Un document judiciaire daté du 4 septembre 1498, qui est conservé à la bibliothèque municipale de Poitiers (A 34 liasse 2), fournit des renseignements circonstanciés sur le fonctionnement du péage perçu alors au pont de Chauvigny. C'est une enquête effectuée sur plainte de neuf habitants de Poitiers, à l'encontre de l'employé à la perception, le "pontenier", comme on l'appelle. Ces personnes reprochent au "pontenier" de les soumettre à une obligation dont ils prétendent être exempts par faveur royale, et ce par des procédés pour le moins énergiques. Les dépositions font connaître le tarif du péage, donnent un aperçu de la fréquentation du pont et, de plus, mettent en évidence un pèlerinage annuel à Chauvigny en l'honneur de saint Fiacre.

Le pèlerinage est mentionné par plusieurs personnes qui y ont participé le dimanche 2 septembre et qui en nomment d'autres, notamment le cuisinier de Montierneuf de Poitiers. C'est le "voyage à Monsieur saint Fiacre", qui attire dans la ville une "grande assemblée" de pèlerins venus de Poitiers et d'ailleurs.

On possède par ailleurs une mention du même pèlerinage, pour l'année 1414. Cette année-là, un hôtelier de la ville a tué son gendre au cours d'une rixe, le jour même de la fête du saint. Des " lettres de rémission " qui lui furent accordées mentionnent : " Ce jour-là, il y a toujours affluence, et, à l'hôtel, il y a plus de notables gens qu'en temps normal, pour l'honneur et la fête de M. Saint Fiacre, qui est prié et adoré audit lieu " (1). En 1414, le 30 août, jour de la fête, tombe un jeudi. Il en est de même en 1498, de sorte que, cette année-là au moins, le pèlerinage s'est prolongé jusqu'au dimanche suivant, 2 septembre.

On aimerait en savoir davantage sur cet élan de piété populaire qui animait la ville chaque année. Toujours est-il que le " voyage " est attesté pour presque tout le XVe siècle, sans qu'on sache avec précision où le saint était " prié et adoré ", " à Chauvigny ".

Note

(1) Le Pays Chauvinois, n° 1, p. 12.