Seul l'érudit Léon Massiou a répondu à son appel. C'est lui qui a signalé à Dangibeaud le texte de Weckerlin publié en 1889 (ci-dessus, à l'année 1857). Le " bal " était-il encore dansé en Saintonge ? Il aurait fallu battre la campagne. C'est ce qu'écrivait Marchadier à Burgaud des Marets le 13 septembre 1860 : " Peur ce qu'é dés chanson, sais be ce qu'o faurait peur n'en teurver ; faurait se peurmener mais de six moê en tous les coins et recoins d'la Saintonge, avec in canepin et in créon. " (C. Beaulieu. Vie et travaux de Burgaud des Marets, pp. 109-110). Mais Marchadier n'avait pas le temps et faisait une collecte par correspondance pour l’envoyer à Burgaud (Ibidem, p. 105-106).
1926 - Beaulieu Camille. " Vie et travaux de Burgaud des Marets ", La Rochelle. Beaulieu écrit : "Nous osons préférer à ces idioties (les chansons parisiennes de son temps) La pêche aux mouclles, ou Le Remarin, de Pierre Jônain " (p- 67)-
Nous signalerons que Burgaud a fait relier " les lettres, le glossaire et les nombreuses chansons saintongeaises transmis par Marchadier " et que cette reliure a été communiquée à Beaulieu par " le grand, patoisant bourguignon " François Fertiault (ibidem, pp. 109-110). En 1928, Beaulieu se proposait de publier " les chansons saintongeaises " qu'il détenait (ibidem, p. 104, note 1), parmi lesquelles devaient se trouver celles qui avaient été réunies par Marchadier soixante-dix ans plus tôt. Ces manuscrits ne sont peut-être pas perdus.
A propos de manuscrits de chansons, Marcel Pellisson a signalé en 1888 que Eutrope Jouan, de Mortagne-sur-Gironde, possédait alors un chansonnier " datant de 1785 ", qu'il lui avait communiqué. Ce chansonnier avait appartenu à Alphonse-Amédée Renou, originaire de Saint-Jean-d'Angély, qui avait été notaire à Mortagne. Il comprenait au moins 103 chansons, d'après les indications de Pellisson (Revue de Saintonge et d'Aunis, VIII, 1888, pp. 121-124).
Publié dans Aguiaine, revue de la Société d’Études Folkloriques du Centre-Ouest, tome XIX, 9e livraison, mai-juin 1986, p. 529-532.